Lutte contre la fraude dans les transports : le dispositif de fiabilisation des identités enfin précisé

La confrontation via un opérateur privé unique de l’adresse déclarée par le contrevenant lors de la verbalisation aux informations de l’administration fiscale doit participer à la lutte contre la fraude dans les transports publics. Ce dispositif suspendu à un décret pris en application de loi Savary du 22 mars 2016, paru ce 3 décembre avec un décalage de plusieurs années, s’est donc fait sérieusement attendre. 

Plus de huit ans après la promulgation de la loi Savary du 22 mars 2016 relative à la prévention et à la lutte contre les incivilités, les atteintes à la sécurité publique et les actes terroristes dans les transports collectifs de voyageurs, le dernier décret attendu - pris en application de l’article 18 de la loi codifié à l’article L.2241-2-1 du code des transports - est enfin paru ce 3 décembre. Il précise le dispositif visant, via l’intermédiaire d’un opérateur privé unique, à fiabiliser les données relatives à l'identité et à l'adresse des contrevenants recueillies lors de la constatation d'une contravention à la police des transports. Le manque de fiabilité des adresses communiquées par les contrevenants constitue l'une des difficultés pouvant expliquer la faiblesse du taux de recouvrement des amendes. Dans environ 50% des cas, les adresses sont erronées, périmées, voire purement fantaisistes.

L'article L.2241-2-1 du code des transports permet aux agents des exploitants de services de transports chargés du recouvrement d'obtenir communication auprès des administrations publiques, par l'intermédiaire d'une "personne morale unique" (le "concentrateur", comme l’appelle Bercy), de données strictement limitées aux noms, prénoms, date et lieu de naissance des contrevenants, ainsi qu'à l'adresse de leur domicile. Techniquement et juridiquement, ce n’est pas si simple à mettre en place, ce qui peut expliquer le retard pris… Mais le jeu en vaut la chandelle. L'Union des transports publics et ferroviaires évalue le gain financier du recours à ce dispositif à environ trois millions d’euros, (auquel s'imputeront cinq cent mille euros de frais de fonctionnement). 

Garanties entourant le dispositif

La Commission nationale de l'informatique et des libertés (Cnil), saisie en amont sur le projet de décret, a rendu un avis le 18 juillet dernier. S’agissant d’un traitement de données à caractère personnel, l’accent est mis sur les garanties "essentielles" pour le respect du droit à la vie privée des personnes concernées qui doivent encadrer ce dispositif anti-fraude. 

"Les renseignements transmis ne peuvent être utilisés qu'en vue de permettre le recouvrement des sommes dues au titre de la transaction pénale ou de l'amende forfaitaire majorée", insiste la notice du texte. Les demandes de renseignements transmises à la personne morale unique comportent le numéro et la date du procès-verbal, les nom et prénom(s) du contrevenant ainsi qu'au moins une des indications suivantes : sa date de naissance ; sa commune, son département et son pays de résidence. Autre garde-fou : la date et le numéro du procès-verbal ne sont pas transmis aux administrations publiques. Par ailleurs, le décret limite strictement les personnes qui peuvent accéder aux données au sein des exploitants de service de transport et de la personne morale unique, et prévoit que l'habilitation des agents rattachés à cette dernière soit délivrée à la suite du suivi d'une formation initiale et continue en matière de protection des données à caractère personnel. Un arrêté publié concomitamment indique que seuls 20 agents, habilités par la personne morale unique, et tenus au secret professionnel, peuvent avoir accès à ces informations.

Le décret renvoie la définition des spécifications techniques du dispositif à des conventions spécifiques conclues entre l’opérateur unique et l’exploitant du service de transport d’une part, et l’administration fiscale, d’autre part. Bien que la loi autorise l'interrogation de fichiers des organismes de sécurité sociale, le dispositif proposé aura pour le moment recours uniquement à l'interface de programmation d'application recherche des personnes physiques ("API R2P"), produite par la direction générale des finances publiques (DGFiP). Les réponses de l'administration fiscale proviendront donc de fichiers nationaux comprenant les adresses de contribuables régulièrement mises à jour et de fichiers de la Poste, JCC (démarche "je change mes coordonnées"). 

La désignation de l’opérateur unique en question doit à présent s’effectuer par appel d’offres. 

Références : décret n° 2024-1086 du 2 décembre 2024 pris pour l'application de l'article L. 2241-2-1 du code des transports ; arrêté du 2 décembre 2024 relatif au nombre d'agents de la personne morale unique, commune aux exploitants, mentionnée à l'article L. 2241-2-1 du code des transports susceptibles d'avoir accès aux renseignements communiqués ; délibération n° 2024-060 du 18 juillet 2024 portant avis sur un projet de décret en Conseil d'État pris en application de l'article L. 2241-2-1 du code des transports, JO du 3 décembre 2024, textes n°2, 4 et 59.
 

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