Lutte contre les PFAS ou "polluants éternels" : le plan d'actions ministériel publié

Le plan d'actions ministériel sur les PFAS, dits "polluants éternels", a été publié ce 17 janvier. Organisé autour de six axes d'actions, visant notamment à mieux connaître et quantifier la présence de ces substances dans l'environnement, il est critiqué pour son manque d'ambition par l'association Générations futures mais aussi par la métropole de Lyon, particulièrement concernée par les risques de pollution en raison de la concentration de sites industriels dans la vallée de la chimie.

Moins d'une semaine après la présentation d'une étude réalisée par l'association Générations futures sur la présence probablement sous-estimée de PFAS ou "polluants éternels" dans les eaux de surface (voir notre article), le ministère de la Transition écologique a dévoilé ce 17 janvier son plan d'actions contre ces composés chimiques qui peuvent être particulièrement nocifs pour la santé humaine. "Il s'agit dans un premier temps de mieux connaître ces substances dans l'environnement, les quantifier et les mesurer, et ensuite de mettre en place des actions de réduction à la source chez les principaux émetteurs", explique Christophe Béchu, ministre de la Transition écologique, dans l'introduction du plan qui porte sur la période 2023-2027. "Ce plan d'actions s'insère en outre dans les travaux européens qui visent à interdire l'usage de ces substances, pour une meilleure protection globale de l'environnement", souligne-t-il.

Travail sur les normes

Six axes d'actions structurent le plan. Il s'agit tout d'abord de "disposer de normes sur les rejets et les milieux pour guider l'action publique". L'Anses a ainsi été saisie pour déterminer, pour les principaux PFAS, des valeurs maximales de concentrations à respecter dans les milieux, notamment aquatiques et ce, "pour donner une visibilité plus forte aux activités à l'origine de rejets significatifs (sites industriels, stations d'épuration urbaines)." "Cela permettra d'établir ensuite une priorisation puis un fondement juridique solide aux actes coercitifs pris par l'administration à l'encontre de ces activités", indique le plan. Par ailleurs, ajoute-t-il, les opérateurs de l'État (Ineris et Anses en particulier) seront chargés d'une "veille sur les progrès des connaissances en matière d'analyse, d'impact et de traitement des PFAS et les moyens de les prendre en compte dans l'action des pouvoirs publics et les programmes de recherche." Cette veille portera entre autres sur "les prélèvements et méthodes d'analyses dans les fumées et dans l'air et les paramètres de transfert des PFAS dans l'atmosphère" et "la biodégradation des PFAS sur des dispositifs d'épuration par biomasse fixée faible et très faible charge (dont infiltration sur sable)". Le deuxième axe du plan consiste à "porter au niveau européen une interdiction large pour supprimer les risques liés à l'utilisation ou la mise sur le marché des PFAS". Cinq pays européens (Allemagne, Danemark, Pays-Bas, Suède et Norvège) ont déposé un projet en ce sens le 13 janvier dernier, avec le soutien de la France. Il doit être rendu public ce 7 février.

Meilleure connaissance des rejets et de l'imprégnation des milieux

Le ministère veut aussi dans ce plan "améliorer la connaissance des rejets et de l'imprégnation des milieux, en particulier des milieux aquatiques, pour réduire l'exposition des populations". Dans l'attente d'une décision européenne sur l'interdiction des PFAS, le plan prévoit "la possibilité d‘inclure de nouveaux PFAS (en plus des quatre PFAS suivis dans les eaux superficielles et les vingt suivis dans les eaux souterraines) dans les campagnes sur les émergents nationaux (Emnat) que mènent les agences de l’eau et l’OFB une fois par cycle de la directive-cadre sur l’eau ou dans le cadre de campagnes ad hoc". Il précis que les agences régionales de santé (ARS), "en particulier dans les secteurs identifiés vis-à-vis de la problématique PFAS", ont déjà la possibilité de compléter le contrôle sanitaire qu’elles mettent en œuvre sur la base des textes nationaux. Plusieurs ARS suivent d'ailleurs déjà sur tout ou partie de leur territoire ces molécules. "Une meilleure articulation dans le partage des données (rejets, données environnementales) entre les différents acteurs doit permettre une plus grande réactivité, tant pour adapter le contrôle sanitaire (ARS) ou la surveillance (collectivités) des eaux destinées à la consommation humaine que pour adapter/renforcer le contrôle des rejets", indique le plan. En outre, à l’occasion des cessations d’activités des installations industrielles, l’imprégnation des sols en PFAS sera désormais "investiguée systématiquement, pour les secteurs industriels qui s’y prêtent, lors de la phase de diagnostic grâce à la mise à jour de la matrice ActiviPoll qui recense les probabilités d’occurrence des polluants en fonction des activités industrielles", poursuit-il.

Identification des sites industriels à l'origine de pollutions

Le ministère assure aussi qu'une "démarche d'identification des sites industriels potentiellement émetteurs de quantités significatives de PFAS sera menée". Le site Arkema de Pierre-Bénite, dans le Rhône, sera préfigurateur de cette démarche d'identification et de diminution des rejets de PFAS, précise-t-il. La préfecture du Rhône a d'ailleurs mis en garde ce 17 janvier au soir contre le taux élevé de polluants PFAS retrouvés dans des oeufs prélevés dans des poulaillers de particuliers à Oullins et Pierre-Bénite, au sud-ouest de Lyon. Les prélèvements, effectués "dans le cadre des surveillances environnementales menées par les services de l'État" ont révélé des taux de PFAS, dit "polluants éternels", huit à 16 fois supérieurs aux valeurs réglementaires, selon la préfecture. "La présence de ces PFAS dans les oeufs s'expliquerait par la contamination des sols : en picorant, les poules se contaminent, et contaminent ensuite leurs oeufs", explique-t-elle. Outre les œufs, la préfecture du Rhône recommande de ne pas consommer la chair des volailles et étend cette recommandation aux villes voisines de Pierre-Bénite - Saint-Genis-Laval et Irigny.
L'État s'engage à rendre compte "de façon transparente des résultats des analyses et actions menées" dans le cadre du plan. Ces actions seront en outre intégrées au prochain plan micro-polluants, "où elles pourront faire l'objet d'un axe dédié". "En cours de rédaction", ce plan micro-polluants est attendu "pour la fin du premier semestre de 2023".

Un plan encore jugé trop peu ambitieux

L'association Générations futures, très impliquée sur le sujet des PFAS, a salué dans un communiqué le soutien apporté par la France à la proposition de restriction de la fabrication et de l'usage des PFAS portée par les cinq pays européens précédemment cités. Mais selon elle, le plan "manque d'ambition", sur les normes comme sur la surveillance des eaux de surface, des eaux potables (avec une obligation qui ne reste prévue qu'en 2026) et des sols. "Les mesures proposées restent très floues et ne contraignent toujours pas les industriels à limiter leurs rejets de PFAS", a déclaré son porte-parole, François Veillerette. "Tous les espoirs d'une réduction de la pollution à la source reposent sur la proposition de restriction au niveau européen que l'on espère la plus large possible". "Cependant, redoute-t-il, les délais pour sa mise en œuvre risquent d'être très longs et aucune interdiction n'est à prévoir d'ici 2 ans au moins."

La métropole de Lyon a pour sa part salué le plan d'action du gouvernement mais regretté elle aussi qu'il soit "encore trop peu ambitieux", dans un communiqué publié ce 18 janvier. La collectivité "souhaite devenir un site pilote d'action prioritaire, demande plus de transparence et estime indispensable la mise en oeuvre d'une étude épidémiologique". Elle appelle de ses voeux la création d'un "Institut éco-citoyen qui puisse assurer une veille sur la pollution des sites industriels de la vallée de la chimie et ses impacts potentiels sur la santé", "en partenariat avec les citoyens, les collectivités, certains industriels, les experts-scientifiques et les chambres d'industrie".

 

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