CPER 2007-2013 - Le volet territorial, une coquille vide ?
Les régions auront bientôt toutes signé leurs contrats de projets 2007-2013 avec l'Etat. Elles s'attaquent maintenant au volet territorial avec un délai d'un an pour le boucler. Créé en 2000 et destiné à faire émerger des dynamiques de développement local, le volet territorial a failli disparaître dans la nouvelle génération des CPER. Mais le gouvernement a finalement décidé de le conserver tout en modifiant sa configuration. La circulaire du Premier ministre du 6 mars 2006 relative à la préparation des contrats de projets Etat-régions 2007-2013 et celle du 24 mai 2006 du délégué interministériel à l'aménagement et à la compétitivité des territoires confirment ainsi l'intervention de l'Etat en faveur de ces démarches territoriales infrarégionales. Elles limitent cependant son intervention aux six thématiques des contrats de projets (développement durable des agglomérations, développement numérique des territoires, changement climatique, gestion de la ressource en eau, prévention des risques naturels et adaptation des services au public et des services à la personne). Seules ces thématiques peuvent faire l'objet d'un financement de l'Etat, tout autre domaine étant laissé au compte des territoires. "Les précédents contrats de plan ont initié le principe du volet territorial, il semblait important de l'inscrire dans les contrats, explique Vincent Ledolet, conseiller en charge du développement régional à la Diact. Nous ne voulons pourtant pas donner l'impression que l'Etat finance en permanence des structures infrarégionales. Cette fois-ci, seuls les territoires qui ont de vrais projets seront financés. C'est moins confortable mais plus dynamique pour les territoires."
"L'étagère est là, mais il n'y pas grand-chose dessus !"
D'après un premier bilan provisoire réalisé par l'Association pour la fondation des pays (APFP), 11% des crédits inscrits aux contrats de projets sont consacrés au volet territorial. Mais les situations sont très contrastées tant sur le plan du montage financier que du contenu. "Certaines régions, comme la Basse-Normandie, le Languedoc-Roussillon ou l'Alsace, ont une approche plus territoriale que d'autres, leur volet territorial est plus consistant, constate Olivier Dulucq, le délégué général de l'Unadel (Union nationale des agents de développement local). D'autres sont très en retard sur ce plan." En effet, d'après le classement de l'APFP, le Languedoc-Roussillon fait figure de premier de la classe avec 27% des montants investis dans le contrat de projets réservés au volet territorial (356 millions d'euros). D'autres régions encore se dégagent du lot, comme les régions Rhône-Alpes (24%), Bourgogne (21%) ou Auvergne et Centre (20%). Mais pour Gwenaël Doré, le directeur de l'APFP, ces chiffres s'expliquent parfois par de grosses opérations ou le soutien aux pôles de compétitivité et d'excellence rurale. "Dès le départ, le volet territorial a été mal pensé et mal doté", regrette Olivier Dulucq, faisant allusion au planning très serré des contrats de projet, qui a laissé peu de place aux concertations avec les territoires, et au faible financement de l'Etat pour les politiques d'aménagement. Même écho du côté de l'Assemblée des communautés de France (ADCF) : "L'étagère est là, mais il n'y a pas grand-chose dessus", déplore Nicolas Portier, son délégué général. Tous regrettent la nouvelle orientation des contrats de projets qui réserve le gros des financements aux opérations lourdes au détriment des projets plus spécifiques des agglomérations, des pays ou des parcs naturels régionaux.
Une "gestion à la petite semaine"
Face à cette situation, certaines régions ont décidé de prendre les choses en main. Elles ont séparé le volet territorial de leur contrat de projet. C'est le cas notamment de la Haute-Normandie qui est la seule région à s'être associée avec ses départements dans une démarche contractuelle en faveur de l'aménagement du territoire régional. La région s'est aussi engagée dans une nouvelle génération de contrats avec les pays et les agglomérations qui doit être finalisée d'ici au mois de juillet et à laquelle l'Etat est invité à s'associer. Pour Alain Le Vern, le président du conseil régional de la Haute-Normandie, c'est le seul moyen de poursuivre une véritable politique d'aménagement du territoire : "Ce que fait l'Etat, c'est une gestion à la petite semaine. Il nous a proposé 39 millions d'euros sur sept ans pour 7 agglomérations et 15 pays ! La région a quant à elle décidé de mettre 500 millions d'euros sur la table pour soutenir les territoires." Au final, même si certains, comme Gwenaël Doré de l'APFP, constatent des évolutions positives du volet territorial par rapport aux mandats de négociations initiaux, les acteurs concernés sont déçus. Et les conséquences négatives risquent de se faire vite sentir. "Depuis quarante ans, on nous serine qu'il faut équilibrer le développement économique sur tout le territoire national et tout d'un coup, il y a un mouvement de bascule. C'est une forme d'abandon de l'aménagement du territoire de la part de l'Etat", déplore Olivier Dulucq. La plupart comptent laisser passer le temps des élections, peu propices aux grandes décisions, pour réamorcer le débat. Compte tenu du léger retard à l'amorçage des CPER, les conventions de territoires ne seront pas signées avant début 2008.
Emilie Zapalski