La Fnaut plaide pour une "convention collective des usagers du train"

La Fédération nationale des associations d'usagers des transports (Fnaut) propose d’instituer "une véritable convention collective des voyageurs" ferroviaires, composée de "23 exigences" qui s’imposeraient à tous les opérateurs et autorités organisatrices. Elle estime en effet que la régionalisation et l’ouverture à la concurrence du ferroviaire – réorganisation du groupe SNCF inclus –, en multipliant les acteurs, ont démesurément "complexifié le parcours voyageur". Au risque de le perdre, dans tous les sens du terme.

Un véritable parcours du combattant. Pour la Fédération nationale des associations d'usagers des transports (Fnaut), c’est ce qu’est devenu le parcours du voyageur ferroviaire en France, qui ne sait plus à quel saint se vouer pour obtenir des informations sur son voyage et les services dont il pourra bénéficier à bord ou en gare (toilettes ou pas ?), acheter son billet – idéalement au meilleur prix – ou encore connaître ses droits et obtenir un dédommagement lorsque l’aventure aura mal tourné. Le constat est dressé par une étude des cabinets Trans-Missions et Satis Conseil, missionnés par l’association, à partir d’anecdotes relatées par des voyageurs sur les réseaux sociaux et à la Fnaut, ou encore relayées par la presse quotidienne régionale. "On attend désormais du voyageur qu’il agisse et raisonne en expert de l’organisation du transport ferroviaire", conclut Patricia Pérennes, auteure de l’étude. 

Multiplicité des acteurs, mais pas uniquement…

En cause, avance-t-elle, la multiplication des acteurs, fruit de la régionalisation de certaines activités, de l’ouverture à la concurrence – pourtant encore fort balbutiante en France (voir notre article du 23 mai) – et de la "réorganisation du groupe SNCF", dont "les activités de transport de voyageurs sont aujourd’hui scindées en de multiples entités : transport régional (TER), transport en Île-de-France (Transilien), transport Grandes Lignes (Intercités et TGV) et transport low cost (Ouigo)". À en juger par le rapport, on serait d’ailleurs plutôt tenté d’évoquer son "anorganisation". L’étude montre en effet qu’il n’est point besoin de changer d’opérateur au cours d’un trajet pour être en difficulté, comme le relève ce témoignage d’un voyageur souhaitant faire Paris-Nîmes avec Ouigo, et qui constate que "pour obtenir son billet, il faut soit le télécharger, soit avoir l’appli Ouigo. J’ai pourtant déjà SNCF Connect et TGVpro, mais cela ne suffit pas. Imaginez que votre banque […] vous demande d’utiliser trois applications différentes selon le service que vous utilisez". L’essor du phénomène de la multimodalité, peu évoqué en tant que tel, mais dont les difficultés concrètes sont relevées (que faire de son vélo ? où trouver les horaires des bus en gare ?), constitue sans nul doute une autre source de complexité. 

Une "convention collective du voyageur"

Pour aider le voyageur à se retrouver dans ce dédale, la Fnaut plaide pour l’instauration d’une "convention collective de l’usager" ferroviaire, socle de droits dont il pourrait bénéficier quels que soient l’opérateur et l’autorité organisatrice, comme un salarié d’une branche dispose d’un minimum de droits quel que soit son employeur au sein de cette dernière. L’association propose que cette convention comprenne 23 "exigences". Parmi elles, un "guichet unique" pour accéder à l’ensemble de l’information dont le voyageur a besoin, un "guichet unique" (vive la fusion !) pour qu’il puisse "acheter facilement l’ensemble des titres", la certitude de payer le même prix quel que soit le canal de distribution, un billet flexible permettant de monter à bord de tous les trains pour un trajet donné, l’acceptation de la carte nationale et des tarifs sociaux par tous les services sur l’ensemble des territoires, la possibilité de comprendre la façon dont le prix de son billet est calculé, un dédommagement ou une prise en charge dans les mêmes conditions – quels que soient son ou ses transporteurs, et que le trajet comporte ou non une correspondance –, ou encore l’assurance de pouvoir se rendre jusqu’à sa destination en cas de retard d’un train.

Concertation ou loi ?

Si la Fnaut parle "d’exigences", elle entend dans un premier temps soumettre ces différentes pistes à la concertation avec les autorités organisatrices et les opérateurs, aux côtés de la direction générale des infrastructures, des transports et des mobilités (DGITM). "Régions de France nous a déjà proposé une réunion de travail début juillet", se félicite Bruno Gazeau, qui préside l’association. Il prévient toutefois que faute d’avancées, la Fnaut s’en remettra à l’État pour passer par la loi. Une hypothèse plus que crédible puisque lors du colloque de l’association au cours duquel devait initialement être présentée la présente étude (voir notre article du 23 mai), le ministre délégué aux transports, Clément Beaune, avait indiqué qu’il "faudra intervenir de manière législative ou réglementaire pour avoir un cadre des droits des voyageurs", en précisant que "l’Union européenne nous y invite et c’est tant mieux". Au passage, notons que le règlement européen du 29 avril 2021 sur les droits et obligations des voyageurs ferroviaires, récemment pris en compte par la loi "Dadue" du 10 mars (voir notre article du 14 mars), va entrer en vigueur ce 7 juin. Patricia Pérennes et la Fnaut n’en attendent toutefois pas grand-chose, jugeant ce texte "très peu clair". 

L’impensé de la politique des transports

Le ministre avait à l’occasion esquissé quelques lignes directrices. "L’information voyageur, on ne va pas la diviser en petites tranches", avait-il prévenu, tout en réaffirmant sa volonté de parvenir au "billet unique dans les deux ans" et "d’accélérer les travaux en matière tarifaire", regrettant que les tarifs "manquent de lisibilité". Déplorant en outre que "ce caractère multiopérateurs" soit "un grand impensé de notre politique des transports" – alors que "ce sera l’avenir" –, il avait précisé qu’il aurait début juin avec ses collègues ministres des transports européens "un nouveau débat sur une première initiative européenne en matière de droits des voyageurs hors transport aérien, puisque cela existe déjà dans le transport aérien – qui peut d’ailleurs nous inspirer pour avoir le bénéfice d’une pluralité d’opérateurs".

Le train, une place à part

On relèvera à ce propos que plusieurs des difficultés évoquées par le rapport ne semblent guère poser problème au même voyageur lorsqu’il prend l’avion. Voire quand il fait ses emplettes : les prix en ligne diffèrent parfois de ceux pratiqués en magasin, les cartes de fidélité diffèrent d’une enseigne à l’autre et il est douteux que le consommateur ait une idée précise de la formation des prix de nombre de produits et services qu’il utilise. Patricia Pérennes voit dans ces degrés d’exigence disparates "le signe d’un attachement populaire au chemin de fer". Toujours lors du colloque précédemment évoqué, le PDG du groupe SNCF Jean-Pierre Farandou, avait lui aussi mis en avant "l’attachement très fort en France au train". Il voyait même dans cette "envie de train" l’un des leviers permettant d’envisager un report modal tant espéré. Auparavant, il avait néanmoins estimé que cette "envie de train" ne persisterait "que si les gens ne sont pas déçus. Et là-dessus, il y a du boulot", concluait-il.

 

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