Développement urbain - Le rapport Perben dessine l'avenir des grandes métropoles
En juillet dernier, Dominique Perben, ancien ministre de l'Equipement et député du Rhône, a été chargé par le gouvernement d'une mission sur les conditions à remplir pour que les métropoles françaises "soient à la pointe de l'exigence de modernisation en termes d'attractivité et de développement durable". Après avoir mené plus de 50 auditions en France et à l'étranger, l'ancien ministre a remis son rapport au président de la République le 5 février. Les mesures contenues dans ce document visent à "renforcer la compétitivité des métropoles françaises par rapport aux grandes métropoles européennes et mondiales" et "la qualité de la vie à l'intérieur de ces villes. Neuf grandes aires urbaines sont concernées : Paris, Lyon, Marseille, Lille, Toulouse, Nice, Bordeaux, Nantes et Strasbourg.
Le rapport, qui propose d'emblée la création d'un Observatoire de la métropolisation pour éclairer le travail en commun des responsables politiques et de leurs partenaires socio-économiques, préconise notamment la mise en place de dispositions réglementaires, fiscales ou financières pour lutter contre l'étalement urbain : fixation de seuils de densité minimale, augmentation de la taxe sur le foncier non-bâti sur les terrains constructibles, mise en place d'outils fonciers, incitations financières insérées dans la dotation globale de fonctionnement et dans la dotation globale d'équipement, soutien à la gestion des territoires non urbanisés.
Autres pistes : un plan de développement de quartiers écologiques "sur le plan énergétique, des déchets, de l'intégration des espaces verts dans la ville" et la création d'un label "haute qualité urbaine" (HQU) intégrant des critères esthétiques et de qualité de vie à l'échelle de tout un secteur d'habitation (immeubles de taille moyenne, jardins, présence d'un gardien, proximité des services à la personne et des commerces, intégration des technologies de communication les plus performantes).
Côté transports, le rapport Perben souhaite le lancement d'un plan national de développement des transports collectifs comprenant des investissements structurants (tramways et métros dans les grandes agglomérations, trains et autocars dans les zones péri-urbaines, bus et autocars dans les petites agglomérations, construction de parkings en périphérie des grandes agglomérations), une incitation plus vigoureuse à la réalisation de plans de déplacements d'entreprises, d'administrations et d'établissements scolaires et, pour les déplacements interurbains, un soutien privilégié au transport ferroviaire à grande vitesse lorsqu'il est concurrence avec l'aérien. Dominique Perben plaide aussi pour le lancement d'une vaste concertation sur le péage urbain, sur la base du modèle expérimenté à Milan depuis le 2 janvier, qui consiste à ne laisser que les véhicules les moins polluants accéder gratuitement au centre-ville.
Gouvernance et finances au menu
Même si cela ne constituait a priori pas le coeur de son sujet, Dominique Perben ne pouvait éluder la question de la "gouvernance" des "métropoles d'avenir" qu'il appelle de ses voeux. Et parce que gouvernance rime souvent avec finances, son opus aborde également la question des ressources budgétaires des agglomérations, avec une proposition clef en partie inspirée du rapport Fouquet de 2004 : le remplacement de la taxe professionnelle par "un nouvel impôt local ne frappant plus directement l'investissement mais prenant en compte chiffre d'affaires, valeur ajouté, excédent brut d'exploitation et résultat net". Pour l'ancien ministre, l'actuelle TP est en effet source de "déséquilibres entre les collectivités" et représente un handicap en termes de compétitivité internationale. "L'attractivité des métropoles françaises passera aussi par leur attractivité fiscale", conclut-il sur ce point.
Quant à une meilleure gouvernance métropolitaine, celle-ci passerait notamment par une contractualisation renforcée entre Etat et grandes métropoles, en s'inspirant notamment de la conférence métropolitaine lancée en juillet 2006 pour l'agglomération parisienne et en prévoyant la conclusion de contrats d'objectifs de dix ans.
S'attaquant lui aussi à "l'accumulation de tous ces niveaux d'administration et de gestion territoriale" - qui suscite décidément beaucoup de travaux actuellement -, Dominique Perben reprend à son compte une proposition de loi déposée le 29 janvier à l'Assemblée par François Mancel en proposant, "à titre exceptionnel dans les zones les plus urbanisées", l'élection de "conseillers territoriaux" siégeant à la fois au département et à la région "en fonction des sujets traités".
Enfin, le rapport plaide pour un élargissement du périmètre géographique des intercommunalités (la communauté urbaine de Lyon pourrait regrouper 150 communes au lieu de 50 aujourd'hui...). Et se prononce en faveur de l'élection au suffrage universel des présidents de communautés urbaines et communautés d'agglomération de plus de 500.000 habitants, y voyant "le seul moyen de concilier la mise en place d'une vraie légitimité politique de la métropole et le respect de la réalité communale".
Les maires des grandes villes s'interrogent
Tout en se félicitant que le rapport Perben reconnaisse la nécessité de mieux prendre en compte le "fait urbain" dans les politiques publiques, l'Association des maires de grandes villes de France (AMGVF) a regretté, dans un communiqué, "l'absence de toute dimension sociale, pourtant indissociable des questions d'urbanisation". Selon elle, certaines mesures comme l'évolution de la taxe professionnelle ou le renforcement de la contractualisation Etat-grandes métropoles "constituent des pistes significatives". Mais elle estime que d'autres auraient mérité une étude plus approfondie. Sur la question des déplacements en particulier, elle rappelle la nécessité de "donner la priorité aux transports collectifs afin de lutter efficacement contre les émission de gaz à effet de serre". A propos du péage urbain, les élus estiment que la taxation de la circulation routière existe déjà à travers la taxe intérieure sur les produits pétroliers (TIPP). Le président de l'AMGVF, Michel Destot, milite d'ailleurs depuis plusieurs années pour une affectation partielle de cette taxe au développement des transports publics.
Anne Lenormand et Claire Mallet