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Finances - Les députés prônent la spécialisation fiscale

"On est au bout d'un système et si rien ne bouge comme c'est le cas, cela va mal se terminer." Jean-Pierre Balligand n'a pas mâché ses mots en évoquant devant la presse le 8 octobre les premiers travaux de la mission d'information de l'Assemblée nationale sur les relations financières entre l'Etat et les collectivités locales qu'il préside avec Marc Laffineur. Aux 55 milliards d'euros de dotations alloués par l'Etat aux collectivités locales, il faut ajouter 33 milliards d'euros de dotations de compensation correspondant à des allègements de fiscalité pour les contribuables. "C'est un système pervers" dans lequel l'Etat est le premier à subir les conséquences d'une augmentation du taux des impôts, a résumé le député de l'Aisne. Et dans ce système, la fiscalité locale et les dotations versées par les collectivités entre elles ne représentent plus que 26% de leurs ressources.

 

La péréquation en question

Les députés, qui se sont exprimés le 7 octobre dans la soirée devant la commission des finances de l'Assemblée, prônent avant tout une refonte de la fiscalité locale. Celle-ci doit selon eux reposer sur la spécialisation fiscale. Une compétence et une imposition spécifiques doivent ainsi revenir à chaque niveau de collectivité. Concrètement, les communes et leurs groupements seraient liés aux ménages et aux entreprises par les impôts fonciers. Les départements seraient, eux, associés aux compétences sociales par un impôt additionnel sur le revenu des ménages. Enfin, les régions seraient arrimées au tissu économique au moyen d'une imposition localisée, assise sur le résultat des entreprises ou la valeur ajoutée - celle-ci étant appelée à remplacer une taxe professionnelle à bout de souffle. Pour les députés, il est par ailleurs nécessaire que les fondements d'une réévaluation future des valeurs locatives figurent dans le projet de loi de finances pour 2009. A ce sujet, l'hypothèse d'une réévaluation des bases au fil de l'eau suivant la valeur vénale des biens n'enchante guère Jean-Pierre Balligand, pour qui les finances locales seront dans ce cas sous la menace d'un retournement du marché de l'immobilier. Pour rappel, Nicolas Sarkozy, favorable à un "Grenelle de la fiscalité locale", a annoncé, en novembre 2007, un chantier spécialisation ( voir article ci-contre : "Nicolas Sarkozy : ferme sur les réformes des services de l'Etat, ouvert à un Grenelle de la fiscalité locale", 20 novembre 2007).
Parallèlement, la dotation globale de fonctionnement doit être réformée, avec deux objectifs : "la péréquation et l'aide au investissements structurants", selon Marc Laffineur. Avec son confrère, il a recensé quinze dispositifs de péréquation au sein de la DGF, qui "bloquent 10 milliards d'euros, soit 43% de la DGF des communes". Or "leurs critères et leurs objectifs" ne "sont pas favorables à la péréquation", souligne Jean-Pierre Balligand. Pour ce dernier, il faut "mobiliser sur des dispositifs de péréquation pertinents" qui doivent faire intervenir la fiscalité locale. Dans le cas des départements par exemple, "les plus riches d'entre eux alimenteraient le fonds national de péréquation" en reversant une part de la CSG, nouvel impôt qui pourrait être dévolu à cet échelon.

 

T.B. / Projets publics

Jean-Pierre Balligand : "Supprimer la clause générale de compétence"

Connu pour ses prises de position sur la décentralisation, notamment en tant que coprésident de l'Institut de la décentralisation, Jean-Pierre Balligand a exprimé le 8 octobre devant la presse sa position sur le chantier de l'organisation administrative territoriale. "Nulle part en Europe il n'y a un pays où les collectivités peuvent agir dans tout domaine", a-t-il une nouvelle fois déclaré. Le député de l'Aisne se prononce toujours pour la suppression de la clause générale de compétence des départements et des régions. En substance, il faut "spécialiser les compétences et les rendre obligatoires". Logique, cette position est le corollaire de la spécialisation fiscale.  
Faut-il aller plus loin en supprimant le département ? Le parlementaire répond : "Comment mutualiser l'action sociale dans les territoires où il n'y a pas de grosses agglomérations ?" Le conseiller général, qui fut même président du département de l'Aisne pendant trois ans, fait remarquer par ailleurs qu'il faudra bien un échelon de proximité qui s'occupe de la question du vieillissement de la population. Faut-il alors fusionner les régions et les départements comme certains le préconisent ? "Oui", à une condition : "si l'on agrandit le périmètre des régions". Sinon, la solution ne séduit pas le député : "Aura-t-on des pôles attractifs sur le plan européen ?", s'interroge-t-il. Pour lui, "la France est suffisamment hétérogène pour voir un système différencié". Autrement dit, il faut mettre fin à "l'uniformité administrative", cette "curieuse maladie, qui ne garantit pas l'égalité".