Les bailleurs sociaux face à l’enjeu de la transformation écologique
À l'approche du Congrès HLM, la Banque des Territoires publie l’édition 2024 de son étude "Perspectives" consacrée au logement social. Elle pointe notamment la nécessité pour les bailleurs sociaux d’arbitrer à l’avenir "entre réhabilitations et constructions neuves".
Le logement social est confronté à un enjeu majeur : celui de la transformation écologique de son parc, le tout dans un environnement économique incertain qui se traduit par une augmentation des coûts d’investissement, à laquelle viennent s’additionner des tensions inflationnistes dont la décrue démarre à peine. Ce contexte, relève la Banque des Territoires dans l'édition 2024 de son étude "Perspectives sur le logement social" publiée ce 12 septembre, oblige plus que jamais les acteurs du logement social à arbitrer "entre constructions neuves et réhabilitation".
Après une année 2021 atypique de "rattrapage post-Covid", les organismes de logement social ont été durement impactés, et ce dès 2022, par l’effet conjugué du "choc inflationniste" et de la remontée des taux d’intérêt. Un choc marqué par la baisse observée du ratio d’autofinancement locatif du secteur du logement social ; tendance qui s’est d’ailleurs poursuivie en 2023. Alors que ce ratio atteignait en moyenne 55% sur la période 2017-2019, il s’établissait en 2022 à seulement 34% de l’autofinancement global, souligne la Banque des Territoires, qui observe cependant un "potentiel financier du secteur qui s’est renforcé", notamment en raison du décalage d’un certain nombre d’opérations qui a permis de préserver leurs fonds propres.
Un rythme attendu de 130.000 opérations de réhabilitation menées chaque année
En parallèle, l’étude pointe le fait que les obligations en matière de transformation écologique et d’adaptation au changement climatique "vont amener les bailleurs sociaux à accroître très fortement les efforts d’investissement" nécessaires pour réussir cette transition. Les organismes de logement social vont ainsi être amenés à réaliser des arbitrages, potentiellement au détriment de la construction neuve. L’étude présente un scénario dans lequel ceux-ci seraient en mesure "de maintenir un rythme annuel de réhabilitations allant jusqu’à 130.000 logements par an" sur la période 2024-2027. Reste qu'à ce jour, regrette la Banque des Territoires, ces investissements nécessaires "ne sont pas pris en compte".
A ce jour, rappelle-t-elle, le parc social français comprend 5,7 millions de logements gérés essentiellement par des OPH et des ESH. On dénombre ainsi 5,2 millions logements dans le parc HLM, auxquels s’ajoutent les logements conventionnés détenus par des SEM immobilières. La construction de logements sociaux représente toujours un quart des mises en chantier de logements en France. En 2022, 56.400 logements sociaux de plus ont été mis sur le marché, même si la tendance au ralentissement se confirme. Enfin, avec un coût moyen de 50.000 euros par opération, la Banque des Territoires constate une augmentation de plus de 60% sur 10 ans.
› Logement social : 2,7 millions de demandes mi-2024, un nouveau recordLe nombre de demandeurs de logement social a battu un nouveau record mi-juin, avec 2,7 millions de ménages enregistrés en France, alors que la politique du logement est à l'arrêt depuis trois mois sur fond de crise de l'ensemble de la filière. Selon Emmanuelle Cosse, la présidente de l'Union sociale pour l'habitat (USH), le nombre de ménages en attente d'un logement social a atteint 2,7 millions au premier semestre 2024, soit une augmentation de 100.000 demandeurs par rapport à 2023, un "nouveau record". "C'est une demande qui augmente partout. C'est le même phénomène que les années précédentes dans toutes les régions et qui montre combien la question de l'accès à un logement abordable demeure très importante", a-t-elle commenté ce 12 septembre lors d'une conférence de presse organisée en amont du Congrès HLM, qui aura lieu du 24 au 26 septembre à Montpellier sur le thème de "l'innovation". Dans le détail, plus de 1,8 million de ménages sont en attente d'un premier logement et 870.000 déjà logés dans le parc existant en attendent un nouveau. "On a une accélération de la demande au premier semestre et c'est ça qui est relativement inquiétant", a pointé l'ex-ministre du Logement (gouvernement Valls II). Cette dégradation s'accompagne d'une baisse du nombre d'agréments de nouveaux logements sociaux. Quelque 82.200 logements sociaux ont été agréés en 2023, contre 124.200 en 2016, soit un total de 182.300 "logements perdus" au fil des années, comptabilise l'USH qui prend l'année 2016 comme référence. Outre les effets de la crise sanitaire et de la guerre en Ukraine, les bailleurs incriminent la baisse des objectifs de production de l'Etat et la "réduction de loyer de solidarité" (RLS) qui leur est imposée depuis 2018 pour compenser la baisse de cinq euros de l'aide personnalisée au logement (APL). Emmanuelle Cosse a par ailleurs dénoncé un gel des crédits accordés à la rénovation HLM. L'ancien ministre du Logement Patrice Vergriete avait annoncé en octobre, en clôture du congrès HLM à Nantes, une enveloppe de 1,2 milliard d'euros sur trois ans, soit 400 millions d'euros par an, pour rénover le parc social. "Le gouvernement démissionnaire n'a pas tenu ses engagements (...) Cette enveloppe a d'ores et déjà été gelée sans débat préalable en juillet par Bruno Le Maire de plus de la moitié", a affirmé Emmanuelle Cosse. Une situation d'autant plus dommageable selon elle que les bailleurs étaient "capables de consommer un milliard d'aides". "Le gouvernement n'a même pas été capable de tenir six mois sur un engagement qu'il a pris, qu'il a porté dans la loi de Finances, c'est absolument inadmissible", a-t-elle déploré. Le mouvement HLM évalue à "14 milliards d'euros" le montant des financements "pris au logement social depuis l'été 2017", du fait de l'impact de la RLS, de l'augmentation du taux du livret A à 3% et de la hausse du taux de TVA de 5,5% à 10% sur le logement social. "Je veux proposer au Premier ministre un pacte gagnant-gagnant", a interpellé Emmanuelle Cosse, estimant que le gouvernement a besoin du mouvement HLM "pour décarboner" le parc de logements et "assurer à la filière du bâtiment un volume de rénovation sur des années". Dans un contexte politique et économique "extrêmement flou", "notre crainte, c'est d'une part de manquer de visibilité, mais surtout qu'on soit face à un budget qui soit un budget récessif et qui nous coupe les jambes", a-t-elle déclaré, rappelant aussi la situation "extrêmement dramatique" des acteurs privés du logement. AFP |