Congrès des maires - Les réseaux d'eau diversifient leurs sources de financement
Réhabilitations d’ouvrages d'assainissement, travaux d'interconnexion, d'extension, de sécurisation de la distribution de l'eau potable, études d'ingénierie… Le besoin et le poids des investissements dans les réseaux d'eau est régulièrement évoqué par les maires et s'est invité dans les débats organisés au congrès le 21 novembre. "Longtemps considérée comme un bien inépuisable, l'eau vient à manquer dans certains territoires. Les élus prennent conscience qu'elle est un patrimoine commun de la nation", resitue André Flajolet, maire de Saint-Venant (Pas-de-Calais) et président de la commission transition écologique de l'Association des maires de France (AMF). "Mais ils font face à des difficultés techniques et d'accès aux financements", poursuit-il.
Mutualiser pour mieux financer
Sous-dimensionnement des réseaux, sous-investissement chronique sur le renouvellement des canalisations : la relance des investissements est une priorité pointée lors des Assises de l'eau (voir notre article). L'urgence s'accroît dans le contexte de resserrement des budgets d'intervention des agences de l'eau (voir ce focus sur leurs onzièmes programmes). Le salut viendra-t-il de l'intercommunalisation ? "Effective dès 2020, elle contribue au mal-être des maires. Ils conserveront la responsabilité juridique mais n'auront plus la responsabilité technique. Ils se sentent dépossédés des moyens d'exercer cette compétence", tranche André Flajolet. Le ton diffère dans de grosses régies comme Eau d’Azur qui ont déjà intégré les services de l’eau d'une quarantaine de communes du territoire niçois : "La gestion de l'eau est un élément phare de la solidarité intercommunale. Mutualiser de petits services nous a fait gagner en réactivité, en expertise et en force de frappe financière pour assumer d'importants chantiers", illustre Hervé Paul, également maire d'une petite commune (Saint-Martin-du-Var, dans les Alpes-Maritimes) et président de cet Epic local.
Par anticipation de la loi Notre, des EPCI ont déjà pris la compétence eau potable. C'est le cas en Vendée où ils l'ont aussitôt transférée au syndicat départemental. Le budget d’investissement de Vendée Eau s’élevait l'an dernier à 54 millions d'euros dont dix engloutis dans le renouvellement des réseaux. Le déficit de la ressource en eau n'y est pas un sujet nouveau. "Les communes se sont regroupées en syndicats intercommunaux puis à leur tour ces derniers ont formé Vendée Eau", retrace son président Eric Rambaud. Aujourd'hui encore, le manque d'eau de pluie y inquiète les élus. "Comme partout", rebondit Jean Launay, ancien élu du Lot et président du comité national de l'eau. Même dans le Massif central, ce château d'eau de la France ? "En Corrèze et dans la Creuse, on a fait appel il y a peu de temps à des camions-citernes pour en acheminer !", relate-il.
De nouveaux montages financiers
A l'issue de la première séquence des Assises de l'eau, dont il est le coordinateur général, Jean Launay a contribué aux travaux d'élaboration de nouveaux montages pour aider les collectivités à financer les travaux d’infrastructures d’eau potable, d’assainissement ou de gestion des eaux pluviales. Première concrétisation : un partenariat financier inédit dévoilé le 21 novembre au salon des maires. "C'est le premier acte post-Assises de l'eau", s'enthousiasme Guillaume Choisy, directeur général de l'agence de l’eau Adour-Garonne, la première à s'engager dans ce dispositif qui repose sur la nouvelle offre d'"Aqua Prêt" de la Banque des Territoires. "Notre offre représente une enveloppe de deux milliards d'euros", chiffre Eric Lombard, directeur général de la Caisse des dépôts. "En plus des aides existantes des agences de l’eau, les EPCI peuvent contracter quelle que soit leur taille des "Aqua Prêts". Ces prêts pensés et adaptés aux particularités de ces réseaux sont à maturité longue, jusqu’à soixante ans, et au taux égal à celui du Livret A [+ 0,75%]", détaille Olivier Sichel, directeur général de la Banque des Territoires. Trois conditions pour en décrocher un : les bénéficiaires doivent engager des plans pluriannuels d’investissement, signer les chartes qualité des réseaux d'eau potable et d'assainissement de l'Astee et livrer leurs données via Internet à l'outil public Sispea. "Trois critères sur lesquels nous serons particulièrement vigilants", insiste Olivier Sichel.
Un premier Aqua Prêt a ainsi été signé à l’occasion du salon des maires avec un syndicat mixte d'eau et d'assainissement de la Haute-Garonne couvrant 246 collectivités. Le Smea 31 en bénéficie en avant-première puisque l'offre Aqua Prêt sera officiellement disponible début 2019. A sa tête, Sébastien Vincini témoigne des difficultés à trouver jusqu'alors un mécanisme pour amortir dans la durée les financements de rénovation de réseaux : "Ce prêt de 4,9 millions d'euros finançant quatre projets locaux pour un investissement global de 6,3 millions d'euros représente un vrai soulagement". Il s'additionne avec les subventions de l'agence de l’eau et du département. Pour faire remonter et sélectionner d'autres projets de renouvellement de réseaux à financer par ce biais, un appel à projets sera lancé en janvier par l’agence de l’eau Adour-Garonne. L'agence mettra bientôt en ligne sur son site un simulateur pour aider les collectivités à cerner leur besoin d'accompagnement financier, les subventions disponibles et besoins de prêt. L'innovation porte aussi sur la prise en charge des intérêts de l’emprunt qui sera contracté par les collectivités : l'agence de l'eau les assume pendant dix ans et bonifie leur prêt qui devient à taux zéro. "L’instruction sera rapide, en moins de trois mois, avec l’agence de l’eau pour guichet unique", indique Thierry Ravot, directeur régional Occitanie de la Banque des Territoires. "Un changement de paradigme est à l'œuvre : d'une logique de subvention par projet on passe à une logique de plan pluriannuel d’investissements, avec ces prêts à 60 ans d'une durée inédite et supérieure à ce qui existe dans d'autres secteurs comme le numérique", conclut Guillaume Choisy.