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Réforme des collectivités - Le Sénat vote l'abrogation du conseiller territorial

Le Sénat a adopté en première lecture, à l'aube ce jeudi 17 novembre, la proposition de loi PS, signée Nicole Borvo Cohen-Seat, d'abrogation du conseiller territorial. Une longue nuit de débats rappelant forcément ceux d'il y a un an dans le même hémicycle, même si le changement de majorité sénatoriale a forcément changé les postures des uns et des autres… et l'issue du vote. Une nuit de débats un peu déconnectée, aussi, du reste de l'actualité parlementaire, sachant qu'il s'agissait de supprimer un type de mandat électif qui n'existe pas encore (et n'existera, le cas échéant, qu'à partir de 2014) et de voter un texte n'ayant quasiment aucune chance de passer à l'Assemblée nationale (il est même peu probable que le texte soit inscrit à l'ordre du jour des députés). Certains sénateurs de droite, ainsi que le ministre Philippe Richert, n'ont pas manqué de s'interroger sur l'utilité de ce débat. "Revenir sur des débats clos il y a moins d'un an, est-ce opportun ?", a par exemple demandé le ministre. Du côté de l'UMP, on a naturellement continué à défendre le bien-fondé du conseiller territorial. On a aussi souligné le fait que la nouvelle majorité sénatoriale ne proposait qu'un retour en arrière, manquant de contreproposition concrète. On a, enfin, tenté de faire valoir l'article 40 de la Constitution (supprimer le conseiller territorial ne serait-il pas générateur d'une dépense supplémentaire ?), mais sans succès.
A gauche au contraire, d'aucuns ont jugé le débat "passionnant". Et ont évidemment établi un lien entre le rejet de conseiller territorial et l'issue des sénatoriales en septembre. "En abrogeant le conseiller territorial, la majorité sénatoriale permettra à notre assemblée de jouer son rôle constitutionnel, légiférant dans l'intérêt des collectivités et de leurs habitants", avait d'emblée lancé Nicole Borvo Cohen-Seat. Ils ont aussi souligné que ce texte arrivait dans la foulée de la proposition de loi Sueur sur l'intercommunalité. "Nous voulons une remise à plat. La proposition de loi Sueur laisse à chacun le soin de s'engager dans l'intercommunalité en toute connaissance de cause. Nous supprimons aujourd'hui le conseiller territorial et demain, à l'occasion des états généraux des élus locaux, nous voulons préparer une réforme qui s'appuie sur une réflexion globale, une mobilisation de tous les élus locaux pour construire l'avenir au lieu de demeurer dans l'attente", a par exemple déclaré Gaëtan Gorce, membre du groupe PS. On relèvera d'ailleurs au passage la remarque de Philippe Richert au sujet du texte de Jean-Pierre Sueur : "Nous aurions pu, nous aurions dû nous entendre sur la proposition de loi Sueur, d'autant qu'elle faisait écho au texte proposé par M. Pélissard ; mais elle a été dénaturée."

180 voix contre 137

Cette séance nocturne aura en tout cas permis à de nouveaux sénateurs de s'exprimer sur le sujet. Tel a par exemple été le cas de Christian Favier, par ailleurs président PCF du conseil général du Val-de-Marne, craignant qu'avec la réforme territoriale, les départements ne soient finalement "mués en guichets administratifs de l'action sociale" : "On sait le rôle des conseillers généraux sur le terrain. C'est une réalité et une richesse démocratique. Président d'un conseil général de département très urbanisé, je connais leur action, dans leurs permanences et les institutions, les conseils d'administration où ils siègent. La réduction de 50% de leur nombre les transforme. Ils seront en permanence en session ! Ils ne pourront plus animer la démocratie locale et perdront le contact avec la vie territoriale, deviendront des gestionnaires."
Le texte, composé d'un article unique, a été adopté par 180 voix contre 137. Les sénateurs de l'Union centriste et républicaine (UCR) n'ont pas pris part au scrutin, à l'exception de trois qui ont voté pour. Le groupe UMP a voté contre, sauf Alain Fouché et Louis Pinton qui se sont abstenus. Lors de la discussion, Philippe Adnot, sénateur divers droite et président du département de l'Aube, avait fait savoir qu'il voterait ce texte de suppression "parce que l'honneur d'un parlementaire est de voter en son âme et conscience" et qu'il jugeait toujours la création du conseiller territorial comme représentant "une réforme douteuse, inutile, cause de divisions".
Jeudi matin, un communiqué de Philippe Richert indiquait que "la désorganisation des travaux du Sénat" le contraignait "à annuler sa présence au congrès de l'Association des régions de France (ARF)". Et le ministre de "regretter vivement cette situation qui prive le gouvernement des échanges traditionnels qu'il a à cette occasion avec les conseils régionaux". Pour le ministre, "la majorité du Sénat est incapable d'organiser ses travaux et de tenir les calendriers qu'elle s'est elle-même fixé, doublant voire triplant les durées initiales des débats, et parfois renvoyant à plus tard des textes programmés". Le ministre a également estimé que "ce vote conduit à une nouvelle impasse législative". "De l'aveu même de la majorité sénatoriale, ce vote restera sans conséquence pour l'avenir de la réforme territoriale", a-t-il ajouté.
Dans un autre communiqué, toujours jeudi matin, les sénateurs saluaient pour leur part "un premier pas symbolique vers une nouvelle étape de la décentralisation" et ajoutaient que "cette proposition laisse toute sa place au débat à venir des états généraux de la démocratie locale organisés par le Sénat".
Pendant ce temps à Tours, où s'ouvrait le congrès de l'ARF, le président du Sénat, Jean-Pierre Bel, a été vivement applaudi par les participants lorsqu'il a annoncé le vote de la Haute Assemblée, tandis que le président de l'ARF, Alain Rousset, se félicitait de la décision des sénateurs, y voyant "un sursaut d'intelligence".

 

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