Le pouvoir de sanction de l'Arcep contesté, les collectivités inquiètes
Estimant que l'autorité de régulation est à la fois juge et partie, Orange a déposé une question prioritaire de constitutionnalité. Une procédure qui inquiète l'Avicca car, si elle aboutissait, elle pourrait annihiler (temporairement) le pouvoir de sanction de l'Arcep et l'empêcher de jouer son rôle de gendarme dans les dossiers couverture mobile comme Ftth.
Orange a saisi le Conseil d'Etat le jeudi 29 août d'une question prioritaire de constitutionnalité (QPC) concernant l'Arcep. L'opérateur s'en prend à l'organisation de l'autorité qui enfreindrait, selon lui, les principes de séparation des pouvoirs et d'impartialité garantis par la Constitution. En clair, le régulateur est accusé d'être juge et partie. Il faut dire que les opérateurs, et plus particulièrement l'opérateur historique, sont de plus en plus contrôlés par l'Arcep avec potentiellement de lourdes sanctions financières à leur encontre. Ainsi, au cours des 12 derniers mois, Orange a été mis en demeure pour avoir failli à ses obligations de service universel sur le téléphone fixe, pour n'avoir pas respecté une qualité de service sur les offres de gros à destination des entreprises ou encore ses engagements sur le déploiement de la fibre en zone Amii. Dernier épisode en date : la couverture 4G dans le cadre du New deal mobile. Selon l'édition des Echos datée du 30 juillet, les quatre opérateurs auraient fait l'objet d'une "mise en demeure anticipée", le régulateur n'étant pas satisfait du rythme actuel des déploiements. Une procédure qui permettrait à l'autorité d'enclencher plus rapidement des sanctions si jamais les objectifs contractuels n'étaient pas atteints en 2020.
Le fâcheux précédent de 2013
Plus précisément, la QPC que vient de déposer Orange s'attaque à une décision de l'autorité datée du 18 décembre 2018 concernant les offres professionnelles, l'opérateur Orange trustant la majorité du marché. Orange estime que les trois branches de l'autorité, l'une ayant pour mission d’édicter des règles concurrentielles, l'autre de les contrôler et la dernière de sanctionner, ne seraient pas suffisamment étanches entre elles. Le Conseil d'Etat doit désormais examiner la validité de la requête avant de la transmettre au Conseil constitutionnel qui disposera alors de trois mois pour trancher. Or, il existe un fâcheux précédent en la matière. En février 2013, Numéricâble, devenu depuis SFR/Altice, avait en effet saisi le Conseil d'Etat d'une QPC pour contester l'amende de 5 millions d’euros infligée par l’Arcep en décembre 2011. Cinq mois plus tard, le Conseil constitutionnel avait tranché en faveur de l'opérateur, annihilant de fait le pouvoir de sanction de l’Arcep. Celui-ci n'avait été rétabli par ordonnance qu'en août 2014.
L'Arcep et l'Avicca inquiètes
Du côté du régulateur, son président Sébastien Soriano a confié aux Echos être "extrêmement perturbé par une procédure qui ne peut avoir pour objectif que de déstabiliser l'Arcep". Même son de cloche du côté de l'Avicca qui rappelle que "sans pouvoir de sanction, plus aucune contrainte ne pèserait sur l'ensemble des opérateurs s'agissant de l'achèvement de la couverture FttH de la zone Amii, de la complétude des déploiements, de la bonne mise en œuvre du New deal mobile, du respect du service universel..." Cette affaire conforte également l'association dans ses doutes sur la solidité juridique des "engagements L33-13" des opérateurs. Dernier exemple en date, celui des Amel où le gouvernement n'a cessé de brandir cet article du CPCE comme "une garantie contre tout risque de non-respect des engagements des opérateurs". Du reste, elle note que comme par hasard, cette QPC intervient juste après le bouclage des Amel, empêchant tout retour en arrière pour les collectivités concernées. Or si jamais le Conseil constitutionnel donne raison à Orange, la première conséquence sera de couper court à toutes les procédures de sanction de l'autorité pour l'ensemble des opérateurs. Et si ce pouvoir de sanction finira bien par être rétabli, il reste à savoir quand, l'Avicca évoquant la date de 2022. Un délai qui pourrait singulièrement mettre à mal l'agenda gouvernemental du très haut débit.
La procédure 5G contestée
Décidément le régulateur est dans le viseur des opérateurs. Free et Bouygues Telecom contestent en effet les règles retenues par le régulateur pour l'allocation des fréquences 5G. En cause ? le système d'enchères par pallier qui favoriserait SFR et Orange, plus à même de mettre la main au portefeuille pour rafler la mise. Pour équilibrer le jeu, ils réclament que le quota minimum de fréquences à prix fixe, alloué avant les enchères, soit plus important. Bouygues Telecom remet également en cause les obligations de couverture en zone rurale estimant que la 5G concerne avant tout les entreprises.