Fonds structurels - La décentralisation des fonds européens revient à l'ordre du jour
La préparation de la programmation 2007-2013 des fonds structurels européens arrive à son terme. Quasiment toutes les régions ont finalisé leurs programmes opérationnels qui déterminent pour chacune d'elle l'utilisation des 12,7 milliards d'euros de fonds européens prévus pour la France. Quant à savoir qui va gérer cet argent localement, la question vient de resurgir avec le rapport de la sénatrice du Haut-Rhin Catherine Troendle déposé le 17 janvier sur le bureau du Sénat. Ses propositions reprises par la commission des lois seront discutées devant la Haute Assemblée le 24 janvier, dans le cadre de l'examen en première lecture du projet de loi relatif à "l'expérimentation de la décentralisation de la gestion des fonds structurels". Elles pourraient chambouler la nouvelle programmation. Le texte prévoyait initialement de poursuivre l'expérience de décentralisation menée en Alsace depuis 2003 sans pour autant l'étendre immédiatement aux autres régions. C'est justement ce que propose la sénatrice.
La gestion de ces fonds relève d'un choix national : il peut s'agir du niveau étatique ou régional. Entre ces deux niveaux, la Commission ne tranche pas, ses seules restrictions vont aux départements car elle veut s'assurer une visibilité suffisante sur l'utilisation des fonds. Jusqu'ici, la France a opté pour une gestion déconcentrée au niveau des préfets. Une position confirmée lors du Ciact de mars 2006, ce qui avait entraîné l'ire de l'Association des régions de France. Elle a toutefois ouvert une brèche en autorisant une expérimentation régionale : en 2002, les retards pris dans la mise en oeuvre des programmes et le risque de "dégagement d'office", c'est-à-dire de suppression des crédits non-utilisés, avaient conduit le gouvernement Raffarin à tenter la décentralisation en Alsace pour les crédits affectés à la reconversion des zones en difficulté (appelés "objectif 2"). La loi de décentralisation du 13 août 2004 a par la suite donné une base légale à cette expérience. Les autres régions, elles, ont seulement bénéficié d'enveloppes plus ou moins importantes mises à leur disposition, les "subventions globales".
L'Etat garde le contrôle dans dix-sept pays sur vingt-sept
La France n'est donc peut-être pas si mal lotie dans ce domaine par rapport à ses voisins. Car, contrairement à une idée très répandue, notamment chez les régions françaises, "l'Etat demeure l'autorité de gestion dans la majorité des Etats membres", rappelle la sénatrice. Selon une étude comparée de la représentation permanente de la France auprès de l'Union européenne, au cours de la période 2000-2006, seulement six pays avaient confié aux régions cette autorité de gestion pour les fonds Feder, trois d'entre eux ayant une structure fédérale. "Pour la période 2007-2013, sur vingt-sept Etats membres, l'Etat a été désigné dans dix-sept pays (avec un système mixte également en Slovaquie) et les régions dans neuf pays (y compris l'Irlande, la Pologne et la République tchèque)", note le rapport. Pour le FSE, les régions n'ont été désignées autorités de gestion que dans quatre pays : l'Italie, l'Allemagne, la Belgique, et le Royaume-Uni, avec un système mixte.
Pour Catherine Troendle, l'efficacité de l'échelon régional ne fait gère de doute. "L'expérience alsacienne s'est avérée très concluante : en termes de gestion, la région n'a pas fait moins bien que l'Etat, mais surtout elle a gagné en rapidité, animation et proximité", estime la sénatrice. Le gouvernement avait reporté toute généralisation de l'expérimentation à 2010, c'est-à-dire au moment du bilan de l'expérience alsacienne, de façon à pouvoir l'évaluer sur une durée de sept ans équivalente à une programmation européenne. Mais selon Catherine Troendle, "il est inutile d'attendre jusque-là, ce qu'il reste à expérimenter, c'est la phase du contrôle de paiement qui ne devrait pas soulever de problèmes". "De plus, l'évaluation n'aura de sens que si l'on a des éléments de comparaison avec d'autres régions", remarque-t-elle. Le message, semble-t-il, est plutôt bien passé auprès du ministre délégué à l'Aménagement du territoire, Christian Estrosi. "Le gouvernement s'est montré très attentif à mes arguments", assure la sénatrice UMP.
Un calendrier serré
Reste à convaincre les sénateurs et surtout l'Assemblée, traditionnellement moins régionaliste que le Sénat. En cas d'adoption des amendements, un calendrier précis avec deux conditions préalables aux candidatures des régions a été prévu. "Il est impératif que, comme en Alsace, on ait un consensus local dépassant les clivages politiques, avec l'adhésion de tous les départements concernés, insiste encore la sénatrice. Mais il faut aussi un engagement financier des régions." Or, nombre d'entre elles ont une marge de manoeuvre budgétaire limitée. Ensuite, tout devra être bouclé dans un délai six mois pour un démarrage en février 2008 au plus tard. Les départements, au titre de leurs compétences en matière d'action sociale et d'insertion, auront ainsi quatre mois pour donner leur avis. Ce qui laisserait deux mois au gouvernement pour examiner les candidatures. Après une année 2006 assez mouvementée entre l'Etat et les régions, le cadeau serait pour le moins inattendu.
Michel Tendil