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Logement / Economie - "Le modèle français de l'épargne réglementée est plus fort que jamais"

Ouvert par Eric Lombard, directeur général de la Caisse des Dépôts, et clôturé par Bruno Le Maire, ministre de l'Economie et des Finances, un colloque intitulé "De l'épargne aux territoires", qui s'est tenu ce 2 octobre, a été l'occasion de faire œuvre de pédagogie autour de l'utilité du modèle unique de transformation de l'épargne réglementée en faveur du logement social et de l'investissement de long terme.

Initiative inédite, le 2 octobre, dans les locaux de la Caisse des Dépôts avec l'organisation du colloque "De l'épargne aux territoires", ouvert par Éric Lombard, le directeur général, et clôturé par Bruno Le Maire, le ministre de l'Économie et des Finances. L'occasion d'une réflexion sur le modèle unique de transformation de la Caisse des Dépôts, dans un environnement marqué par une probable persistance des taux bas, voire négatifs. Une opportunité aussi pour engager un travail de pédagogie. Car, comme l'a rappelé Éric Lombard, "55 millions de Français possèdent un livret d'épargne réglementée – livret A, livret de développement durable ou livret d'épargne populaire – et pratiquement aucun ne sait l'utilisation faite de l'argent qu'ils y déposent...".

Un modèle unique de transformation

Dans son introduction, le directeur général de la Caisse des Dépôts a expliqué que l'épargne réglementée n'a jamais été aussi populaire : sur les huit premiers mois de 2019, la collecte nette a progressé de 14,8 milliards d'euros, soit une hausse de 4,7%. Il est vrai que cette épargne répond à trois critères qui n'existent pas ailleurs sur le marché : la sécurité (grâce à la garantie de l'État), la liquidité et la neutralité fiscale. Ce modèle unique au monde – les interventions de Livio Cassoli, responsable gestion et investissement à la Cassa Depositi e Prestiti, et d'Helmut von Glasenapp, secrétaire général de l'Association européenne des investisseurs de long terme (AEILT), l'ont confirmé – permet de transformer une épargne liquide en prêts d'une durée moyenne de 35 ans, avec des maturités pouvant même aller jusqu'à 80 ans.

Le premier emploi du Fonds d'épargne (85%) est le financement du logement social et de la politique de la ville, qui représentait un encours de 165 milliards d'euros à fin août et apporte chaque année environ 15 milliards d'euros aux bailleurs sociaux. Le second emploi (15%) est le financement du secteur public local. C'était même le seul emploi à la création de la Caisse des Dépôts en 1816 – la première grande opération financée ayant porté sur l'aménagement du port de Dunkerque – avant que le logement social prenne le relais à partir de 1908. Le reste de la collecte de l'épargne réglementée est investi sur les marchés, dont une part importante sur les actions d'entreprises françaises.

Cette permanence des emplois n'empêche pas la Caisse des Dépôts d'innover très régulièrement. Son directeur général a ainsi cité trois dispositifs très récents destinés au financement du secteur public local sur des durées très longues : Aqua prêt (deux milliards d'euros pour financer les réseaux d'assainissement), Mobi prêt (même montant pour les mobilités durables) ou encore Edu prêt (un milliard d'euros pour les équipements scolaires).

Livret A : "pas d'inflexion majeure sur le comportement des épargnants"

Comme il l'avait fait au récent congrès de l'USH, Éric Lombard a rappelé que le modèle vertueux de la Caisse est aujourd'hui mis sous pression par des taux durablement bas. Avec des OAT (obligations assimilables du Trésor) à -0,3% par an sur dix ans, financer le logement social à des conditions attractives avec un livret A rémunéré à 0,75% constitue un défi que la Caisse des Dépôts a su relever. La nouvelle formule de calcul, qui s'appliquera au début de 2020, est néanmoins bienvenue, avec un taux qui devrait se situer au plancher garanti de 0,5%, et ce pour plusieurs années.

Pour autant, Éric Lombard se dit certain qu'"il n'y aura pas d'inflexion majeure sur le comportement des épargnants". Deux raisons expliquent cette certitude. D'une part, la concurrence propose des rémunérations le plus souvent inférieures. D'autre part, pour un montant moyen des livrets de 4.800 euros, le passage de 0,75% à 0,50% représente seulement une baisse d'un euro par mois. En revanche, cette nouvelle formule de calcul représentera, en année pleine, une économie de charges de 317 millions d'euros pour les organismes de logement social.

Le gonflement stérile des dépôts à vue

Les débats ont ensuite été organisés en quatre tables rondes, traitant de deux grands thèmes ; l'épargne utile et les attentes des Français, d'une part ; l'épargne au service des investissements de long terme d'autre part. Yann Tampereau, chef économiste de la Caisse des Dépôts, a rappelé quelques chiffres : l'épargne des Français représente 12.758 milliards d'euros, soit neuf années de revenus et un taux d'épargne de 15%, dont 10% en remboursements d'emprunts et 5% en épargne financière. Il a insisté sur l'aversion des Français pour le risque et a rappelé que les taux bas actuels gonflent les dépôts à vue, faute d'opportunités. Ceux-ci sont passés de 380 à 576 milliards d'euros entre 2014 et 2019, soit une progression de 52% contre 6% pour l'épargne réglementée. Or il s'agit d'un argent très largement stérile pour l'économie.

Lors des deux premières tables rondes sur les attentes des Français et l'épargne utile, Jacques Savatier, député (LREM) de la Vienne et membre de la commission de surveillance de la Caisse des Dépôts, est revenu sur l'appétence forte des Français sur l'épargne et a rappelé que trois des dix milliards du "plan Macron", après la crise des gilets jaunes, ont finalement été épargnés. Il a insisté sur la nécessité de mieux expliquer aux Français les mécanismes financiers et l'environnement de taux bas, et juge nécessaire de poser la question de la doctrine d'emploi, avec une possible ouverture vers le financement de grandes infrastructures.

"C'est de la magie !"

Pour sa part, Marianne Laurent, directrice des prêts à la Banque des Territoires a souligné les principaux avantages du modèle de transformation de la Caisse des Dépôts : des taux d'intérêt identiques pour tous les organismes de logement social (les taux sont déterminés par les caractéristiques du projet. ils bénéficient d'une bonification sociale ou environnementale) grâce notamment aux garanties des collectivités locales qui permettent de mutualiser les risques de crédit et de servir ainsi  de façon identique tous les territoires, des prêts pouvant aller entre 50 et 80 ans (pour le foncier), une grande transparence sur l'emploi des fonds, ou encore une offre de liquidités "quasiment illimitée" pour les bailleurs sociaux., ces financements n'étant pas contingentés par des enveloppes.

Des avantages confirmés par Odile Renaud-Basso, la directrice générale du Trésor. Celle-ci a rappelé aussi les évolutions rapides et la capacité d'adaptation de la Caisse des Dépôts dans le financement du secteur public local. Longtemps assez marginal et centré sur quelques projets de type PPP, celui-ci s'est fortement développé avec la crise financière, quand les banques ne voulaient plus prêter et que Dexia s'est retiré du marché. Il revient aujourd'hui à un étiage moins important, du fait des conditions de taux proposées aux collectivités par le secteur bancaire.

Mais le soutien le plus enthousiaste sur le modèle français de financement du logement social est venu de Jacques Wolfrom, directeur général du Groupe Arcade-VYV. Grâce au Fonds d'épargne, "le secteur ne se pose pas la question de savoir comment il va être financé. C'est une force collective". Mieux, "c'est de la magie. On prend des dépôts liquides et ça donne des prêts à 80 ans !".

L'Europe en retard sur l'investissement de long terme

Les deux autres tables rondes, à vocation plus financière, portaient sur l'épargne au service d'investissements de long terme. Denis Beau, sous-gouverneur de la Banque de France, s'est attardé sur les évolutions du modèle de gouvernance de la Caisse des Dépôts qui, dans le cadre de la loi Pacte du 22 mai 2019, va entrer dans le périmètre de l'Autorité de contrôle prudentiel et de résolution (ACPR), organe de supervision français de la banque et de l'assurance, tout en conservant, bien sûr, le rôle du Parlement à travers la commission de surveillance. Pour sa part, François-Louis Ricard, directeur financier du Fonds d'épargne de la Caisse des Dépôts, a détaillé les engagements – depuis plus de vingt ans – et les actions très concrètes en faveur de l'investissement responsable.

Enfin, Olivier Mareuse, directeur des gestions d’actifs et directeur du Fonds d’épargne de la Caisse des Dépôts, et Gérard de La Martinière, président de la Task Force ILT (Investissement de long terme) de la place financière de Paris, sont revenus sur la nécessité de développer l'investissement de long terme en faveur de l'économie. Un domaine dans lequel l'Europe est en retard sur tous les autres grands acteurs, malgré une épargne abondante. Pour Gérard de La Martinière, la crise de 2008 a poussé à revoir toutes les régulations pour se mettre à l'abri d'une nouvelle crise des liquidités, mais rien n'a été vraiment fait pour l'investissement de long terme.

Mieux expliquer aux Français d'utilisation des fonds d'épargne

Il est revenu à Sophie Errante, députée (LREM) de Loire-Atlantique et présidente de la commission de surveillance de la Caisse des Dépôts, de conclure ces tables rondes. Elle a, elle aussi, insisté sur la nécessité de mieux expliquer aux Français l'utilisation du Fonds d'épargne, notamment dans la perspective du nouveau modèle de fixation du taux du livret A.

Mais elle a également indiqué que la commission de surveillance, à l'origine de ce colloque, souhaite "engager une réflexion" sur l'utilisation du Fonds d'épargne et l'élargissement de ses emplois au bénéfice de la réduction des fractures territoriales.

"Un modèle efficace et juste"

Venu conclure le colloque, Bruno Le Maire a réaffirmé que la Caisse des Dépôts est "une des briques essentielles du modèle économique, social et financier français" et que l'épargne populaire est un levier décisif du financement du logement social et du développement des territoires. Pour le ministre de l'Économie et des Finances, "le modèle français de l'épargne réglementée est plus fort que jamais". C'est un modèle efficace et juste, qu'il faut conforter, mais qu'il faut aussi faire évoluer en regardant "comment on peut diversifier les emplois du Fonds d'épargne". Il a cité plusieurs exemples de ces adaptations, comme Mobi prêt, Edu-prêt, la mise en place d'une enveloppe utilisable en cas de catastrophe naturelle, ou encore l'orientation vers la finance verte, comme c'est désormais le cas pour 100% des ressources du LDDS.

La pérennité de ce modèle suppose une Caisse des Dépôts forte, grâce à la modernisation de la gouvernance et de la supervision prévue par la loi Pacte. Mais, au-delà, Bruno Le Maire souhaite aussi l'émergence d'un pôle financier public, associant différents acteurs comme La Poste et la CNP et représentant ainsi plus de mille milliards d'actifs.

Sur l'investissement de long terme, le ministre a confirmé la nécessité de mieux orienter l'épargne réglementée vers l'économie. Il est revenu sur la "révolution" du nouveau plan d'épargne retraite, qui se substitue aux nombreux dispositifs existants, avec des objectifs de simplicité, de liberté de sortie, de justice et d'attractivité (grâce à l'avantage fiscal). L'ambition de ce nouveau dispositif est de passer de 230 à 300 milliards d'euros d'encours d'ici à 2022. Au titre des innovations, Bruno Le Maire a également cité le PEA PME, le PEA jeunes et le Fonds Eurocroissance, véritable alternative aux fonds en euros. Le tout avec un objectif unique : "permettre de réorienter des dizaines de milliards d'euros vers le financement de l'économie".

 

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