Social - Les petits hôpitaux sont à nouveau sur le grill
Il existe un domaine où les rapports explosifs sont légion depuis des années : le secteur hospitalier. Dernier en date, le rapport du Conseil national de la chirurgie (CNC) a provoqué des réactions en chaîne. Le rapport affirme qu'il est nécessaire de fermer, sans délai, pour des raisons de sécurité, 113 blocs opératoires dans les hôpitaux qui effectuent moins de 2.000 actes chirurgicaux par an. Les conclusions de l'étude ne sont cependant pas si abruptes : "La sous-production chirurgicale pose clairement la question du maintien des blocs opératoires où exercent trois chirurgiens qui assurent parfois moins de deux interventions par jour." Le ministre de la Santé, Xavier Bertrand, s'est voulu rassurant en déclarant "ne pas avoir de plan pour fermer tel ou tel hôpital ou tel ou tel bloc opératoire". Il va demander aux agences régionales d'hospitalisation d'aller voir les élus et les professionnels des hôpitaux concernés. "Je donnerai ma réponse après cette enquête de terrain." Pour l'heure, cette enquête n'a pas été faite, a poursuivi le ministre, assurant qu'il n'avait "pas l'intention d'enterrer le rapport" du Conseil national de la chirurgie.
La qualité des soins en question
Depuis des années, des arguments s'appuyant sur le manque de rentabilité financière, sur les problèmes de recrutement de personnels médicaux ou encore sur la question de la qualité des soins aux patients plaident en faveur de la fermeture de certains hôpitaux publics de proximité. Et, depuis des années, les élus locaux luttent souvent en première ligne, jusqu'à manifester dans les rues de leurs villes, pour défendre ces centres hospitaliers dont ils sont les présidents des conseils d'administration. L'Association des petites villes de France (APVF) suit ce dossier de très près. Sur le rapport du CNC, l'APVF est formelle : "Les exemples mis en avant pour évaluer la dangerosité des petits hôpitaux sont contradictoires." Le rapport du CNC, présenté au ministre de la Santé par le professeur Guy Vallancien, avait pour objectif de répondre à une question : "la sécurité, la qualité et la continuité de soins chirurgicaux existent-elles et peuvent-elles être maintenues dans la totalité des petits hôpitaux publics?". Pour l'APVF, la méthodologie suivie n'est pas satisfaisante : "L'étude s'est avant tout appuyée sur des données chiffrées, l'envoi d'un questionnaire et s'est limitée à la visite de quatre établissements."
La motivation des chirurgiens
Le rédacteur du rapport, Guy Vallancien, reconnaît lui-même que "les données analysées peuvent varier, soit parce que les définitions changent soit parce que les informations sont incomplètes". Le rapport s'appuie sur deux exemples d'opérations (prostatectomie radicale et colectomie pour cancer) pour assurer que le taux de mortalité varie en fonction du nombre des opérations. Selon le CNC, on ne peut pas demander à un chirurgien nommé dans une petite structure de se limiter à de petites opérations : "A vouloir attirer des chirurgiens qui opéreront peu en raison d'une demande locale faible, on dégrade lentement mais sûrement la qualité des soins." La continuité des soins se pose aussi . "On conçoit en effet mal comment opérer un malade quand le bloc opératoire ferme la nuit et en fin de semaine." Enfin, la question de la motivation des praticiens est, pour Guy Vallancien, un sujet essentiel : "La survie de la chirurgie publique passe par une révision des dogmes et des traditions qui empêchent de reconnaître les plus méritants."
130 restructurations depuis dix ans
En conclusion, la sous-production chirurgicale pose clairement la question du maintien des blocs opératoires. Mais que faire pour assurer à l'ensemble de la population une chirurgie de qualité ? Concentrer et mutualiser les moyens ? Dans sa deuxième partie, le rapport du CNC s'attache à franchir les obstacles qui existent pour faire prévaloir cette solution. Pour Guy Vallancien, ni les conditions géo-climatiques, ni la carence de routes ne justifient la répartition des petits hôpitaux : le taux de personnes situées à plus de 30 kilomètres d'un établissement de soins public ou privé doté d'un bloc opératoire est inférieur à 1% de la population française. Les personnes habitant à plus d'une heure de route d'un service de chirurgie représentent 0,3 % de la population. Pour Xavier Bertrand, "faire évoluer un bloc, ce n'est pas fermer un hôpital", qui peut se restructurer et "garder son personnel". "Il y a déjà eu 130 restructurations d'hôpitaux depuis dix ans", a-t-il conclu.
Clémence Villedieu