Rénovation urbaine - L'Anru victime de son succès ?

Dans un rapport sur le financement de l'Agence nationale pour la rénovation urbaine, les sénateurs Philippe Dallier et Roger Karoutchi mettent en garde contre les difficultés à venir. Ils en appellent à une participation plus forte des régions et des départements.

Un peu partout en France, les bulldozers sont à l'œuvre pour changer la physionomie des quartiers. Après deux ans d'existence, l'Agence nationale pour la rénovation urbaine (Anru), créée pour accélérer les financements avec l'instauration d'un guichet unique, a déjà instruit 323 projets pour 21,5 milliards d'euros sur les cinq prochaines années. 2,3 millions d'habitants sont concernés par les travaux en cours. Au rythme des démolitions-reconstructions, les demandes des collectivités affluent. Le plan national de rénovation urbaine a été revu à la hausse : il table désormais sur une offre de 250.000 logements sociaux, la réhabilitation de 400.000 logements et la démolition de 250.000 autres. Le succès est tel que la machine risque la surchauffe, car les financements ont du mal à suivre. Malgré la rallonge budgétaire prévue pour accompagner la prorogation de deux ans du programme jusqu'en 2013, une inquiétude se fait jour. Au terme d'une mission de contrôle tendant à s'assurer de la capacité de l'Anru de répondre aux engagements financiers, les sénateurs Philippe Dallier et Roger Karoutchi, rapporteurs spéciaux de la mission Ville et Logement de la commission des finances du Sénat, mettent en garde contre ce qu'ils appellent "la bosse de l'Anru". "Les financements promis à l'Anru vont s'étaler de 2004 à 2017, expliquent-ils. Mais en raison du décalage des réalisations des projets et de leur concentration dans le temps, l'Anru va se trouver face à des difficultés de trésorerie importantes dans les prochaines années." En clair, à partir de 2011, la trésorerie fera apparaître un déficit jusqu'au retour à l'équilibre en 2015. Tous les projets lancés dans cette période risquent d'être retardés !

Le financement des collectivités ne représente que 20% du total

Le besoin complémentaire de financement qui en découle est estimé par les sénateurs entre 337 millions et 577 millions d'euros par an sur la période concernée. "Il faut une participation équilibrée de l'effort financier entre l'Etat, les bailleurs et les collectivités territoriales", expliquent-ils, préconisant une application stricte de la règle des trois tiers. Seulement voilà, la part des collectivités n'est aujourd'hui que de 20% du total : 7% pour les villes, 4% pour les EPCI, 5% pour les régions et 4% pour les départements.
Philippe Dallier et Roger Karoutchi encouragent les conventions entre l'Anru et les collectivités territoriales. Le Nord-Pas-de-Calais, l'Auvergne, la Basse-Normandie et la Bretagne en ont déjà passé. Rhône-Alpes, la Bourgogne, Poitou-Charentes et l'Ile-de-France sont en préparation. Au niveau départemental, le mouvement est tout aussi faible. Seuls quatre départements ont contractualisé leur engagement : le Val-de-Marne, les Hauts-de-Seine, l'Eure et la Seine-Maritime. "En Seine-Saint-Denis, ils ne veulent même pas en entendre parler, ce n'est pas acceptable", déplore Philippe Dallier, qui reconnaît toutefois les difficultés des départements qui "doivent supporter le poids du RMI et de l'allocation personnalisée d'autonomie".
"Après les violences urbaines, les villes attendent beaucoup de ces conventions avec l'Anru. Elus, maires, acteurs sociaux... ce programme a changé la vision de tous dans la manière de faire bouger les quartiers. C'est un progrès énorme par rapport aux outils précédents", s'enthousiasme Roger Karoutchi.
Les rapporteurs préconisent, par ailleurs, une consolidation de la contribution financière de l'Etat. Celle-ci passerait par le réaménagement du Fonds de rénovation urbaine de la Caisse des Dépôts. Le projet de loi de finances 2007 pourrait en poser le principe, ont-ils annoncé.
Le rapport sera publié dans les prochains jours ; un moment opportun puisque le conseil d'administration de l'agence doit se réunir le 12 juillet. La liste de la deuxième vague de quartiers prioritaires sera arrêtée à cette occasion.

 

Michel Tendil

 

 

 

 

Un nouvel acteur pour les projets de rénovation urbaine

Désormais, les services départementaux de l'architecture et du patrimoine (Sdap) seront associés à l'élaboration et à la mise en oeuvre des projets de rénovation urbaine, en vertu d'une circulaire du 6 juin 2006. L'objectif est de faire en sorte qu'une "attention particulière soit apportée à la qualité urbaine et architecturale à toutes les phases du projet". Le chef de Sdap recevra la liste de tous les quartiers concernés (ou susceptibles de l'être) par un projet de rénovation urbaine. Il adressera en retour aux préfets la liste des quartiers sur lesquels il souhaite être associé, en motivant son choix par leur intérêt architectural, urbain et/ou patrimonial.

Dans la phase d'élaboration, les analyses et recommandations des Sdap, qui pourront être intégrés à l'avis des préfets sur les projets transmis à l'Anru, compléteront le diagnostic des acteurs locaux. Ils permettront une meilleure connaissance des quartiers du point de vue des dimensions patrimoniale, architecturale et urbaine. Dans la phase de mise en oeuvre, les Sdap participeront aux instances de suivi. Ils pourront être associés à la préparation des consultations d'architecture et d'urbanisme puisque la qualité de la réalisation passe aussi "par les choix de procédures que les maîtres d'ouvrage adoptent".

 

Magali Tran / Innovapresse

 

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