Obligation de végétaliser ou d’installer du photovoltaïque en toiture : le décret est paru
L’arsenal renforçant, à compter du 1er janvier 2024, et ce en application de la loi Climat et Résilience, l’obligation d’intégrer des systèmes de gestion des eaux pluviales et procédés d’ombrières photovoltaïques ou végétalisées aux toitures de certains bâtiments et parcs de stationnement est au complet. Les textes réglementaires - un décret et deux arrêtés - sont parus fin décembre, notamment pour préciser la consistance des travaux "lourds" déclenchant l'obligation et les critères d’exonération identifiés par la loi.
Un décret - complété de deux arrêtés en date du 19 décembre 2023 - précisant l’application des articles L.171-4 du code de la construction et de l’habitation (CCH) et L.111-19-1 du code de l’urbanisme (CU), tous deux introduits par l’article 101 de la loi Climat et Résilience, pour renforcer - en théorie au 1er juillet 2023 - la végétalisation et le développement de systèmes de production d'énergies renouvelables en toiture de certains bâtiments, est paru le 20 décembre. Ce que ne dit pas la notice, c’est que les deux projets de décrets successivement mis en consultation en mai et en août derniers ont été regroupés. L’un concernant l’installation en toiture des bâtiments non résidentiels nouveaux ou lourdement rénovés [avec un seuil de 500m2/1000m2 pour les bureaux] - et des aires de stationnement associées - (voir notre article du 24 mai 2023). L'autre régissant les parcs de stationnement extérieurs (voir notre article du 31 août 2023).
Pas un mot non plus dans la notice de la récente loi d’accélération de la production d’énergies renouvelables (art. 41) venue affermir ces obligations (élargissement du champ en y incluant les bâtiments publics et abaissement des seuils au 1er janvier 2025) donnant au dispositif des aspects kafkaïens notamment en termes de calendrier.
Installation en toiture des bâtiments
Le décret précise en particulier la nature des travaux de rénovation lourde déclenchant l’obligation d'intégrer des procédés de production d’énergies renouvelables ou de végétalisation aux toitures de certains bâtiments non résidentiels, ainsi que les critères relatifs aux exonérations et justificatifs requis qui permettront au maître d’ouvrage de s’en affranchir. Un nouvel article R.171-32 du CCH indique au préalable le seuil à partir duquel un bâtiment est soumis à l'obligation liée à l’article L.171-4.
Rénovation lourde - C’est l’objet d’un nouvel art. R.171-33 précisant que sont considérés comme des travaux de rénovation lourde visés par l’obligation "ceux qui ont pour objet ou qui rendent nécessaire le renforcement ou le remplacement d'éléments structuraux concourant à la stabilité ou à la solidité du bâtiment".
Exonérations - La majeure partie du texte s’emploie à détailler les conditions d'application des dérogations en raison de contraintes techniques, de sécurité, architecturales ou patrimoniale (monuments historiques, sites classés, etc.). L’existence de coûts disproportionnés (autre motif d’exonération) est établie lorsque le rapport entre le coût de l’installation (végétalisation ou ENR) et le coût global des travaux (construction, extension ou rénovation) dépasse un taux fixé par arrêté. Il faut se référer à l’arrêté du 19 décembre 2023 pour appréhender toutes les subtilités des méthodes de calcul évoquées par les articles R.171-36 et R.171-37 pour bénéficier de l’exemption pour défaut de conditions économiquement acceptables.
Le dispositif s’articule avec la procédure de demande d’autorisation d’urbanisme. Afin que les instructeurs puissent vérifier la conformité des demandes d’exonération, le maître d’ouvrage devra indiquer dans sa demande d’autorisation d’urbanisme s’il est soumis au L.171-4 du CCH, et s’il y a lieu l’exonération dont il se prévaut (R.171-35). Dans ce dernier cas, les documents justificatifs listés par le décret devront également être joints à son attestation.
Taux de couverture - Il est proposé "dans un premier temps" de ne pas excéder le taux de couverture minimum prévu par la loi, à savoir 30% de la surface de toiture du bâtiment construit ou rénové de manière lourde et des ombrières créées surplombant les aires de stationnement, à compter du 1er janvier 2024 ; 40% à compter du 1er juillet 2026 ; 50% à compter du 1er juillet 2027.
Caractéristiques techniques - C’est l’objet de l'autre arrêté. Ces caractéristiques techniques minimales portent sur l’épaisseur de substrat (minimum 8 cm pour les rénovations et 10 cm pour les bâtiments neufs), la capacité de rétention en eau (minimum de 35% en volume), le nombre et les types de végétaux (au minimum 10 espèces végétales), l’alimentation en eau et le contrat d’entretien (a minima une fois par an).
Obligation d'équipement des parcs de stationnement
Champ d’application - Sont visés les parcs de stationnement qui "ne sont pas intégrés à un bâtiment", précise le décret, et qui sont assujettis, à l'obligation d'intégrer des dispositifs végétalisés concourant à l'ombrage desdits parcs ou des ombrières intégrant un procédé de production d'énergies renouvelables (mentionnée à l'article L.111-19-1 du CU). Ces mêmes parkings doivent également intégrer un dispositif de gestion des eaux pluviales favorisant la perméabilité des sols et l’infiltration ou l’évaporation des eaux (mentionné au deuxième alinéa du I de l'article L.174-1 du CCH et à l'article L.111-19-1 du CU).
Pas l’un sans l’autre - Les obligations auxquelles sont soumis les bâtiments en application du premier alinéa du I de l'article L.171-4 du CCH ne peuvent être réalisées en tout ou partie sur les ombrières surplombant les parcs de stationnement associés aux bâtiments en cause que si ces parcs de stationnement satisfont également aux obligations résultant de l'article L.111-19-1 du CU.
Définition de la rénovation lourde - Les travaux de rénovation lourde visés à l'article L.171-4 du CCH correspondent au "remplacement total du revêtement de surface au sol sur une superficie représentant au moins la moitié de la superficie du parc de stationnement". Les parcs de stationnement faisant l’objet d’une rénovation lourde sur au moins la moitié de leur surface devront ainsi intégrer un dispositif de gestion des eaux pluviales et un dispositif d’ombrage dans les conditions précisées par l’article L.111-19-1 du CU.
Calcul de superficie - Le décret définit la superficie des parcs de stationnement assujettis aux obligations ainsi fixées aux articles L.171-4 du CCH et L.111-19-1 du CU. Cette superficie comprend les emplacements de stationnement, à l’exclusion de tout autre usage (espaces de détente, espaces verts, espaces logistiques ou de stockage, etc.), ainsi que les voies et cheminements de circulation. Une distinction entre les éléments pris en compte pour la superficie est opérée selon la nature de l’obligation faite au parc. Ainsi, s’agissant des dispositifs de gestion des eaux, les espaces (noues ou jardins de pluie, par exemple) ou aménagements compris au sein du périmètre du parc de stationnement seront pris en compte dans la détermination de la superficie du parc assujettie à cette obligation.
Calcul de l’ombrage - Il est considéré qu’un arbre à canopée large par tranche de trois emplacements de stationnement permet de satisfaire l’obligation fixée par l’article L.111-19-1 du CU. Les arbres doivent en outre être "disséminés sur l’ensemble du parc".
Exonérations - L’autre objet du décret est de détailler les critères d’exonération de ces obligations, que le propriétaire devra justifier lors du dépôt de son dossier de demande d’autorisation d’urbanisme. Le texte évoque notamment les contraintes économiques en prévoyant des possibilités d’exonération en cas d’atteinte à la "viabilité économique du propriétaire du parc de stationnement" ou en cas de "coût excessif des travaux" générés par le dépassement de la contrainte technique. De surcroît, une exonération temporaire peut être accordée par le préfet pour les parcs de stationnement ayant vocation à être supprimés ou transformés dans le cadre d’une opération d’aménagement s’inscrivant dans un périmètre particulier - périmètre d’attente de projet d’aménagement global (Papag), opération de revitalisation des territoires (ORT), opération d’intérêt national (OIN), orientations d’aménagement et de programmation (OPA) des plans locaux d’urbanisme (PLU).
Rallongement de la durée d’interruption des travaux - Il s’agit de tenir compte des contraintes que le propriétaire peut rencontrer malgré ses "diligences". Ainsi, la durée d’interruption des travaux au-delà de laquelle l’autorisation d’urbanisme est périmée, jusqu’alors jurisprudentielle, est allongée et sécurisée à deux ans.
Entrée en vigueur - Le texte s’applique aux demandes d'autorisations d'urbanisme déposées à compter du 1er janvier 2024 et à la conclusion ou au renouvellement d’un contrat de concession de service public, de prestation de services ou de bail commercial portant sur la gestion d’un parc de stationnement intervenant à compter du 1er janvier 2024.
Références : décret n° 2023-1208 du 18 décembre 2023 portant application de l'article L. 171-4 du code de la construction et de l'habitation et de l'article L.111-19-1 du code de l’urbanisme, JO du 20 décembre 2023, texte n° 30 ; arrêté du 19 décembre 2023 portant application de l'article L.171-4 du code de la construction et de l'habitation et fixant les caractéristiques minimales que doivent respecter les systèmes de végétalisation installés en toiture ; arrêté du 19 décembre 2023 portant application de l'article L.171-4 du code de la construction et de l'habitation, fixant la proportion de la toiture du bâtiment couverte par un système de végétalisation ou de production d'énergies renouvelables, et précisant les conditions économiquement acceptables liées à l'installation de ces systèmes, JO du 29 décembre 2023, textes n° 67 et 68. |