Maîtrise des dépenses : le contrat de Toulouse Métropole est signé, une clause de revoyure déjà envisagée
Le Premier ministre a signé ce 7 juin, lors de son déplacement en Haute-Garonne, le contrat sur les dépenses de la métropole de Toulouse. Son président Jean-Luc Moudenc a mis l'accent sur la difficulté de l'exercice et sur la nécessité d'une clause de revoyure pour tous les contrats qui seront signés. Edouard Philippe a reconnu qu'une "analyse" de la mise en œuvre de ces contrats sera utile. Gros plan sur le contrat toulousain, sur lequel le vice-président en charge des finances de la métropole portait récemment un regard critique.
Le Premier ministre a signé ce jeudi après-midi le contrat de limitation des dépenses de la métropole de Toulouse sur la période 2018-2020 avec Jean-Luc Moudenc, président de cette intercommunalité et de l'association France urbaine. Cette séance de signatures, qui constitue l'un des temps forts de la visite que le gouvernement effectue durant trois jours en Haute-Garonne, a eu lieu symboliquement à Mondouzil, la plus petite la plus petite des 37 communes de la métropole (242 habitants).
En signant ce pacte avec l'Etat, la métropole de Toulouse s'est engagée à respecter un taux d'évolution de ses dépenses de fonctionnement de 1,35% par an, inflation comprise, au lieu des 1,2% servant de référence nationale - une "dérogation" notamment liée à la croissance démographique de l'agglomération toulousaine.
Cela doit la conduire à réaliser "un effort de trajectoire de 7 à 10 millions d'euros par an", selon un rapport annexé au contrat. Mais cet objectif n'est pas hors d'atteinte. Entre 2014 et 2016, les dépenses réelles de fonctionnement de la métropole ont en effet connu une évolution "effective" de 0,68% en moyenne annuelle.
"Pas un blanc-seing définitif"
Au sein d'une métropole qui accueille 15.000 nouveaux habitants par an, "la compression des dépenses de fonctionnement sans dégradation des services publics constitue un challenge sportif, un défi énorme", a toutefois souligné Jean-Luc Moudenc. "Cette méthode ne pourra être pérennisée dans le temps qu'en l'amendant et en l'améliorant", a-t-il encore déclaré, en appelant à "convenir d'une clause de revoyure dès le projet de loi de finances 2019".
Il s'agissait pour lui de rappeler que "cette signature ne constitue pas un blanc-seing définitif sur le dispositif contractuel", souligne-t-on à France urbaine. L'association a en effet soutenu le dispositif dès l'origine mais a pu constater "des anomalies qu'il sera nécessaire de corriger".
Le chef du gouvernement a convenu que "des revoyures" avec les associations d'élus seront à prévoir l'an prochain. Le dispositif étant totalement "nouveau" et donc "pas simple", il est normal d'"accepter l'idée que nous aurons besoin d'en analyser la portée", y compris pour apporter des ajustements, a déclaré Edouard Philippe.
Celui-ci avait auparavant réexpliqué les tenants et les aboutissants de la contractualisation : "faire en sorte que la progression des dépenses reste acceptable", ne contractualiser qu'avec les 322 plus grandes collectivités (ou EPCI), cibler les seules dépenses de fonctionnement, accepter de "moduler le taux en fonction de circonstances locales"… En outre, face à certaines accusations de "nouvelle tutelle de l'Etat", le Premier ministre a souligné que "la discussion ne porte pas sur l'opportunité de telle ou telle dépense" : "L'Etat ne rentre pas dans l'examen de la nature des dépenses."
"Il y aura des périodes de tensions"
Adoptée le 12 avril dernier à la majorité des élus du conseil de la métropole de Toulouse, la délibération en faveur de la contractualisation avec l'Etat a pour particularité de comporter en annexe non seulement le contrat avec l'Etat, mais aussi un rapport budgétaire et financier (ces documents sont à télécharger ci-dessous). Selon le conseil de la métropole, le rapport, qui est "indissociable du contrat et de l’expression du consentement à celui-ci (…) servira d’appui aux discussions entre le représentant de l’Etat et Toulouse Métropole lors du bilan de clôture d’exercice", c'est-à-dire au printemps 2019. L'enjeu sera d'évaluer si la métropole aura respecté son objectif en 2018. En cas de dépassement, une reprise financière sera calculée. "Il va donc y avoir un moment de discussion assez sévère", prévoit le vice-président en charge des finances de Toulouse Métropole. Sacha Briand s'exprimait sur le sujet le 17 mai dernier à Paris lors de la 3e journée de l'Agence France Locale (AFL).
La métropole pourra se référer au rapport pour contester (y compris en justice) des appréciations de l'Etat. A cet égard, le document précise que certaines dépenses de fonctionnement de la métropole (comme la participation au financement du syndicat de traitement des déchets ménagers) "sont en fait des dépenses d’investissement". Il est souligné par ailleurs que de nombreux événements ou mesures sur lesquels la métropole n'a aucune prise (augmentation du Smic ou des charges sociales obligatoires, hausse du prix du pétrole, évolutions législatives ou normatives…) peuvent avoir pour effet d'accroître les charges de l'intercommunalité. Celle-ci en déduit que "l’appréciation de la croissance annuelle effective des dépenses de fonctionnement se fera en isolant les effets" de ces mesures.
"Travailler sur toutes les techniques"
L'Etat tiendra-t-il le même raisonnement ? Pas sûr. La Direction générale des collectivités locales aurait accueilli fraîchement le rapport : "ils toussotent un peu, ils se demandent comment ils doivent prendre la chose", a en tout cas relaté Sacha Briand lors de la rencontre organisée par l'AFL. Même si ce rapport pourrait lui être utile, la métropole devra "travailler sur toutes les techniques qui vont permettre de respecter cet encadrement [des dépenses de fonctionnement]", a déclaré l'élu. "En l'état, a-t-il expliqué, notre stratégie consiste à contourner le dispositif par des opérations purement financières ou budgétaires". Il espère ainsi que la métropole pourra "tenir trois ans".
Sacha Briand évoque une "mécanique qui n'est pas vertueuse". Mais "il faut signer", a-t-il dit. Les collectivités signataires se verront appliquer une reprise financière moins importante en cas de dépassement.
Sur les 322 collectivités et intercommunalités concernées par la contractualisation sur les dépenses, 146 ont signé ou vont signer d'ici au 30 juin un contrat avec l'Etat, selon un récent état des lieux présenté par le gouvernement. Par ailleurs, 119 sont en attente d'arbitrage et 57 refusent pour le moment d'adhérer au dispositif. Jean-Luc Moudenc a précisé que parmi les membres de France urbaine, "25 contrats ont été signés" et "70 autres le seront d'ici la fin du mois".