Le taux de pauvreté et les inégalités ont diminué en 2019, mais les associations s'inquiètent pour 2020
L'Insee a publié "l'estimation avancée du taux de pauvreté et des indicateurs d’inégalités" pour l'année 2019. Celle-ci montre notamment un recul de 0,3 point du taux de pauvreté monétaire à 60% du revenu médian, qui redescend à 14,5% essentiellement sous l'effet de la revalorisation de la prime d'activité. Le collectif Alerte "salue la diminution du nombre de travailleurs pauvres en 2019", mais estime que "le mécanisme de baisse du taux de pauvreté n’a eu aucun impact sur les 10% les plus précaires, à l’écart des circuits de l’emploi". Et redoute "une progression inédite dans son ampleur de la pauvreté en 2020".
Avec quelques semaines de retard dues à la crise sanitaire, l'Insee publie, comme chaque année, son estimation avancée du taux de pauvreté et des indicateurs d'inégalités (pour les années antérieures, voir nos articles ci-dessous des 11 octobre 2018 et 17 octobre 2019). Portant sur l'année 2019, cette livraison fait apparaître une légère baisse du taux de pauvreté monétaire à 60% du revenu médian et très légère baisse des inégalités, mesurées par l'indice de Gini. Basées sur des micro-simulations, ces estimations avancées se révèlent très fiables à l'usage.
Un taux de pauvreté en baisse de 0,3 point, grâce à la revalorisation de la prime d'activité
En 2019, le taux de pauvreté monétaire à 60% du revenu médian diminuerait de 0,3 point, pour s'établir à 14,5% de la population, soit 9,1 millions de personnes (210.000 de moins qu'en 2018). Cette baisse s'explique essentiellement par la revalorisation exceptionnelle de la prime d'activité après la crise des gilets jaunes, qui s'est traduite par 1,25 million de bénéficiaires supplémentaires, dont 700.000 étaient éligibles avant la revalorisation mais ne l'avaient pas demandée et 550.000 nouveaux éligibles, portant ainsi le total des bénéficiaires à 4,25 millions de personnes. Si on retient le taux de pauvreté à 50% du revenu médian – comme le préconise notamment l'Observatoire des inégalités (voir notre article ci-dessous du 26 novembre 2020) -, le taux de pauvreté recule plus faiblement de 0,1 point.
Cette baisse du taux de pauvreté en 2019 succède toutefois à une hausse de 0,7 point en 2018, imputable à la réforme des APL (aides personnelles au logement). L'Insee rappelle que "cette baisse avait été compensée par la réduction de loyer de solidarité dans le parc social, c'est-à-dire par une diminution des dépenses des ménages, qui n'entrent pas dans la mesure des niveaux de vie". C'est aussi le cas d'autres mesures qui ont impact sur le taux de pauvreté et les inégalités, mais ne sont pas prises en compte. L'Insee cite notamment l'impact positif possible, en 2019, de la revalorisation et de l'extension du chèque énergie, ou encore de la création de la complémentaire santé solidaire (CSS), en remplacement de la CMU complémentaire et de l'aide à la complémentaire santé (ACS).
Du côté des inégalités, l'indice de Gini recule de 0,003, pour s'établir à 0,295, après une hausse de 0,009 en 2018. Pour mémoire, 0 correspond à une égalité absolue entre tous les individus et 1 à une inégalité absolue ou un seul individu possèderait tous les revenus. De même, le rapport entre la masse des niveaux de vie détenue par les 20% de personnes les plus aisées et celle détenue par les 20% les plus modestes diminuerait légèrement de 0,1 point en 2019, pour s'établir à 4,3, après une augmentation de 0,1 en 2018. Enfin, le rapport interdécile D9/D1 resterait stable à 3,5.
Des chiffres "à considérer avec mesure"
Dans un communiqué du 19 novembre, le collectif Alerte, qui regroupe 35 fédérations et associations nationales de lutte contre l'exclusion, "se réjouit de la sortie de la pauvreté de quelques 200.000 personnes en 2019" et "salue la diminution du nombre de travailleurs pauvres". Mais le collectif "tient à rappeler que ces chiffres doivent être considérés avec mesure. En effet, ce sont essentiellement l'élargissement des conditions d'accessibilité, la revalorisation et l'augmentation du taux de recours à la prime d'activité qui expliquent ces résultats". Par ailleurs, la baisse du taux de pauvreté constatée l'an dernier "n'a eu aucun impact sur les 10% les plus précaires, à l'écart des circuits de l'emploi, et dont les conditions et le niveau de vie ne se sont pas trouvés améliorés en 2019".
Mais c'est surtout l'année 2020 qui inquiète les membres du collectif. En effet, "face aux conséquences de la crise sanitaire, la dégradation des conditions de vie des plus pauvres, la baisse déjà engagée de l'activité, et donc des bénéficiaires de la prime d'activité, et l'émergence de nouveaux publics, notamment les jeunes, les intérimaires ou les indépendants, les associations de solidarité rappellent qu'il est primordial de déployer des réponses structurelles en direction des 10% des ménages les plus fragiles, toujours oubliés, des migrants et des publics émergeants pour réussir à endiguer durablement et efficacement la pauvreté en France". Alerte cite notamment-, parmi les réponses possibles, la revalorisation de l'ensemble des minima sociaux et leur ouverture aux jeunes de 18 à 25 ans, qui sont "des priorités incontournables". Le collectif espère donc que le gouvernement s'engagera sur des mesures d'ampleur et structurelles pour éradiquer durablement la pauvreté "qui, en 2020 et pour les années à venir, si rien ne change, augmentera indéniablement".