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Lubrizol, un an après : le gouvernement promet un nouveau système d'alerte à la population

Le gouvernement a annoncé ce 24 septembre le lancement d'un système d'alerte par téléphone mobile en cas de danger pour la population, mais élus et associations attendaient beaucoup plus, un an après l'incendie hors norme des sites de Lubrizol et de Normandie Logistique à Rouen. Les industriels du secteur de la chimie ont annoncé pour leur part 450 millions d'euros d'investissements dans la modernisation des entrepôts et sites de stockage.

"C'est évidemment une révolution dans l'alerte à la population", a déclaré le ministre de l'Intérieur, Gérald Darmanin, en annonçant ce 24 septembre à Rouen le déploiement d'un nouveau système d'alerte par téléphone mobile en cas de danger pour la population. "50 millions d'euros ont été budgétisés" pour ce nouveau service, a précisé le ministre, qui avait fait le déplacement dans la métropole normande avec sa collègue de la Transition écologique, Barbara Pompili, un an après le gigantesque incendie au cours duquel près de 10.000 tonnes de produits chimiques étaient parties en fumée sur le site Lubrizol, classé Seveso, et celui de son voisin Normandie Logistique.

Information de la population en temps réel

Le nouveau système d'alerte à la population s'appuiera sur la diffusion cellulaire et l'envoi de SMS géolocalisés. Il "permettra l'envoi massif et rapide de messages prioritaires par rapport aux communications traditionnelles", selon le dossier de presse du gouvernement. "Même quand le téléphone sera sur silencieux, cela sonnera", a précisé Gérald Darmanin jeudi devant des élus et des journalistes. Il sera ainsi "possible d'informer la population en temps réel pour indiquer la posture à tenir", selon le dossier de presse. Ce système sera déployé "au deuxième semestre 2021 dans les zones prioritaires à forte population ou représentant un risque particulier", puis généralisé à tout l'Hexagone d'ici à juin 2022.
Le Sénat recommande le système de diffusion cellulaire depuis 2010, les Pays-Bas l'appliquent depuis 2012, selon le rapport de la commission d'enquête de la Chambre haute. Bruxelles demande la mise en place pour juin 2022 de ce système, qui est aussi utilisé aux États-Unis et au Japon. La diffusion cellulaire compléterait le système d'alerte actuel de plus de 2.000 sirènes, que nombre d'élus jugent dépassé et peu efficace.

Davantage d'inspections de sites industriels classés

Barbara Pompili a pour sa part confirmé l'engagement du gouvernement d'augmenter de 50% "d'ici à la fin du quinquennat" le nombre d'inspections des sites industriels classés. Mais lors d'une réunion avec des élus ouverte à la presse, elle a précisé que la création de 50 postes d'inspecteurs, annoncée en juin, aurait lieu d'ici à la fin du quinquennat et non en 2021.
Le député PCF de Seine-Maritime Hubert Wulfranc a estimé que "95% des mesures" évoquées jeudi "figuraient déjà" dans le plan Borne sur les risques industriels annoncé en février dernier. Ce qui n'est pas l'avis de Barbara Pompili. Outre le système d'alerte, le gouvernement ajoute la publication "systématique" d'ici 2022 des "résultats des contrôles de l'inspection des installations classées", comme c'est déjà le cas pour les inspections des sites nucléaires. Et "les rapports d'expertise des assureurs" seront "mis à disposition de l'inspection des installations classées", a-t-elle poursuivi.

Déception des élus

Plusieurs élus, comme le maire PS de Rouen, Nicolas Mayer-Rossignol, ont déploré que ne soit pas créée une autorité de sûreté des sites Seveso, sur le modèle de l'autorisé de sûreté nucléaire (ASN). La création d'un bureau enquête accident pour les sites industriels, confirmée jeudi, ne le satisfait pas, car le BEA interviendra a posteriori, alors que l'ASN fait de la prévention.
De son côté Pierre-Emmanuel Brunet de l'association Rouen Respire, a estimé que les "leçons de la catastrophe" n'avaient "pas été tirées". Le représentant de France Nature Environnement (FNE) Guillaume Blavette a, lui, déploré que "trop de dérogations" au droit de l'environnement soient accordées.
Dans un communiqué, Amaris, l'association nationale des collectivités pour la maîtrise des risques technologiques majeurs, considère comme des "progrès notables" les différentes mesures annoncées "en faveur de la modernisation des outils d’alerte de la population en cas d’accident, d’une meilleure transparence de l’information lors des crises". Mais elle regrette "l’absence de propositions portant sur la préparation et l’information des riverains en amont des accidents". "De même, au cours de l’année écoulée, les collectivités locales ont rarement été associées à la réflexion de l’État, pourtant, celles-ci devraient constituer un maillon essentiel dans les dispositifs permettant aux riverains de se familiariser durablement avec les risques industriels inhérents à leur territoire", souligne-t-elle. "Nous avons la conviction qu’une bonne gestion de crise se prépare en temps de paix, et en y associant toutes les parties-prenantes : habitants, collectivités, industriels et État", estime Yves Blein, président d’Amaris.

Nouveaux engagements des industriels de la chimie

La fédération France Chimie estime de son côté que les annonces du gouvernement constituent un "plan d'ampleur" et a annoncé ce jeudi un investissement de 450 millions d'euros de la part des industriels du secteur dans la modernisation des entrepôts et sites de stockage. Ces investissements porteront sur plusieurs domaines : améliorer le cloisonnement dans les entrepôts pour éviter la propagation d'un incendie, renforcer la détection et la lutte contre les incendies avec des systèmes automatiques et des réserves d'eau augmentées, prévenir les risques d'"effets domino" entre sites voisins.
France Chimie a d'autre part annoncé des "engagements volontaires" en partenariat avec des organisations du secteur logistique, TLF et Afilog pour promouvoir de "meilleures pratiques" pour le stockage et la logistique des matières inflammables ou combustibles. Cela passera par des prévisions plus précises sur la nature et les quantités de produits pour faciliter de meilleures conditions de stockage.
Selon les estimations de la fédération, outre la chimie, ce sont un total de 2.300 entrepôts et 2.500 sites autorisés et Seveso en France qui vont investir 3 milliards d'euros pour moderniser leurs entrepôts à la suite de l'incendie de Rouen. "Pour la première fois, l'ensemble de ces travaux concerneront les bâtis existants et pas seulement les nouvelles installations", a souligné France Chimie.

 

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