Archives

Nucléaire : la centrale de Fessenheim définitivement débranchée

Fessenheim, la doyenne des centrales nucléaires françaises, ne produira plus d'électricité : son second réacteur a été débranché du réseau électrique national lundi 29 juin à 23h00. Cette nouvelle étape ouvre la voie au démantèlement, qui devrait se poursuivre jusqu'en 2040. Si les antinucléaires se sont réjouis de cette fermeture, salariés et habitants du territoire ont fait part de leur inquiétude, aucun projet n'étant encore officiellement arrêté pour pallier la fin de cette activité. Un  comité interministériel dédié au suivi de la reconversion économique du territoire de Fessenheim doit se tenir à la rentrée.

Après l'arrêt du premier réacteur le 22 février dernier, le second réacteur de la centrale nucléaire de Fessenheim a été débranché du réseau électrique national lundi 29 juin à 23h00, mettant fin à 43 ans de service. La fin de l'exploitation de la doyenne des centrales nucléaires françaises intervient comme un point final après des années de remous, de débats et de reports de son arrêt. Promesse de campagne de François Hollande en 2012, la fermeture de Fessenheim avait été repoussée à maintes reprises, avant d'être actée en avril 2017.

Démantèlement inédit en France à cette échelle

Avec ses deux réacteurs à eau pressurisée, d'une puissance de 900 mégawatts (MW) chacun, la centrale installée en bordure du Rhin, près de l'Allemagne et de la Suisse, produisait en moyenne 11 milliards de kilowattheure (kWh) chaque année, soit 70% de la consommation d'électricité d'une région comme l'Alsace.
Son démantèlement, inédit en France à cette échelle, s'annonce à présent très long : 15 ans sont prévus pour démonter les deux réacteurs, à commencer par l'évacuation du combustible hautement radioactif, qui s'achèvera au mieux en 2023. Le démantèlement proprement dit devrait débuter à l'horizon 2025 et durer au moins jusqu'en 2040.

Inquiétudes des salariés et des habitants

Victoire pour les antinucléaires français, allemands et suisses, la fermeture de Fessenheim suscite au contraire la colère des salariés de la centrale et de la plupart des 2.500 habitants de la commune. Seuls soixante salariés EDF conduiront son démantèlement vers 2024. Fin 2017, ils étaient encore 750, ainsi que 300 prestataires. Quant aux habitants de ce village autrefois modeste, ils ont vécu pendant des décennies grâce aux importantes retombées économiques et fiscales de cette installation et craignent un grand trou d'air économique : aucun projet n'est encore officiellement arrêté pour l'après-Fessenheim.
Fermer la centrale, alors qu'elle "est en bon état de marche et a passé tous les tests de sécurité", est "absurde et incompréhensible", regrette ainsi le maire Claude Brender. "Clairement, après la fermeture, on se retrouve complètement à sec et très loin de tout projet de territoire", a également relevé le président de la région Grand Est, Jean Rottner, regrettant une "décision politique" de l'Etat prise sans avoir prévu d'"outils de remplacement". "L'enjeu politique pour le gouvernement, c'était la fermeture de la centrale #nucléaire de #Fessenheim. La promesse de François #Hollande sera donc tenue par Emmanuel #Macron. Pour ce qui est des conséquences de cette décision, l'Etat y semble toujours indifférent...", a regretté sur Twitter le député du Haut-Rhin Raphaël Schellenberger (LR).

Comité interministériel à la rentrée

Dans un communiqué diffusé ce 29 juin, la ministre de la Transition écologique et solidaire, Elisabeth Borne, et la secrétaire d’Etat Emmanuelle Wargon ont au contraire souligné leur engagement "à accompagner la reconversion rapide du territoire". "Le développement économique de Fessenheim constitue en effet une priorité du Pacte territorial signé par les gouvernements allemand et français et les élus locaux en février 2019, afin de donner un nouvel avenir à ce territoire rhénan, rappellent-elles. Ce projet de reconversion s’inscrit d’ailleurs dans une perspective franco-allemande et fait partie de la liste des projets prioritaires du Traité d’Aix-la-Chapelle de janvier 2019."
Un  comité interministériel dédié au suivi de la reconversion économique du territoire de Fessenheim se tiendra à la rentrée. Le développement économique du territoire de Fessenheim repose sur l’aménagement de plusieurs espaces fonciers, permettant de nouvelles implantations d’entreprises, parmi lesquelles la zone dite EcoRhena (90 hectares), ainsi que deux autres espaces de proximité (ZIP Nord, Koechlin), indique le communiqué.

Société d'économie-mixte franco-allemande

"La création d’une société d’économie mixte franco-allemande (SEM) a en outre été validée par ses actionnaires et le recrutement de son directeur général est en cours, pour démarrer la commercialisation de ces nouveaux terrains dès 2021, détaillent-ils. Business France et Grand E-Nov sont d’ores et déjà mobilisés aux côtés des acteurs locaux pour valoriser cette offre foncière en bord de Rhin pour de nouvelles implantations." Selon les ministres, des investisseurs potentiels ont déjà fait savoir leur intérêt pour cet espace, à l’image du projet d’implantation d’une usine de fabrication de pellets de bois d’Européenne de biomasse, pour un investissement de 50 à 100 millions d'euros, qui pourrait générer jusqu’à 700 emplois locaux. Elles soulignent aussi que des engagements ont aussi été pris en termes de transition énergétique et de développement écologique du territoire : lancement d’un appel d’offres de 300 MW d’énergie photovoltaïque, représentant un engagement financier de 250 millions d'euros, avec une 3e tranche de lauréats en septembre prochain ; poursuite des travaux préliminaires au raccordement ferroviaire Colmar-Fribourg, avec la conclusion d’un accord financier fin juin ; processus d’indemnisation et de relance de la STEP (Station de transfert d'énergie par pompage) Lac-Noir Lac-Blanc, etc.