Achat public - Les marchés publics exclus du champ d'application de l'article L.420-5 du Code de commerce prohibant les offres de prix abusivement bas

Le Conseil de la concurrence, dans une décision datée du 18 janvier 2008, a apporté des précisions importantes sur les modalités d'application de l'article L.420-5 du Code de commerce.
Cet article prohibe les offres de prix abusivement bas mais, précise le Conseil de la concurrence, uniquement lorsque trois conditions cumulatives sont réunies : "Le prix en question doit être un prix de vente au consommateur, le niveau de prix proposé doit être insuffisant au regard des coûts de production, de transformation et de commercialisation, le prix pratiqué doit traduire une volonté d'éviction ou comporter une potentialité d'éviction du concurrent ou du produit concurrent (...)"
Il ressort des conclusions du Conseil de la concurrence que ces trois conditions ne peuvent être réunies dans le cadre d'un marché public puisqu'un praticien de la commande publique ne peut, en raison des compétences techniques qu'il possède, être qualifié de "consommateur" (objet de la première condition) au sens de cet article L.420-5 du Code de commerce.
En effet, la cour d'appel de Paris, dans un arrêt du 3 juillet 1998, définit la notion de "consommateur" comme une "personne physique ou morale sans expérience particulière dans le domaine où elle contracte (...)" et précise également que "l'exigence (qui pèse sur les personnes responsables de la passation des marchés d'analyser la composition des offres et notamment les prix anormalement bas) suppose une compétence technique dans le domaine où elle intervient, présumée par la loi, qui est incompatible avec la notion de consommateur au sens de l'article L.420-5 du Code de commerce et exclut l'application de ce texte à l'occasion de la passation des marchés publics".
Dans l'affaire qui lui a été présentée, le Conseil de la concurrence a donc décidé que le centre hospitalier ayant lancé un appel d'offres d'assistance à la maitrise d'ouvrage ne pouvait être assimilé à un consommateur puisqu'il a élaboré lui-même le dossier d'étude administratif et technique ainsi qu'un cahier des charges et un cahier des clauses administratives. Par ailleurs, le centre hospitalier a lui-même analysé le niveau et la qualité des prestations proposées, démontrant ainsi qu'il possédait toutes les compétences techniques et l'expérience nécessaire pour lancer un appel d'offres dans le domaine concerné. Les conditions cumulatives de l'article L.420-5 du Code du commerce n'étant pas réunies en l'espèce, la saisine de la société Segard a donc été déclarée irrecevable pour ce seul motif.
L'exclusion des marchés publics du champ d'application de l'article L.420-5 ne rend toutefois pas impossible un recours à l'encontre de prix jugés abusivement bas. En effet, l'acheteur public est tenu par une limite à ne pas franchir, celle du prix anormalement bas, c'est-à-dire le point où la marge de l'entreprise serait amenée à disparaitre, mettant ainsi sa santé financière en danger. En revanche, cette solution semble avoir pour conséquence de rendre irrecevable le recours d'un candidat évincé sur le fondement d'une stratégie de prédation et d'éviction des concurrents de la part de l'entreprise ayant remporté le marché puisque le Conseil de la concurrence exige le cumul des trois conditions.

 

Apasp

 

Références : décision du Conseil de la Concurrence n° 08-D-01 du 18 janvier 2008 relative à une saisine présentée par la société Segard.
L'arrêt de la cour d'appel de Paris du 3 juillet 1998, Société moderne d'assainissement et de nettoiement, définit la notion de "consommateur" comme " la personne physique ou morale qui, sans expérience particulière dans le domaine où elle contracte, agit pour la satisfaction de ses besoins personnels et utilise dans ce seul but le produit ou le service acquis".

 

L'article L 420-5 du Code de commerce  

Il prohibe les "offres de prix ou pratiques de prix de vente aux consommateurs abusivement bas par rapport aux coûts de production, de transformation et de commercialisation, dès lors que ces offres ou pratiques ont pour objet ou peuvent avoir pour effet d'éliminer d'un marché ou d'empêcher d'accéder à un marché une entreprise ou l'un de ses produits".

 

 

 

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