Etablissements - Le Conseil d'Etat annule le décret sur la tarification des lieux de vie
Après s'être développés dans le plus grand flou juridique, les lieux de vie et d'accueil pensaient avoir trouvé un cadre juridique avec le décret du 23 décembre 2004 relatif aux conditions techniques minimales d'organisation et de fonctionnement des lieux de vie et d'accueil. Ce décret définit le lieu de vie comme une structure visant "par un accompagnement continu et quotidien, à favoriser l'insertion sociale des personnes accueillies. Il constitue le milieu de vie habituel et commun des personnes accueillies et des permanents [...] dont l'un au moins réside sur le site où il est implanté". En pratique, les lieux de vie peuvent accueillir une grande diversité de publics : les mineurs et jeunes majeurs placés par l'autorité judiciaire, les mineurs et les majeurs présentant des troubles psychiques, handicapés ou présentant des difficultés d'adaptation, en situation de précarité ou d'exclusion sociale... En dehors de l'autorité judiciaire, les personnes accueillies peuvent être adressées ou orientées, selon les cas, par le préfet, le président du conseil général, un établissement de santé, un établissement ou service social ou médico-social, la famille, le représentant légal ou l'entourage de la personne accueillie et, enfin, la maison départementale des personnes handicapées (MDPH).
Cette relative stabilisation juridique vient d'être sérieusement ébranlée par une décision du Conseil d'Etat du 21 novembre 2008, portant sur la tarification de ces structures. Cet arrêt, qui fait suite à un recours déposé par une vingtaine d'associations gestionnaires de lieux de vie, annule les modalités de tarification et de financement fixées par l'article 29 du décret du 7 avril 2006 relatif à la gestion budgétaire, comptable et financière et aux modalités de financement et de tarification des établissements et services sociaux et médico-sociaux et des lieux de vie et d'accueil. Cet article - transposé dans les articles R.316-5 à R.316-7 du Code de l'action sociale et des familles (CASF) - posait le principe d'un prix de journée fixé pour trois ans et défini comme un multiple de la valeur du Smic horaire (plafonné à 14,5 fois ce dernier).
L'arrêt, assez bref, du Conseil d'Etat repose sur un raisonnement simple. Il constate qu'aux termes de l'article L.312-3 du CASF, le fonctionnement des lieux de vie et d'accueil qui ne constituent pas des établissements sociaux ou médico-sociaux - ce qui est le cas de la plupart d'entre eux, notamment associatifs - est soumis à des obligations portant uniquement sur l'accueil et le droit des usagers et sur leur contrôle par les autorités administratives. Par ailleurs, l'article 34 de la Constitution prévoit qu'"il n'appartient qu'à la loi de fixer tant les garanties fondamentales accordées aux citoyens pour l'exercice des libertés publiques, au nombre desquelles figure le libre exercice d'une activité professionnelle [...]". Le Conseil d'Etat en conclut donc que "relève en conséquence de la compétence législative le principe de l'encadrement du régime financier et de la tarification, notamment par les collectivités territoriales et l'assurance maladie, des personnes morales de droit privé gérant des établissements et services intervenant dans le champ de l'action sociale". Dans ces conditions, et sans qu'il soit besoin d'examiner les autres moyens soulevés à l'appui du recours, l'article 29 du décret du 7 avril 2006 est annulé.
Jean-Noël Escudié / PCA
Référence : Conseil d'Etat, 1e et 6e sous-section réunies, arrêt 293960 du 21 novembre 2008, Association Faste Sud Aveyron et autres (publié au recueil Lebon).