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Réforme de l'Etat - Le Lot préfigure l'Etat déconcentré de demain

Le Lot a été choisi pour expérimenter une vaste réorganisation des services de l'Etat au niveau départemental. Ce projet pilote suit son cours, autour de trois directions générales. Premier bilan avec le préfet Georges Geoffret, juste avant qu'il ne quitte le Lot pour l'Aveyron.

Localtis.info : Pourquoi le Lot a-t-il été choisi pour mener ce projet ?

Georges Geoffret :   Fin 2004, le Premier ministre a demandé aux préfets de faire remonter à l'administration centrale des projets de réforme des services territoriaux de l'Etat. De l'ensemble des propositions retenues, la plupart portait sur la mise en oeuvre de dispositifs de mutualisation sur des domaines spécifiques : pôles de compétences, missions interservices, guichets uniques, délégations interservices... La proposition du Lot, faite en commun avec le Tarn et le Tarn-et-Garonne, était plus ambitieuse puisqu'elle envisageait d'aller vers une restructuration novatrice de l'ensemble des services de l'Etat au niveau départemental. Le Lot a donc été choisi pour construire cette expérimentation. Avec ses administrations et des acteurs locaux très impliqués, ainsi qu'un contexte socio-économique stable, le Lot était le terrain idéal pour mettre en place une réforme de cette envergure.

Quels sont les objectifs du projet ?

Les grandes réformes de la décentralisation ont amené au renforcement de la responsabilisation des pouvoirs publics locaux et à un changement de l'action de l'Etat à l'échelon déconcentré. Notamment parce que l'Etat a transféré sa capacité d'intervention directe, son action est moins lisible et son rôle est perçu, à tort, comme un simple financeur des actions décentralisées. Par ailleurs, la segmentation des administrations a conduit à la superposition des tâches et à la dispersion de moyens dans des domaines analogues, ainsi qu'à une multiplication de métiers communs exercés par des fonctionnaires aux statuts les plus différents. Dans un tel contexte, une restructuration globale des services de l'Etat dans le département était nécessaire puisque les citoyens, ainsi que les élus, attendent beaucoup de l'Etat. L'objectif de cette réforme est donc de rendre l'Etat plus performant. Pour cela, l'Etat départemental doit rationaliser son organisation, promouvoir un gain en productivité, accroître son efficacité et renforcer son unité, sa cohérence et sa lisibilité vis-à-vis des citoyens.

Pouvez-vous me décrire la nouvelle organisation attendue ?

Pour créer cette nouvelle organisation, la méthode choisie a consisté à analyser les missions et à les hiérarchiser dans une approche thématique : le territoire, la population, la sécurité des biens et des personnes. En suivant cette logique et en fonction des missions que ses services doivent mettre en oeuvre, un organigramme mieux adapté a été élaboré. Dans cette nouvelle configuration, l'idée directrice a été de construire trois directions générales de nature opérationnelle. A ces trois directions opérationnelles s'ajoutent deux autres directions fonctionnelles, à savoir une direction générale des ressources humaines et de la logistique et une direction du management stratégique et des collectivités locales.

Au-delà de ce nouvel organigramme, la réforme se traduit-elle par des changements sur le terrain et dans les méthodes de travail ?

Les nouvelles directions générales opérationnelles constituent des structures mieux dimensionnées, fondées sur des missions transversales et des services complètement redéfinis. Au sein de ces directions, on mutualise les services, les compétences et le savoir-faire, les moyens, les locaux. Puisqu'il s'agit d'une logique transversale, les frontières entre les services se diluent au profit d'une équipe d'Etat.
Jusqu'à présent, si l'usager avait besoin d'un service dans le domaine de l'eau, par exemple, il devait souvent se déplacer à la Ddass, à la Ddaf, à la DDE. Dans l'organisation actuelle, tous ces services se trouvent réunis au sein de la DG Territoire. De même, en ce qui concerne l'insertion sociale, l'usager ayant besoin d'un service était parfois amené à se déplacer à gauche et à droite pour joindre la préfecture, la Ddass, la DDTEFP, la DDJS. Désormais, il suffira de s'adresser à la DG Population qui rassemblera tous ces services.
Par ailleurs, la direction de soutien logistique (direction générale des ressources humaines et de la logistique) rassemblera toutes les tâches administratives courantes éparpillées dans les services de l'Etat. Elle aura vocation à agir comme prestataire pour le compte des autres directions. Au-delà des économies d'échelle, les services pourront libérer leurs personnels des tâches de gestion redondantes et les consacrer pleinement à leur missions, à l'assistance aux usagers, au conseil et au soutien aux élus locaux.

A quelle date cette nouvelle organisation prendra-t-elle effet ?

La réforme dans le Lot est en cours et se déroule sur trois ans puisque l'Etat se dote actuellement des moyens nécessaires pour la rendre effective - dialogue social, conception et structuration des nouveaux services, démarches juridiques et budgétaires, redéploiement immobilier... Le second semestre de 2007 doit permettre sa mise en oeuvre concrète. En 2008, un bilan sera établi.

Quelles étapes ont-elles déjà été franchies ? Que reste-t-il à réaliser ?

Au-delà du succès de la fusion des services de la DDE et de la Ddaf dans le Lot au 1er janvier dernier, les travaux concernant l'expérimentation menés ont à ce jour déjà permis de structurer deux des trois DG opérationnelles : celles du Territoire et de la Population.
La DG Population comprend quatre services : "Insertion des populations", "Offre de santé", "Développement de l'emploi et insertion professionnelle", "Vie associative et éducation citoyenne". Et elle regroupe quatre missions : "Mission accueil général du public", "Mission de coordination", "Mission égalité entre les hommes et les femmes", "Mission délivrance des titres".
Il en va de même pour la DG Territoire, qui comprendra cinq services : "Agriculture et développement", "Santé animale et sécurité alimentaire", "Environnement et risques", "Aménagement de l'espace et du paysage", "Ingénierie d'appui territorial". Ses cinq missions transversales seront intitulées "Mission développement durable", "Mission système d'information des territoires", "Mission qualité architecturale et urbanisme", "Mission sécurité routière", "Mission conseil en gestion et management".
Pour s'occuper de la structuration respectivement de la DG Logistique et de la DG Stratégie, deux groupes de travail et deux "groupes miroirs" composés des représentants des syndicats ont été créés ce début d'année.
En ce qui concerne la DG des ressources Humaines et de la logistique, le but est de faire émerger des propositions quant à la gestion des ressources humaines, la gestion des fonctions budgétaires et comptables, l'immobilier et la logistique, l'informatique et les systèmes d'information, dans le souci d'avancer vers une mutualisation la plus poussée possible.
Concernant la DG Stratégie et collectivités locales, les propositions doivent porter sur des thèmes relatifs à la coordination interministérielle, la cohérence de l'action territoriale de l'Etat, le suivi opérationnel de la Lolf, la veille juridique, le contrôle de gestion d'une part et, d'autre part, le contrôle de légalité, le contrôle budgétaire, le conseil juridique aux élus, l'assistance aux porteurs de projets, le suivi des fonds d'intervention de l'Etat, l'intelligence territoriale et le développement économique des collectivités locales. Le résultat de leur travail sera intégré aux démarches de la réforme dès juillet prochain.

Combien d'agents sont-ils concernés par le projet ?

Cette réforme concernera environ 550 fonctionnaires issus des services placés sous l'autorité directe du préfet : la préfecture et les deux sous-préfectures, les services déconcentrés départementaux à savoir DDE, Ddaf, Ddass, DDTEFP, DDJS, Sdap, DDSV. Les forces de sécurité y seront aussi bientôt engagées en qualité de services associés : DDSP, RG, gendarmerie et Sdis.

Cette réforme conduit-elle enfin à un redéploiement des effectifs ?

Oui. Au sein de ces services de la nouvelle DG Population par exemple, sont regroupés des agents de la Ddass, de la DDTEFP, de la DDJS et de la préfecture. Pour la DG Territoire, les agents seront issus de l'ex-DDE, de l'ex-Ddaf, du Sdap, de la DDSV et de la préfecture.
Dans cette nouvelle configuration, les directions départementales n'existent plus en tant que telles, mais les agents gardent leurs statuts et leur appartenance à leur corps et ministère d'origine.

Quelles sont les principales difficultés ?

La réforme engagée dans le Lot constitue une action innovante, pas seulement dans son étendue mais également par sa méthode. C'est en effet la première fois qu'une réforme de cette envergure n'émanera pas du niveau central mais viendra de l'échelon territorial. En tant que réforme conduite par et sur le terrain, la difficulté majeure est de rompre avec les schémas d'organisation traditionnels, marqués par une approche bureaucratique, verticale et segmentaire des services. Une autre difficulté qui en découle concerne le manque de souplesse des procédures réglementaires de gestion des moyens en personnel ou financiers. Enfin, il faut développer une nouvelle forme de management des personnels basé sur la performance réalisée et la mobilité.

Propos recueillis par Thomas Beurey / Projets publics

 

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