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Décentralisation - L'élu local en quête de reconnaissance

L'Observatoire de la décentralisation du Sénat publie un rapport d'étape consacré aux élus locaux selon lequel, sondage à l'appui, c'est tout notre système de gouvernance locale qui doit être modernisé.

"Les élus locaux sont aujourd'hui massivement saisis par le doute." Ce n'est pas un élu qui le dit, mais le politologue Dominique Reynié, analysant les résultats d'un sondage TNS-Sofres réalisé à la demande de l'Observatoire de la décentralisation du Sénat auprès de 500 élus (450 maires, une quarantaine de présidents de département et une petite dizaine de présidents de région). "Il est rare qu'une enquête de ce type soit réalisée, à ce niveau de niveau de précision", a-t-il d'ailleurs noté ce 28 février lors de la présentation de ses résultats à la presse.
Cette enquête vient étayer un rapport du sénateur Jean Puech, président de l'Observatoire, consacré à la situation actuelle des élus locaux. Intitulé "Etre élu local aujourd'hui : adapter notre gouvernance locale au défi de la décentralisation", ce rapport a été écrit à la demande du président du Sénat, Christian Poncelet. Celui-ci, à l'issue des "Etats généraux des élus locaux" organisés successivement dans chaque région entre 1999 et juin 2006, estimait en effet nécessaire de conduire une réflexion de fond sur "les nouvelles missions de l'élu local dans le contexte de la décentralisation". Ce rapport d'étape sera suivi par d'autres travaux, dont une étude comparative avec d'autres pays européens - sur la base de questionnaires adressés aux ambassades - et un colloque prévu pour le mois d'octobre.

La moitié des élus veulent une pause

Selon Jean Puech, le doute ou malaise perceptible chez les exécutifs locaux n'est pas directement lié au mouvement de décentralisation et aux transferts de compétences. Le principe même de décentralisation, en tout cas, n'est pas remis en cause : 78% des élus sondés s'y déclarant "très attachés" ou "plutôt attachés".
Il y aurait en revanche une "déception par rapport aux fortes attentes" que ce principe avait suscité, notamment en termes d'autonomie locale, et le sentiment que les choses sont parfois allées trop vite. La moitié des élus souhaite en effet une "pause" dans les transferts de compétences, seuls 27% estimant qu'il faut approfondir ces transferts, tandis que 22% demandent carrément que l'on "revienne en arrière sur certaines des dispositions".
Les élus locaux attendent en outre une clarification dans la répartition des compétences entre l'Etat et les collectivités, ainsi qu'entre niveaux de collectivités. "Après le gros oeuvre de la décentralisation, il faut maintenant passer à l'aménagement intérieur", a lancé l'ancien président de l'Assemblée des départements de France, pour qui "cela implique très certainement une réforme de l'Etat déconcentré". Cette réforme de l'Etat, a-t-il expliqué, passe notamment par une réflexion sur les doublons existant entre services déconcentrés de l'Etat et services des collectivités, sur les financements croisés et sur les pouvoirs normatifs respectifs de l'Etat et des collectivités.

Pression croissante des citoyens

Le deuxième "grand chantier" doit permettre, estime l'Observatoire de la décentralisation, de "donner plus de légitimité" aux élus locaux. Ce "manque de reconnaissance", analyse Dominique Reynié, serait largement à l'origine du "malaise" des élus. "Il ne faut pas croire que les élus locaux soient épargnés par la réprobation publique qui pèse aujourd'hui sur les politiques", assure le politologue, évoquant "la pression croissante exercée sur ces élus par les citoyens". Cette pression se serait selon lui accentuée avec l'Acte II de la décentralisation : même si la commune n'a pas vu ses compétences s'accroître, le citoyen, qui ne connaît guère le contenu des partages de compétences entre niveaux de collectivités, "se tourne en plus en plus vers le maire".
Enfin, un troisième chantier s'impose par rapport au statut de l'élu. "En réalité, il n'y a pas de statut de l'élu en France. Cela entraîne un certain nombre de comportements, à commencer par le cumul des mandats", résume Jean Puech. Même son de cloche du côté de Dominique Reynié : "Les élus sont obligés de bricoler leur statut. Pour pouvoir vivre en tant qu'élu aujourd'hui, il faut soit être fonctionnaire, soit être retraité, soit cumuler les mandats." "Ils travaillent de plus en plus, doivent gérer des dossiers de plus en plus complexes et techniques, sont peu rétribués, doivent faire face à un risque juridique qui n'est pas nul..."
Face à ces constats peu reluisants, Jean Puech souhaiterait que la prochaine législature donne lieu, a minima, à un projet de loi centré sur les élus locaux. Plus globalement, l'Observatoire plaide pour "une nouvelle étape de la décentralisation, qui pourrait s'appeler l'Acte III... mais qui passera, non par un nouveau transfert de compétences vers les collectivités, mais par la modernisation de notre système de gouvernance locale".

 

Claire Mallet

 

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