Le vote RN "s'est durablement installé au sein des fonctions publiques"

Le Rassemblement national (RN) a réalisé en 2024 des scores élevés y compris chez les fonctionnaires, des électeurs qui votaient traditionnellement à gauche, analyse Luc Rouban, directeur de recherches au CNRS, dans une récente note.

La manifestation la plus récente du succès croissant du RN chez les électeurs est le second tour des dernières élections législatives, le 7 juillet. Ce jour-là, le parti de Marine Le Pen a "attiré à lui des proportions importantes d’électeurs y compris au sein des fonctions publiques, où son résultat électoral s’avère historique", écrit le spécialiste du vote des fonctionnaires dans une note que vient de publier le Centre de recherches politiques de Sciences Po (Cevipof). Dans le détail, le RN a réuni 36% des suffrages exprimés dans la fonction publique d'État (FPE), 39% dans la fonction publique territoriale (FPT) et 41% dans le versant hospitalier (FPH). 

Fait nouveau, le vote RN a enregistré aux législatives de 2024 une percée y compris "au sein de la catégorie A et dans l’ensemble des professions de l’enseignement et de la recherche".

Privé/public : les différences s'estompent

Le vote pour le RN dans les fonctions publiques se situe désormais "au même niveau que celui qui est atteint chez les salariés du privé (42%)". "À niveau de responsabilité équivalent, le vote des fonctionnaires se différencie de moins en moins du vote des salariés du secteur privé", observe le chercheur.

Au premier tour des élections législatives de 2017, le RN avait recueilli 12% des voix dans la FPE, 10% dans la FPT et 17% dans le secteur hospitalier (contre 15% dans le privé).

Historiquement ancré à gauche, le vote des agents publics s'est donc réorienté dans des proportions sensibles vers le centre et la droite et, "au sein des droites, le vote en faveur du Front national puis du Rassemblement national n’a cessé de s’affirmer".

Il reste que "les cadres des trois fonctions publiques votent en moindres proportions que les agents de catégorie C pour le RN", décrypte la note. Ainsi, au second tour des élections législatives de 2024, le parti d'extrême droite l'a emporté d'une courte tête chez ces cadres (31% contre 29% pour le Nouveau Front populaire - NFP - et 28% pour Ensemble). Les employés de la fonction publique ont placé, eux, le RN au-delà de 40% (41%), loin devant Ensemble et le NFP (respectivement 23% et 22%). Dans le secteur privé, on retrouve "cet écart entre cadres et employés" qui "ne fait qu’illustrer le poids des diplômes et de la situation sociale sur le choix du RN".

"Fin de la gauche d'État"

"L’importance du vote RN comme de l’ensemble des votes de droite parmi les fonctionnaires signifie que la gauche d’État qui servait de ressource et de point d’appui aux partis politiques de gauche des années 1980 a largement disparu, y compris au sein du monde enseignant", conclut Luc Rouban. Le chercheur du Cevipof estime également que "la demande d’autorité a progressé au sein des fonctions publiques dont les agents sont bien moins rétifs qu’autrefois à l’égard des carrières offertes par le secteur privé et des valeurs qu’il défend".

Les analyses du Cevipof s'appuient sur une enquête menée entre le 26 juillet et le 1er août 2024 auprès d’un échantillon de 11.204 personnes, dont 1.476 agents de la fonction publique d'État, 596 agents de la fonction publique territoriale et 390 agents de la fonction publique hospitalière (ces agents étant des actifs ou des retraités).

 

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