Le 100% fibre acté, les moyens pour l’atteindre en débat
À l’occasion des assises du THD organisées ce 23 juin à Paris, l’ANCT a fait un point sur les raccordements complexes. Une étape vers le 100% fibre, objectif désormais partagé mais pour lequel les 150 millions d’euros mobilisés par le gouvernement ne suffiront pas. La réponse semble plutôt à rechercher du côté du service universel.
Longtemps porté par les seules collectivités, le 100% fibre pour tous partout sur le territoire n’est désormais plus un sujet tabou. Du gouvernement aux opérateurs, il fait désormais partie des éléments de langage. Reste à en fixer les modalités techniques et financières. Et l’échéance. 2025 ? 2030 ? Parle-t-on de débit ou technologie ? Les questions sont multiples et toutes n’ont pas encore trouvé de réponse.
Expérimentation sur les raccordements complexes
Pour le moment, le gouvernement mise sur les 150 millions d’euros consacrés aux "raccordements complexes". Un concept qui a cependant besoin d’être défini pour déterminer précisément les conditions des aides de l’État. Cette étape, menée sous la houlette de l’Agence nationale de la cohésion des territoires (ANCT), semble en bonne voie. Zacharia Alahyane, directeur des programmes France Mobile et France THD à l’ANCT, en a même ébauché une définition : "Il s’agit des locaux où il n’y pas de génie civil pour amener la fibre ou de locaux où le génie civil n’est pas accessible. Il intègre aussi les échecs de raccordements remontés par les opérateurs." Cette définition devra cependant être assise sur des critères précis, partagés par l’ensemble des acteurs et notamment des opérateurs qui ont chacun leur version d’un échec de raccordement. La définition théorique doit aussi être confrontée aux réalités du terrain. Un raccordement complexe n’est pas en effet pas le même en ville (où il existe bel et bien), en zone rurale ou en pleine montagne, raison pour laquelle les départements du Gers, des Pyrénées-Orientales, de la Sarthe et du Val-de-Marne ont été sollicités pour l’affiner. Une étude dont les résultats sont attendus pour cet automne.
Assouplissement du déploiement en aérien
Le raccordement des habitations les plus isolées passera cependant nécessairement par la levée de "de serpents de mer" concernant au premier chef les déploiements FTTH déjà programmés. Il s’agit tout d’abord de l’usage des appuis aériens d’Enedis. Passer une fibre sur un poteau électrique est aujourd’hui soumis à un calcul pour éviter la surcharge sur la base de critères jugés obsolètes par la filière. "21% des poteaux sont en surcharge avant même d’avoir posé une fibre !", ironise le président d’Infranum, Étienne Dugas. Et d’ajouter que "plus d’un million de foyers sont dépendants de ces poteaux, tous en zone rurale". La révision des textes réglementaires serait imminente. Tous les acteurs semblent désormais alignés, d’Enedis à la FNCCR en passant par les industriels, la balle serait désormais dans le camp de la direction générale de l'énergie et du climat (DGEC) qui a la main sur la rédaction de l’arrêté. Patrick Chaize, qui intervenait au double titre de la FNCCR et de l’Avicca, a insisté sur "l’urgence" du dossier, au même titre que la base adresse nationale, préalable à tout déploiement. Si la base adresse locale, dont le système conçu par l’ANCT est utilisé par 3.387 communes, apporte une réponse technique, le sénateur de l’Ain a fait valoir la nécessaire sécurisation de son assise juridique. Un obstacle que devrait lever la future loi 3DS (jusqu'ici dite 4D) en faisant de la commune un acteur incontournable d’une adresse normalisée et ouverte par défaut.
Service universel de la fibre ?
Les 150 millions d’euros affectés par l’État ne suffiront cependant pas à achever la couverture intégrale du territoire comme l’avait relevé l’observatoire du THD (voir notre article du 12 mai). Pour le "100% fibre", les acteurs de l’aménagement numérique misent sur deux dossiers connexes. Tout d’abord, l’accélération de la fin du cuivre en obligeant à trouver des solutions alternatives partout où l’ancien réseau a été déployé. Le sénateur de l’Ain voit du reste dans la panne des numéros d’urgence, lié à l’interconnexion du réseau RTC d’Orange (cuivre) et VOIP (fibre), un "signal". Il estime que le dossier relève de "la responsabilité collective" avec comme priorité éviter tout "traumatisme". En clair, l’élu souhaite une plus grande association des collectivités au chantier porté par Orange. D’autre part, le service universel des télécommunications pourrait contribuer à financer les toutes dernières prises. Ce dernier, que l’Europe a étendu à l’internet haut débit, n’a pour le moment été qu’ébauché par la loi DDADUE (voir notre article du 19 novembre). Celle-ci ne fixe cependant qu’une obligation de résultat – l’accès à des services et à l’internet haut débit à un prix abordable – sans définir les moyens et le calendrier. "Les caractéristiques du service et en particulier le débit minimal n’ont pas été fixés, il faut attendre un décret en Conseil d’État", a souligné Audrey Maurel, avocate. Et si certains voudraient qu’il devienne le "service universel de la fibre", de nombreuses questions organisationnelles restent à trancher : faut-il en charger un seul opérateur national comme aujourd’hui ou plusieurs en fonction de la zone concernée (zone très dense, zone Amii, RIP…) ? Faut-il le mettre en place maintenant ou attendre la fin des déploiements programmés ? Et bien évidemment son mode de financement reste à déterminer. Si le Facé - Fonds d'amortissement des charges d'électrification, financé par les distributeurs d’électricité en France, qui aide les collectivités rurales en charge de réseaux de distribution d’électricité dans le financement des travaux d’amélioration de ces réseaux - peut servir de modèle, il reste à savoir comment il sera abondé. Pour Patrick Chaize, la taxation des matériels reconditionnés récemment votée pour financer la culture ouvre cependant une porte. Celle-ci était jusqu’à présent restée désespérément fermée quand il s’était agi de financer l’aménagement du numérique.
Passage obligé des colloques sur le THD, le mode Stoc n’a pas suscité l’habituel renvoi de balles entre opérateurs, collectivités et sous-traitants pour les "paquets de nouilles" et autres échecs de raccordement qui ternissent les excellents chiffres des déploiements. Les regards sont désormais focalisés sur les indicateurs promis par l’Arcep pour déterminer si les mesures prises ces derniers mois – nouveau contrat Infranum, engagements de sous-traitants, renforcement de la formation…. – produisent de l’effet. |