Les "diverses dispositions liées à la crise sanitaire" définitivement adoptées
Le Parlement a définitivement adopté le 10 juin le projet de loi "relatif à diverses dispositions liées à la crise sanitaire". Au final, en lieu et place d'habilitations à légiférer par ordonnances, le texte grave dans le marbre la plupart de ces dispositions hétéroclites : droit du travail, justice, fonction publique, compétitions sportives... Il s'agit dans un certain nombre de cas de prévoir des reports ou délais supplémentaires du fait de la crise.
Le Parlement a adopté définitivement mercredi 10 juin, par un ultime vote du Sénat, le projet de loi "relatif à diverses dispositions liées à la crise sanitaire" et "à d’autres mesures urgentes". Ce texte jugé "fourre-tout", qui prévoit entre autres une modulation du dispositif de chômage partiel, avait été présenté le 7 mai en conseil des ministres, alors sous l'intitulé "projet de loi portant diverses dispositions urgentes pour faire face aux conséquences de l’épidémie de Covid?19" (voir notre article). Le ministre des Relations avec le Parlement, Marc Fesneau, a défendu un texte qui "vise à répondre à une crise qui touche tous les domaines".
Le texte prévoyait initialement 40 habilitations à légiférer par ordonnances, un nombre ramené à 10 par les parlementaires. Le Sénat avait en effet tenu à "inscrire directement dans la loi la plupart des modifications envisagées" afin de "ne déléguer temporairement le pouvoir législatif au gouvernement que dans les seuls cas où cette méthode s’avérait indispensable et où il n’était pas possible de traiter la question directement dans la loi". Mais du coup… le nombre d’articles est passé de quatre à plus de soixante.
Au chapitre du droit du travail, le texte permet notamment une modulation du dispositif de chômage partiel à partir du 1er juin. Il crée un dispositif spécifique d'activité partielle dénommé "activité réduite pour le maintien en emploi" qui doit permettre, sous réserve de négociations d'entreprise ou de branche, "une réduction du temps de travail" compensée "en partie" par l'État. Le texte prévoit également que les salariés en activité partielle bénéficieront de droits à la retraite à titre exceptionnel jusqu'au 31 décembre.
Sur le volet justice, le projet de loi permet notamment une extension de l'expérimentation des cours criminelles dans 18 départements. Le gouvernement avait proposé de la porter à 30 départements pour faire face à l'engorgement des tribunaux lié à l'épidémie mais les sénateurs avaient initialement rejeté toute extension. Toujours au chapitre judiciaire, le projet de loi acte plusieurs reports, dont ceux des réformes du divorce et de la justice des mineurs.
Parmi ses diverses mesures, le texte habilite en outre le gouvernement à prendre par ordonnances des dispositions liées au Brexit à l'issue de la période de transition, qui doit en principe s'achever au 31 décembre. Là aussi un compromis a été trouvé : initialement fixée à 30 mois, l'habilitation a été réduite à douze mois.
TRAVAIL, ENTREPRISES
- À partir du 1er juin, et pendant six mois après la fin de l'état d'urgence sanitaire, le dispositif de chômage partiel peut être modulé pour s'adapter aux conditions de reprise d'activité. Selon le ministère du Travail, la prise en charge de l'activité partielle par l'État et l'Unédic passera de 100 à 85% de l'indemnité versée au salarié, certains secteurs définis par décret, comme tourisme, culture ou restauration, pouvant toutefois continuer à bénéficier d'une prise en charge à 100%. Cette modulation ne changera rien pour le salarié.
- Un dispositif spécifique d'activité partielle, dénommé "activité réduite pour le maintien en emploi", est créé. Sous réserve de négociations d'entreprise ou de branche, il permet "une réduction du temps de travail" compensée "en partie" par l'État pour répondre aux difficultés durables attendues dans certains secteurs (automobile, aéronautique...).
- Moyennant négociations au sein des entreprises, les règles de recours aux contrats à durée déterminée et contrats de travail temporaires et de leur renouvellement peuvent être assouplies.
- Les salariés en activité partielle bénéficieront de droits à la retraite à titre exceptionnel jusqu'au 31 décembre.
- Pour compléter les revenus des salariés en activité partielle, les entreprises peuvent, par accord collectif, prévoir la monétisation de jours de repos ou congés payés, ou proposer une solidarité entre salariés.
- Les demandeurs d'emploi en fin de droit à compter du 1er mars bénéficient d'une prolongation fixée par arrêté ministériel, et au plus tard jusqu'au 31 mai 2020, de la durée pendant laquelle l'allocation leur est versée. Pour les intermittents du spectacle, la date butoir est fixée au 31 août 2021.
- Durée maximale de séjour des travailleurs saisonniers étrangers relevée à 9 mois.
JUSTICE
- Pour désengorger le système judiciaire, de nombreux procès ayant été reportés pendant le confinement, la procédure de jugement des crimes est adaptée. Pendant toute la durée de l'état d'urgence sanitaire et jusqu'au 31 décembre 2020, les listes de jurés de cour d'assises tirés au sort pourront être élargies, afin de pallier les absences dues à l'épidémie.
- L'expérimentation des cours criminelles, actuellement menée dans neuf départements pour juger des crimes sans jury populaire, est étendue à 18 départements.
- Les procureurs peuvent réorienter les procédures dont ont été saisis les tribunaux de police ou correctionnels avant ou pendant le début de la crise sanitaire, afin que le ministère public puisse si nécessaire leur apporter une réponse pénale autre que celle exigeant la tenue d'une audience devant la juridiction. La possibilité d'un classement sans suite est limitée aux seules procédures contraventionnelles sans victime.
- Report à 2021 des réformes du divorce et de la justice des mineurs.
FONCTION PUBLIQUE
- Possibilité de mise à disposition, à titre gratuit, d'agents publics, dont les agents territoriaux, auprès des établissements de santé ou médicosociaux (dont Ehpad) afin de renforcer leurs moyens pendant l'état d'urgence sanitaire.
- Transformation des contrats à durée déterminée (CDD) en contrats à durée indéterminée (CDI) dans les trois versants de la fonction publique : la loi neutraliser l'effet de la crise sanitaire sur la transformation des CDD en CDI dans les trois versants de la fonction publique. Autrement dit, la durée de l'état d'urgence sanitaire ne sera pas prise en compte dans la durée des interruptions entre deux contrats.
FINANCES
- Les parlementaire ont souhaité encadrer et mieux limiter dans le temps, comme le souhaitait le Sénat, les habilitations liées au dépôt sur le compte du Trésor des disponibilités des entités soumises à la comptabilité publique et des organismes chargés d’une mission de service public, en excluant notamment de la liste les organismes publics relevant des collectivités territoriales, les organismes sociaux. Initialement, le gouvernement entendait (article 3) renforcer par ordonnance la centralisation sur le compte unique du Trésor des disponibilités détenues par des personnes morales soumises aux règles de la comptabilité publique et des organismes publics ou privés chargés d’une mission de service public.
SPORT
- Les fédérations sportives et ligues professionnelles peuvent adapter la réglementation des compétitions et saisons sportives, pour tirer les conséquences de la fin anticipée de la saison 2019-2020.
- Au plus tard le 30 juin, le comité de scientifiques remet un avis sur les risques sanitaires attachés à la reprise des compétitions professionnelles et amateurs pour la saison 2020/2021, ainsi que les précautions à prendre pour l'organisation matérielle des compétitions et l'accueil du public.
AUTRES MESURES
- Immigration. Prolongation de 180 jours de la durée de validité des titres de séjour des ressortissants étrangers arrivés à expiration entre le 16 mai et le 15 juin.
- Brexit. Le gouvernement est habilité, pour une durée de 12 mois, à prendre par ordonnances des dispositions liées au Brexit à l'issue de la période de transition, qui doit en principe s'achever au 31 décembre.
- Maisons de naissance. L'expérimentation des maisons de naissance, dont le terme était prévu en novembre 2020, est prolongée de 18 mois.
- Lobbies. Report d'un an de l’entrée en vigueur des règles relatives à "la transparence des relations entre les représentants d’intérêts et les autorités locales" – autrement dit, l'obligation pour les lobbies de déclarer à la Haute Autorité pour la transparence de la vie publique leurs activités auprès des exécutifs locaux, prévue au 1er juillet 2021, est repoussée d'une année.
- Règlements locaux de publicité. Suite à un amendement sénatorial, l’échéance des règlements locaux de publicité actuellement prévue le 13 juillet 2020 est reportée de six mois, si aucun règlement local de publicité intercommunal n’a été prescrit ou si aucune révision ou modification n’a été engagée avant cette date pour se conformer aux dispositions de la loi de 2010 portant engagement national pour l'environnement.
- Commande publique. Un acheteur public ne peut procéder à la résiliation unilatérale d’un marché public au motif que le titulaire se trouve en redressement judiciaire pendant l'état d'urgence sanitaire et un an au-delà.