Le programme du nouveau président : quelques points saillants pour les collectivités
"Je pense que la priorité du pays, c'est la réforme économique et sociale, sa modernisation et je concentrerai l'énergie du gouvernement et du Parlement plutôt sur ces sujets", avait déclaré Emmanuel Macron début mars lors de son grand oral devant les présidents de département. Il semble effectivement avoir placé l'économie au coeur de son programme et a à ce titre placé en première ligne une série de réformes touchant aux entreprises et aux finances publiques.
En matière de finances publiques, il s'est notamment engagé à ramener le déficit public sous la barre des 3% du PIB dès 2017, conformément aux engagements pris par François Hollande. L'ancien ministre de l'Economie, qui a annoncé un plan d'investissement de 50 milliards d'euros en cinq ans - dont 10 milliards "pourront aller aux collectivités au titre des différentes finalités du plan" -, ne prévoit pas de budget rectificatif avant l'automne. "On ne fera pas de feu de joie pendant l'été", a prévenu son entourage. Cette ligne budgétaire sera poursuivie jusqu'en 2022, Emmanuel Macron ayant promis de ramener le déficit à 1% du PIB et la dette à 93,2% du PIB (contre 96% actuellement) d'ici la fin du quinquennat. Il prévoit une baisse des dépenses publiques de 60 milliards en cinq ans.
Les collectivités prendront part à cette baisse des dépenses publiques : non par une "baisse unilatérale des dotations", mais par un engagement des collectivités à "réduire leurs dépenses de fonctionnement de 10 milliards d'euros sur le quinquennat" en échange d'un "certain nombre de leviers" : "assouplissement des contraintes de gestion des ressources humaines, déconnexion avec l'évolution des rémunérations de l'Etat, allègement des normes...". Définis dans le cadre d'un "pacte de confiance" devant être conclu avec les représentants des collectivités "dès la fin de l'été", ces engagements de réduction de dépenses "seront évalués" au sein d'une "conférence territoriale" qui se tiendra chaque semestre.
Sur le terrain des entreprises et de leur compétitivité, Emmanuel Macron, qui a promis de simplifier leurs obligations administratives, prévoit de ramener le taux de l'impôt sur les sociétés de 33,3% à 25%, de façon progressive d'ici à 2022. Point sensible de son programme, il entend "simplifier" par ordonnances le droit du travail en donnant la priorité à l'accord d'entreprise pour fixer la durée du travail, et en encadrant le montant des dommages et intérêts accordés par les prud'hommes pour licenciement. Il s'est engagé à transformer dès 2018 le crédit d'impôt compétitivité emploi (Cice) en allègement de charges pérenne, de dix points pour les salaires au niveau du Smic et de six points sur les salaires allant jusqu'à 2,5 Smic. Aux ZFU / territoires entrepreneurs seraient préférés les "emplois francs" avec exonération de charges pour les entreprises embauchant des personnes des QPV sans emploi.
Les cotisations chômage et maladie payées par les salariés seraient supprimées pour être remplacées par une hausse de 1,7 point de la contribution sociale généralisée (CSG) - mettant ainsi à contribution la majorité des retraités. Ce système universel d'assurance-chômage financé par l'impôt serait par conséquent piloté par l'Etat. Et bénéficierait y compris aux non-salariés. "Qu'est-ce qui fait aujourd'hui que vous n'êtes pas couverts et que vous ne bénéficiez pas de l'assurance chômage quand vous êtes un agriculteur, un commerçant, un artisan, un entrepreneur ? Il n'y a pas de justice à que ce ne soit que les salariés", a expliqué Emmanuel Macron, ajoutant : "Aujourd'hui, nous faisons payer par le travail un risque qui ne dépend pas et qui n'est plus uniquement lié aux salariés. Donc, je l'universalise. Ce faisant, j'ouvre le droit beaucoup plus largement." Mais "la contrepartie de cela, c'est que ce n'est plus un droit sur lequel vous avez accumulé la possibilité de rester à l'assurance parce que vous avez vous-mêmes cotisé. C'est un élément de solidarité nationale qui est financé par l'impôt. Donc, il implique des droits et des devoirs". Côté devoirs, suite à un bilan de compétence, "si des offres décentes d'emploi existent, vous pouvez en refuser deux, ensuite, vous perdez vos droits". Et "s'il n'y a pas d'offres décentes dans votre territoire, il y a une aide à la mobilité qui est apportée pour pouvoir accéder à cette offre dans un autre territoire".
En termes de fiscalité, pour soutenir les entreprises, Emmanuel Macron a prévu de transformer l'impôt sur la fortune (ISF) en impôt sur "la rente immobilière", excluant le patrimoine financier et mobilier. Un prélèvement unique sur les revenus du capital, de l'ordre de 30%, est prévu. Emmanuel Macron devra décider rapidement du sort du prélèvement à la source. Il souhaite expérimenter la mesure pendant un an avant de la valider, mais cette proposition se heurte à des contraintes techniques.
Mais les élus locaux ont évidemment retenu avant tout que le président élu dimanche a prévu une exonération de la taxe d'habitation pour 80% des foyers. Le coût de cette mesure est estimé à 10 milliards d'euros. La réforme doit se faire de façon progressive, avec un premier palier en 2018 et deux autres étapes en 2019 et 2020. "La mesure n'affectera pas le budget des collectivités : l'Etat compensera, à l'euro près", a assuré Emmanuel Macron, tout en précisant que "les maires conserveront leurs pleins pouvoirs de taux, mais avec un principe : les éventuelles augmentations ne seront pas prises en charge par l'Etat". Selon lui, "l'autonomie financière et fiscale des collectivités territoriales sera parfaitement garantie". On connaît toutefois la large hostilité des maires face à cette proposition – ils l'avaient notamment fait entendre lors de leur audition des candidats le 22 mars dernier. Dans ses réponses à un questionnaire adressé à tous les candidats à l'élection présidentielle par l'Assemblée des communautés de France (ADCF), Emmanuel Macron a par ailleurs considéré qu'une fois 80% des ménages exonérés de taxe d'habitation, "la question des gagnants et des perdants de la révision des valeurs locatives se posera avec beaucoup moins de force" et que l'on pourra alors "avancer plus facilement sur le sujet".
La suppression de 120.000 postes de fonctionnaires a été évoquée. Avec "un objectif de non remplacement de 70.000 postes d'agents publics dans le bloc local, soit "une baisse d'un peu plus de 3% des effectifs" sur cinq ans. Concernant la fonction publique territoriale, Emmanuel Macron entend "délier les collectivités de l'obligation de suivre les évolutions de rémunération de la fonction publique d'Etat" et faciliter les recrutements sous contrat "sans pour autant revenir sur le statut".
Si la transition écologique et énergétique n'a pas été un axe fort de sa campagne, Emmanuel Macron, dit vouloir consacrer à cet enjeu 15 milliards d'euros sur cinq ans. Il a promis de fermer les centrales à charbon, de doubler les capacités de l'éolien et du solaire, et de rénover un million de logements mal isolés grâce notamment au versement d'une prime au début des travaux. Sur le nucléaire, il soutient la fermeture de la centrale de Fessenheim et l'objectif d'une baisse de la part du nucléaire à 50% de la consommation d'électricité, mais s'en remet à l'Autorité de sûreté nucléaire pour le devenir de chaque réacteur. Une prime de 1.000 euros pour l'achat d'un véhicule propre neuf ou d'occasion sera mise en place et l'alignement de la fiscalité du diesel sur celle de l'essence sera achevé en 2022. D'ici 2022, 50% d'aliments bio ou "écologiques" seraient servis dans les cantines scolaires ou d'entreprises.
En matière d'alimentation et d'agriculture, on saura en outre qu'Emmanuel Macron a proposé d'organiser "dès l'été" un "Grenelle de l'alimentation" pour redonner de la valeur aux produits agricoles. Il prévoit de lancer un plan de transformation agricole de cinq milliards d'euros sur cinq ans pour moderniser les exploitations ayant un impact positif sur l'environnement et de développer les circuits-courts. Il aura aussi à préciser dès cet été la position de la France, la future PAC devant être renégociée d'ici 2020.
Sur le volet des allocations sociales, Emmanuel Macron avait eu l'occasion de faire savoir aux départements qu'il souhaite "dès l'été" rouvrir avec eux une concertation sur la recentralisation du financement du RSA. Autres engagements : une hausse de la prime d'activité de 50%, une revalorisation de l'AAH de 100 euros par mois, la création d'un versement social unique regroupant plusieurs minima sociaux, un élargissement de la garantie jeunes à une cible de 200.000 jeunes.
En matière d'éducation, la mesure la plus souvent mise en avant a été le fait de limiter les effectifs à douze élèves par classe en CP-CE1 en REP, étant précisé que "l'Etat devra également participer à la construction de classes et d'écoles nouvelles". Dans ces mêmes quartiers prioritaire, la prime des enseignants serait portée à 3.000 euros par an. Une plus grande autonomie des établissements scolaires et universitaires pour le recrutement est par ailleurs souhaitée. Enfin, les collectivités seront libres de poursuivre ou d'arrêter la mise en œuvre de la réforme des rythmes scolaires et “d'organiser le temps périscolaire sans contrainte”.
S'agissant d'éventuelles réformes institutionnelles touchant directement les collectivités, on sait qu'Emmanuel Macron ne prévoit pas de grande réforme, ni de remise à plat des dernières lois de réforme territoriale. Les seules évolutions évoquées concerneraient en fait les métropoles – pas toutes les métropoles telles qu'aujourd'hui reconnues par la loi, mais les "vraies" grandes métropoles. Il s'agirait, à terme, de laisser ces métropoles absorber les attributions des départements, un peu sur le modèle de Lyon. Pour, in fine, conduire à la disparition des départements concernés. Avec un objectif de réduction d'un quart du nombre de départements d'ici 2022. De même, la seule modification envisagée sur les modes de scrutins pourrait être – au conditionnel – l'instauration du suffrage universel direct pour les métropoles.
Enfin, pour ce qui est des questions d'aménagement du territoire et d'infrastructures, l'équipe d'Emmanuel Macron avait résumé les choses en ces termes dans sa réponse à l'ADCF : "Nous ne voulons pas nous concentrer sur les grands projets d'infrastructures, qui souvent ne voient jamais le jour, et répondre rapidement aux besoins de proximité et de mobilité les plus urgents de chaque territoire. Concrètement, il s'agit par exemple de mieux relier la ville moyenne à la grande métropole en accroissant le cadencement des trains. Autre possibilité, dans les zones rurales : améliorer l'accessibilité de tous les bassins de vie en passant par exemple une route en deux fois deux voies. Enfin, en matière d'infrastructures numériques, nous voulons supprimer les zones blanches et garantir un accès très haut débit fixe ou mobile dans 100% des communes en 2022." Devant les élus départementaux, il avait là encore insisté sur sa volonté de "soutenir la modernisation des transports dans une logique d'appui au développement de nouveaux services plutôt qu'une logique de grands plans d'infrastructure non financés".