L’euro numérique, promesse d’une démocratisation du paiement dématérialisé

Le paiement dématérialisé de petits montants repose aujourd’hui essentiellement sur la carte bancaire. Avec l’euro numérique, il pourrait devenir accessible à tous. Un projet accueilli avec circonspection par la Cnil et ses homologues européennes qui pointent les risques de traçage.

La Banque centrale européenne (BCE) planche depuis 2019 sur une forme numérique de l’euro pour contrer le développement des cryptomonnaies privées. Dans l’esprit de la BCE, il s’agit d’offrir un moyen de paiement numérique aussi facile que les espèces sans qu’il s’y substitue totalement. Il serait émis par la BCE afin d’en garder le contrôle.

Projet d’application

Concrètement, l’euro numérique pourrait prendre la forme d’une application mobile ou d’une carte permettant de régler des dépenses courantes, partout en Europe. L’application serait accessible par l’intermédiaire des banques commerciales, que l'utilisateur soit client ou non d'une banque. Il pourrait être utilisé soit pour payer, soit pour échanger de l'argent avec quelqu'un de manière instantanée, comme on le fait aujourd’hui avec des espèces. Le compte en euros numériques de l'utilisateur serait séparé du compte de dépôt et limité en termes de montant. Le projet n’a cependant pas l’aval du secteur bancaire qui a son propre projet paneuropéen de paiement (EPI) poussé par une quinzaine d'établissements européens. Il viendrait par ailleurs en concurrence directe avec le paiement sans contact.

Démocratisation du e-paiement

Ce projet, dont on saura s’il voit le jour ou non fin 2023, pourrait en revanche être plutôt bien accueilli par les administrations publiques en tant que vecteur de simplification et de démocratisation du paiement par voie dématérialisée. Beaucoup d’administrations n’acceptent en effet pas le paiement par carte bancaire car il a un coût pour la collectivité comme pour l’usager. Quant au paiement sous forme de virement, il complexifie les transactions et n’est vraiment adapté qu’aux paiements récurrents du type cantines ou abonnements. Les deux nécessitent enfin impérativement la possession d’un compte bancaire.

Inquiétudes sur le traçage

Les Cnil européennes s’inquiètent pour leur part des risques de l’euro numérique pour la vie privée. Le Comité européen de la protection des données a précisé dès l’été 2021 sa position sur ce projet : il souhaite que l’euro numérique intègre un principe de respect de la vie privée et de la protection des données par défaut, dès la conception. Dit autrement, il s’agit d’apporter les mêmes garanties d’anonymat que pour le paiement en espèce pour de petits montants. Or, à l’heure actuelle, le projet envisage des transactions "en ligne", "répertoriées sur un compte", "intégralement traçables et validées par un intermédiaire", détaille la Cnil dans un communiqué daté du 1er février.

Recommandations des Cnil européennes

Le Comité européen de la protection des données a demandé à la BCE de revoir sa copie et proposé trois axes  pour l’euro numérique pour éviter tout "risque de suridentification". Il s’agit d’une part d’offrir la possibilité d’utiliser son portefeuille d’euros sans connexion internet avec un système de paiement de pair à pair. D’autre part, il souhaite l’établissement d’un seuil de confidentialité, en dessous duquel les données de transactions resteraient sur le terminal. Enfin, il demande l’établissement d’un régime juridique spécifique visant à concilier respect de la vie privée et lutte contre le blanchiment.

 

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