Le code de la construction se libère de son carcan
Avec la publication d’une nouvelle ordonnance prise en publication de la loi Essoc, les travaux de réécriture du code de la construction et de l’habitation (CCH) franchissent la dernière marche. Le fil rouge de cette restructuration était d'asseoir dans le droit commun le permis d’expérimenter, qui n’était jusqu'ici qu’expérimental, pour libérer l’innovation technique et architecturale dans les projets de construction.
L’ordonnance relative à la réécriture des règles de construction et recodifiant le livre Ier du code de la construction et de l’habitation (CCH) a été publiée ce 31 janvier. Mise en consultation en décembre dernier et présentée lors du dernier conseil des ministres, elle vient clôturer le chantier de simplification entrepris avec les acteurs de la construction, via des groupes de travail, copilotés par l’administration et le Conseil supérieur de la construction et de l’efficacité énergétique (CSCEE). Le calendrier de publication - fixé par la loi Essoc au 10 février 2020 - a donc été tenu.
Ce second opus succède à une première ordonnance (n° 2018-937 du 30 octobre 2018) qu’il a pour effet d’abroger. Un premier texte - accompagné du décret n°2019-184 du 11 mars 2019 - qui a préparé le terrain à une généralisation du permis d’expérimenter, jusqu'ici initié à titre expérimental, et lui-même largement inspiré du "permis de faire" de la loi Liberté de création, architecture et patrimoine (LCAP) de 2016. "Un changement de paradigme" (d'une logique de moyen à une logique de résultat) permettant aux maîtres d'ouvrage de déroger de plein droit à certaines règles constructives, sous réserve d'apporter des solutions d'effet équivalent.
Une architecture repensée
Jusqu'à présent, on avait assisté essentiellement à des vagues d’ajouts (performance énergétique, développement de l’électromobilité, par exemple) dans une logique de juxtaposition. Ce toilettage conduit d’abord à un sérieux dégraissage du livre Ier de la partie législative du CCH, dont la taille "a été réduite d’un quart", précise le ministère de la Cohésion des territoires. Plus de 200 articles législatifs ont ainsi été réécrits. Et les décrets d’application - attendus en 2020 et 2021 - devraient eux aussi engendrer un vaste remaniement des 400 articles compris dans la partie réglementaire. Une architecture entièrement revue, notamment de façon à opérer une distinction plus nette entre les "règles de construction" et les formalités administratives (titres I et II).
Autre effet recherché, "une identification rapide des objectifs généraux poursuivis dans les différents champs techniques" liés aux bâtiments (sécurité, accessibilité, qualité sanitaire, protection de l’environnement, sobriété énergétique, etc.), désormais ventilés au sein des titres III à VII. Il s’agit surtout d’agir sur le fond de la problématique, relève le ministère, en promouvant "une nouvelle manière" d’appliquer les règles de construction levant les freins à l'utilisation de solutions innovantes. Toute "une philosophie" qui irrigue le corpus réglementaire en substituant des objectifs de résultats (le plus souvent exprimés en indice, performance, seuil, etc.) aux prescriptions de moyens en vigueur dans le CCH.
Dispositif généralisé
Au centre du dispositif, le nouvel article L. 112-4, qui dispose que "toute solution technique peut être mise en œuvre dès lors qu'elle respecte les objectifs généraux prévus par la loi". Et ceux pour tous les champs techniques de la construction touchant aussi bien à la performance énergétique et environnementale des bâtiments, qu’à leur accessibilité, leurs caractéristiques acoustiques, leur ventilation, les risques incendie ou sismique ou le réemploi de matériaux.
Les objectifs généraux apportent des critères de comparaison entre la solution réglementaire et la solution proposée par le maître d’ouvrage. En l’absence de résultats minimaux inscrits dans le droit commun, la comparaison doit être menée au regard des solutions de référence précisées par voie réglementaire (nouvel article L. 112-5) ou par le recours à une autre solution, alors appelée "solution d’effet équivalent" (nouvel article L. 112-6). Une notion directement issue du "permis d'expérimenter" - porté par l'ordonnance du 30 octobre 2018 et son décret d’application - qui autorise le recours aux solutions "qui ne seraient aujourd'hui pas considérées comme réglementaires vis-à-vis des règles de construction prescriptives", précise le ministère. Une liberté dans le choix des solutions techniques que le maître d’ouvrage peut mettre en œuvre, qui ne devrait "pas pour autant dégrader la qualité de la construction grâce à un système de validation et de contrôle renforcé", assure-t-il.
Contrôle des solutions d’effet équivalent
Principal garde-fou, une procédure de contrôle décentralisée similaire à celle prévue par l’ordonnance du 30 octobre 2018 et à présent définie au titre I – chapitre II – section 3 du nouveau livre Ier du CCH. Cette mission devrait être exercée par le Centre scientifique et technique du bâtiment (CSTB) et le Cerema, mais aussi par des bureaux d’études experts et qualifiés pour les dispositions particulières de la ventilation, l’accessibilité, la performance énergétique, l’acoustique et celles relatives à l’outre-mer. A la clef, la délivrance du précieux sésame : l’attestation d’effet équivalent, préalable à l’intervention d’un contrôleur technique chargé quant à lui de vérifier la bonne mise en œuvre de la solution.
Le contrôle des règles de construction, tel que défini à l’article L. 151-1 du CCH (désormais article L. 181-1), s’applique toujours à l’opération. Pour rappel, la loi Elan porte à 6 ans le délai pendant lequel ce contrôle peut être réalisé (contre 3 ans auparavant) après l'achèvement des travaux. Le texte confie aux services chargés du contrôle du respect des règles de construction un pouvoir de police administrative (ces services n'avaient jusqu'à présent que le pouvoir de police judiciaire) pour contrôler et sanctionner le respect de la procédure de mise en œuvre de ces solutions d’effet équivalent (art. L. 182-1 et suivants nouveaux).
Dans l’attente de sa traduction réglementaire, au travers des nombreux décrets annoncés, il est cependant difficile de cerner les tenants et les aboutissants de la réforme. Car si l'objectif de stimuler l’innovation pour réduire les coûts et les délais de construction est relativement simple, sa déclinaison opérationnelle pourrait en revanche s’avérer complexe.
Références : rapport au Ppésident de la République relatif à l'ordonnance n° 2020-71 du 29 janvier 2020 relative à la réécriture des règles de construction et recodifiant le livre Ier du code de la construction et de l'habitation, JO du 31 janvier 2020, texte n°61 ; ordonnance n° 2020-71 du 29 janvier 2020 relative à la réécriture des règles de construction et recodifiant le livre Ier du code de la construction et de l'habitation, JO du 31 janvier 2020, texte n°62 |