L'Europe de la cohésion, un enjeu de la future Conférence nationale des territoires
Pour l'AdCF et France urbaine, la Conférence nationale des territoires du 12 juillet sera un moyen de faire valoir le besoin d'une "gouvernance multiniveaux" dans l'élaboration de la future politique de cohésion 2021-2027.
L’avenir de la politique de cohésion sera l’un des enjeux de la future Conférence nationale des territoires (CNT) du 12 juillet que les trois grandes associations d’élus (AMF, ADF et Régions de France) ont décidé de boycotter pour contester une forme de "recentralisation" (voir ci-dessous nos articles des 3 et 4 juillet 2018). D’autres, comme l’Assemblée des communautés de France (AdCF) et France urbaine préfèrent rester dans une logique "constructive". Car, au-delà des contrats financiers avec l’Etat, c’est le calendrier européen qui les préoccupe, alors que la négociation sur la future politique de cohésion 2021-2027 bat son plein. Avec la CNT, "l’agenda national est particulièrement chargé. On parle de cohésion urbaine, de cohésion territoriale, de cohésion énergétique, de cohésion numérique… Le thème s’installe durablement en France", a pu constater Romain Briot, responsable Europe à l’AdCF, à l’occasion d’une rencontre organisée par le pôle Joubert (AdCF, France urbaine, Fédération nationale des agences d’urbanisme) entre une quarantaine d'élus et des membres de la DG Regio de la Commission européenne, mardi 3 juillet.
Bientôt un rapport sur la cohésion en France
Pour la première fois, la France s'apprête à publier un "rapport sur la cohésion", sur le modèle de celui que la Commission présente tous les trois ans. Le dernier ayant en quelque sorte ouvert les "hostilités" de la future programmation. Le gouvernement dispose pour cela de nouveaux outils comme le "baromètre de la cohésion" mis en place au sein du CGET (Commissariat général à l’égalité des territoires).
Reste maintenant à mettre tout cela en pratique. Car dans les programmes actuels (tels qu’Action cœur de ville), "il manque ce liant qu’est la cohésion territoriale", a encore constaté Romain Briot, espérant ainsi que la CNT va "permettre d’avoir une vision plus large des relations Etat collectivités". Le temps presse : "dès janvier prochain la France doit lancer son projet d’accord de partenariat". C’est-à-dire la trame de l’utilisation des fonds européens pour la prochaine programmation 2021-2027, dont découleront ensuite les futurs programmes opérationnels régionaux.
Il y a là une "séquence favorable", à la fois communautaire et nationale, pour peser dans le débat, a souligné Kader Makhlouf, conseiller Europe à France urbaine, qui insiste lui aussi sur la nécessité d’améliorer "la gouvernance multiniveaux" pour mettre en place les stratégies nationale, régionale et locale de cohésion et de développement des territoires.
"L'Europe, une manière de gouverner ensemble"
Les associations du pôle Joubert - qui avaient déjà élaboré une position commune intitulée "Pour une Europe des territoires" - entendent faire bloc pour conforter les quelques positions acquises dans la proposition mise sur la table par la Commission le 29 mai (comme le maintien d’une politique de cohésion dans toutes les régions et le classement "en transition" de 20 régions françaises sous l’ancien périmètre). Mais la négociation en cours constitue aussi l’occasion de mettre en place la fameuse "alliance des territoires" qu’elles promeuvent sur le sol français.
"L’Europe n’est pas seulement un guichet, c’est aussi une manière de gouverner ensemble", a souligné Frédérique Bonnard Le Floch, vice-présidente à la métropole de Brest, chargée de l’Europe. Avec 373 milliards d’euros pour 2021-2027 (en baisse de 7% en euros courants), la politique de cohésion, qui deviendrait quand même le premier budget de l’UE devant la PAC, "reste un levier d’investissement majeur, mais c’est aussi un enjeu de gouvernance multiniveaux". "Nous souhaitons que les régions restent des acteurs forts de la transmission des crédits. Mais la consommation dépend de la qualité de coproduction entre régions et territoires, sinon on va multiplier les priorités locales, la consommation sera moins efficace. Il faut qu’on élabore une stratégie ensemble", a-t-elle martelé. "Il faut que ce soit gravé dans le marbre", a abondé Anne Terlez, vice-présidente de l’agglomération de Seine-Eure (Normandie), indiquant que le taux de consommation des crédits est de 24% pour le volet urbain et d’à peine 6% pour le programme de développement rural Leader qui a fait les frais d’une gestion "catastrophique" entre l’Etat et les régions. Selon elle, cette "co-construction" sera d’autant plus facile que la loi Notre a déjà posé des jalons à travers l’élaboration des Sraddet et des SRDEII. Cette expérience "doit aider à aborder les programmes opérationnels". "Le SRDEII a instauré une obligation de dialoguer. Il faudrait trouver un dispositif similaire", a appuyé Kader Makhlouf.
Un "souci" avec la concentration des crédits
Les associations ont aussi alerté les représentants de la Commission contre des points de vigilance, en particulier la concentration des crédits envisagée par la Commission. Celle-ci prévoit de passer de 11 objectifs thématiques à 5 objectifs spécifiques (une Europe "plus intelligente", "plus verte", "plus connectée", "plus sociale" et "plus proche des citoyens"). A cela s’ajoutent deux objectifs transversaux : le renforcement des capacités administratives et la coopération entre les régions transfrontalières. Seulement, elle demande à ce que les pays les plus développés dont la France consacrent 85% de leurs crédits Feder aux deux premiers objectifs. "C’est inadapté. On a un souci", a pointé Frédérique Bonnard Le Floch. Notamment pour les territoires ruraux qui financent les deux tiers de leurs investissements en fonds européens…
La Commission a avancé des propositions en vue de simplifier les rouages administratifs, en ne retenant notamment plus qu’un règlement pour sept fonds (Fonds de cohésion, Feder, FSE+, Feamp, Fami, FSI, IGFV). A noter que le Feader ne fera plus partie des fonds de cohésion. Mais "l’Etat français n’est pas pour rien dans cette complexité. L’accord cadre n’a été finalisé qu’après le début de la programmation", a rappelé Anne Terlez. Les couacs administratifs "sont difficilement entendables pour les territoires qui se retrouvent coincés", a-t-elle dénoncé.