Territoires européens - MOT : un nouveau cap pour les coopérations transfrontalières, mais un cadre financier encore en suspens

Michel Delebarre, le député-maire PS de Dunkerque, le souligne volontiers : il n'est pas un "laudateur" de l'actuelle majorité. Mais en tant que président de la Mission opérationnelle transfrontalière (MOT), il s'avoue "sensible à la manière dont le gouvernement attache de l'importance" aux territoires limitrophes. Mercredi 2 juin, il est vrai, Michel Mercier était à ses côtés pour ouvrir la conférence-débat de la MOT, sur "l'avenir de l'organisation et du financement de la coopération transfrontalière en Europe" organisée à l'occasion de la treizième assemblée générale de la MOT, à la Caisse des Dépôts. Et à écouter le ministre de l'Espace rural et de l'Aménagement du territoire, cet avenir semble prometteur côté français, des Flandres jusqu'à la Catalogne…
Pour faciliter les projets communs entre territoires voisins, "nous essayons d'organiser à la fois les collectivités locales et l'Etat", a résumé Michel Mercier. Pour les premières, le ministre a défendu, lundi 31 mai, un amendement au projet de loi de réforme des collectivités territoriales. Laquelle prévoit de permettre la création de "pôles métropolitains" par les EPCI à fiscalité propre. Deux conditions sont fixées par le projet de loi : l'ensemble des EPCI réunis doit regrouper plus de 300.000 habitants ; l'un d'entre eux doit en compter plus de 150.000. L'amendement, adopté lundi, offre une dérogation : le pôle métropolitain pourrait également être constitué dès lors que l'un des EPCI est frontalier et regroupe plus de 50.000 habitants.
L'amendement a été suggéré par Etienne Blanc et Fabienne Keller, les deux parlementaires chargés en décembre par le Premier ministre d'une mission sur les questions transfrontalières, en lien avec la députée européenne Marie-Thérèse Sanchez-Schmid. Selon Etienne Blanc, présent mercredi, ces pôles métropolitains devraient permettre aux territoires frontaliers de parler d'une seule voix face à leurs interlocuteurs plutôt que de se disperser "comme les rats qui vont aux pommes"...
Les parlementaires doivent remettre leur rapport ce mois-ci. D'après Michel Mercier, leurs propositions feront l'objet, d'ici à la fin de l'année, d'un Comité interministériel pour l'aménagement et le développement du territoire (Ciadt). Alors que l'Etat français n'était jusqu'ici "pas du tout ouvert aux coopérations transfrontalières", selon Michel Delebarre, voilà que s'annonce "une modification de la programmation des neurones administratifs français…". "Nous n'attendons pas que l'Etat nous dise quoi faire", précise Christian Dupessey, vice-président de la MOT et maire d'Annemasse, qui espère bien, toutefois, que ce "frein" historique à la coopération transfrontalière devienne enfin un "facilitateur".
Parmi les pistes qui devraient se trouver en bonne place dans les propositions des parlementaires figurent la mise en oeuvre de "zones à caractère spécial" pour les espaces frontaliers, la nécessité de systématiser les volets transfrontaliers dans les contrats de projets Etat-régions (ou autres autorités locales) et la nécessité de maintenir les financements européens dans la prochaine étape de la politique de cohésion européenne (voir article ci-dessous).
Hôpitaux, transports publics, parcs naturels, les possibilités de projets communs abondent pour les territoires périphériques qui comptent en France plus de 10 millions d'habitants. Pas moins de 330.000 résidents français travaillent même outre-frontière, principalement en Suisse (135.000) et au Luxembourg (74.000). L'année 2010 pourrait être assez décisive pour leur quotidien.

Olivier Bonnin

 
Le financement de la coopération transfrontalière pour l'après-2013

A l'occasion de cette conférence-débat sur "l'avenir de l'organisation et du financement de la coopération transfrontalière en Europe", la mission parlementaire sur la coopération transfrontalière et le directeur de la DG Regio, José Palma-Andres, se sont exprimés sur le futur financement de la coopération transfrontalière pour la nouvelle politique de cohésion après 2013.

La Commission européenne reste optimiste 
La situation actuelle n'est sûrement pas propice aux discussions financières mais José Palma-Andres, directeur de la DG Regio, s'est dit "très optimiste" concernant l'évolution du financement de la coopération transfrontalière pour la nouvelle politique de cohésion : "le budget pourrait être doublé voire triplé". Les discussions déboucheront sur une première ébauche de budget pour l'automne.
La Commission travaille actuellement sur les nouvelles conditions de mise en œuvre et sur la simplification de la gestion des projets Interreg. Ces programmes font encore face à de nombreuses difficultés juridiques, administratives et fiscales. Pour José Palma-Andres, "ces projets se heurtent aux différences des lois nationales, il est important de trouver des règles communes et permettre aux programmes d'être plus flexibles". 
Ainsi, le système de répartition des crédits par pays pourrait évoluer vers une répartition par frontière. Les systèmes de certifications et de contrôles doivent être également révisés pour permettre de vérifier si les projets ont bien été réalisés. "La gestion des programmes Interreg est très spécifique par rapport aux autres programmes européens. Il est nécessaire d'adapter les règlements à ces caractéristiques", a déclaré le représentant de la Commission européenne.

Vers des stratégies macro-régionales en France ? 
Après la stratégie macro-régionale pour la mer Baltique et celle du Danube, José Palma-Andres a réitéré son engagement pour le développement de ces stratégies qu'il définit comme "un concept, une méthode travail qui permet de coordonner des instruments de financement sur un territoire". La Commission européenne souhaite le développement d'un concept commun aux différents espaces transfrontaliers pour permettre une politique plus cohérente. D'autres initiatives macro-régionales seraient en route en Europe, mais la France reste encore sceptique sur ces grands espaces.
Le président de la MOT, Michel Delebarre, s'est montré particulièrement réservé sur la question. Fabienne Keller a également exprimé son inquiétude concernant la mise en place de ces grandes zones en France. Pour la sénatrice, membre de la mission parlementaire sur la coopération transfrontalière, l'important est de rester au plus proche des citoyens pour permettre une action plus efficace : "Small is beautiful !", a-t-elle ajoutée.

Vers une évolution du rôle des Gect
Michel Delebarre a ainsi évoqué l'idée que des fonds structurels spécifiques soient directement gérés par des Gect (groupement européen de coopération territoriale). Pour José Palma-Andres, les règlements actuels ne permettent pas d'aller plus loin, à moins que les Gect se portent candidats pour des projets communs et deviennent de ce fait destinataires des moyens financiers. 
Ils peuvent également gérer des fonds de capital à risque qui soient directement transférés de l'autorité de gestion. Cependant, la constitution d'un fonds spécial pour les Gect pourrait constituer une idée intéressante à aborder dans la préparation de la nouvelle programmation.

Lauranne Bardin / Welcomeurope