La réforme de la publicité foncière caduque

Faute du dépôt dans les temps du projet de loi de ratification, l’ordonnance réformant la publicité foncière est désormais caduque. Un loupé qui resterait toutefois sans conséquence si le Parlement parvenait à adopter rapidement une nouvelle loi d’habilitation, et si le nouveau gouvernement décidait de reprendre le texte tel quel – ce qui semble le cas, comme nous l’a indiqué la Chancellerie. Non sans logique, compte tenu de l’importance des enjeux pour l’immobilier et des efforts investis dans une matière "éminemment technique".

La réforme de la publicité foncière – chantier au long cours initié par une mission confiée au professeur Laurent Aynès en… 2017 – a fait long feu. Elle est en effet désormais caduque, comme le prévoit l’article 38 de la Constitution, faute de dépôt du projet de loi de ratification de l’ordonnance la mettant en œuvre dans les délais fixés par la loi d'orientation et de programmation du ministère de la Justice 2023-2027 du 20 novembre 2023, laquelle avait habilité le gouvernement à prendre le texte. Concrètement, dans les trois mois de la publication de l’ordonnance, intervenue le 20 juin, soit le 20 septembre dernier.

Parcours chaotique

Las, ce n’est pas la première anicroche à laquelle cette réforme est confrontée. Initialement habilité par la loi 3DS du 21 février 2022, le gouvernement n’était pas parvenu à publier l’ordonnance dans le délai de dix-huit mois qui lui avait alors été octroyé. D’où la nouvelle fenêtre ouverte par la loi du 20 novembre 2023, que le gouvernement faillit à nouveau manquer en ne publiant l’ordonnance que 10 jours avant la date butoir fixée par le législateur, soit le 30 juin dernier. Il est vrai que le gouvernement avait initialement demandé une prorogation plus ample – jusqu’au 1er novembre 2024 –, en arguant "de la grande technicité et de la diversité des acteurs impliqués" par la réforme. Mais le délai avait finalement été revu à la baisse en commission mixte paritaire, sous l’impulsion des sénateurs : "Au Sénat, nous n'apprécions guère les ordonnances, surtout lorsqu'elles tardent à venir", avait alors justifié Dominique Vérien (UC, Yonne), rapporteure de la loi 3DS pour la Chambre haute.

Accident – encore – sans conséquence

Pour l’heure, l’accident reste – encore – sans conséquence, puisque l’entrée en vigueur de l’ordonnance ne devait intervenir qu’à une date (non encore) fixée par décret en Conseil d’État, et au plus tard le 31 décembre 2028. Sur le papier, le nouveau gouvernement pourrait très bien solliciter une nouvelle habilitation et republier l’ordonnance telle quelle. C’est d’ailleurs la voie que semble vouloir emprunter la Chancellerie, laquelle, interrogée par Localtis, indique qu’"une réflexion s’engage aux fins de reprise de la réforme dans le cadre du premier vecteur législatif utile". "Ce serait la solution la plus facile, la plus raisonnable et la plus vraisemblable", estime le professeur Aynès – également interrogé par Localtis –, même s’il observe que "rien n’est facile avec l’actuelle composition du Parlement". "Cette réforme est le fruit d’un long travail, conduit d’abord pendant un peu plus d’un an par la commission que j’ai présidée, soumis ensuite à plusieurs consultations approfondies avant de donner enfin lieu à un travail de rédaction de la Chancellerie, mené pendant environ un an", souligne-t-il. "C’est une matière éminemment technique", précise-t-il encore, non sans relever "qu’il n’y a jamais de matière juridique qui ne soit uniquement technique". En l’espèce, il met ainsi en exergue "les enjeux extrêmement important pour l’investissement immobilier", et le fait que la réforme "contribue à renforcer la sécurité juridique du dispositif. L’ordonnance n’est certes pas parfaite, mais tous les commentateurs ont salué les progrès considérables qu’elle pourrait procurer".

Le coup passa si près…

Pour ses promoteurs, voir le bébé jeté avec l’eau du bain du précédent gouvernement serait en outre d’autant plus rageant qu’il s’en est fallu de peu pour que l’issue soit toute autre. "N’étant pas certain qu’un gouvernement démissionnaire, uniquement chargé des affaires courantes, puisse déposer un tel projet de loi de ratification, le gouvernement avait décidé de consulter le Conseil d’État. Or ce dernier a rendu son avis – favorable – le matin même de la nomination de Michel Barnier", confie Laurent Aynès.

 

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