L’investissement en Europe a "retrouvé son niveau d’avant-crise"
L'investissement en Europe est revenu à son niveau d'avant la crise, assure le commissaire aux affaires économiques, Pierre Moscovici, qui met ce résultat sur le compte du "plan Juncker". Un plan qui continue sur sa lancée et dont la France reste le premier bénéficiaire. Pour autant, l'investissement connaît encore de nombreuses difficultés.
"L'investissement a retrouvé son niveau d'avant-crise et connaît même une augmentation dans tous les pays de l'Union européenne (UE) en 2019." C’est ce qu’a assuré le commissaire aux affaires économiques Pierre Moscovici, le 13 mai, lors d’une conférence organisée par la Banque européenne d’investissement (BEI), sur le thème "Investir dans l’Europe de demain". Et ces résultats n’auraient pu être obtenus selon lui "sur la même période ou avec la même intensité sans le support du fonds européen d'investissement stratégique (Feis)", plus connu sous le nom de "plan Juncker". "Je crois qu'aujourd'hui on peut parler sans timidité de succès du plan Juncker, un plein succès", a-t-il déclaré.
Le plan avait été lancé en 2015 précisément pour relancer l’investissement en panne en Europe. À partir d’une garantie européenne de 21 milliards d’euros, le Feis avait permis de mobiliser 335 milliards d’euros de fonds publics et privés à l'été 2018, soit davantage que l’objectif initial de 315 milliards. Il a été prolongé jusqu’en 2020 pour atteindre un total de 500 milliards d’investissements ; on en serait aujourd'hui à 392 milliards d'euros, d'après la Commission. Pour rappel, le plan cible deux axes : le financement des infrastructures et le financement des PME (à travers le fonds européen d’investissement, filiale de la BEI). Son succès a conduit la Commission à proposer de le pérenniser en l'améliorant lors de la prochaine programmation, au sein d’un nouveau fonds InvestEU. Instrument qui ferait la part belle aux infrastructures sociales.
Effet d'éviction
À quelques jours des élections européennes, le satisfecit de Pierre Moscovici est aussi un moyen de saluer le bilan de la Commission Juncker qui s'apprête à rendre son tablier. Seulement, dans un audit publié le 28 janvier 2019, la Cour des comptes européenne avait porté un jugement plus nuancé sur les résultats du plan. S’il a bien permis de relancer l’investissement, les montants affichés pourraient être surévalués, avait affirmé l’institution. Alors que le plan visait à combler des failles de marchés vers des projets considérés comme trop risqués par les investisseurs traditionnels, il se serait parfois "simplement substitué à d’autres financements de l’UE et de la Banque européenne d’investissement", en particulier dans les domaines du transport et de l’énergie. Le plan aurait aussi un effet d'éviction sur d'autres sources de financement moins avantageuses. Une partie des fonds aurait financé des projets "qui auraient pu faire appel à d’autres sources de financement, publiques ou privées, mais à des conditions différentes". Enfin, la Cour avait constaté une forte concentration des fonds "dans quelques-uns des plus grands États membres de l’EU-15 qui disposent de banques nationales de développement bien établies".
A cet égard, le fonds a largement profité à la France qui est sur un niveau de 68 milliards d'euros d'investissements au total, ce qui en fait le premier bénéficiaire. "Avec 238.000 start-up et PME bénéficiant de financements, la France fait partie des premiers pays européens soutenus par le plan Juncker", a souligné Pierre Moscovici, lundi, saluant le quatrième accord de partenariat entre Bpifrance et le fonds européen d’investissement dans le cadre du plan Juncker portant "à 2 milliards d’euros l’enveloppe disponible pour les entreprises françaises innovantes éligibles au soutien de Bpifrance". À travers cet accord, le fonds européen d'investissement garantira 200 millions d'euros de prêts pour l'innovation aux PME ainsi que 100 millions d'euros pour l'amorçage des start-up dans l'Hexagone. En termes d'infrastructures, quelque 120 projets ont été retenus pour la France, pour un montant d'investissements total estimé à 51,3 milliards d'euros...
Un "club de partenaires"
La BEI se réjouit elle aussi de la reprise de l’investissement en France et en Europe, "soutenue par l'industrie manufacturière, les grandes entreprises et les produits de propriétés intellectuelles". Mais elle a plusieurs sujets d’inquiétudes. "75% des entreprises [en France] et 77% dans l'UE considèrent que le niveau de disponibilité de personnel possédant les compétences adéquates est un frein à l'investissement", indique l’institution, dans un communiqué. "L’Union européenne ne génère pas assez de nouvelles entreprises leaders en R&D au niveau mondial, en particulier dans les secteurs les plus dynamiques car elle est en retard par rapport à l’adoption des technologies digitales, surtout dans le secteur des services."
Afin de stimuler l’investissement dans les prochaines années, la BEI a lancé un "club de partenaires" en France. Ce club réunit 33 entreprises publiques ou privées et collectivités financées par l’Europe "qui s’engagent à devenir les ambassadeurs d’une Europe qui finance des projets d’avenir, sur les territoires". Parmi eux, les régions Île-de-France, Occitanie, la Réunion et Rennes Métropole.