La Convention citoyenne pour le climat a commencé ses travaux
Les 150 citoyens tirés au sort et sélectionnés pour composer la "Convention citoyenne pour le climat" ont démarré leurs travaux ces 4, 5 et 6 octobre. Ils se sont vus présenter le cadre et les conditions de leur mission et ont pu interpeler le Premier ministre et la ministre de la Transition écologique et solidaire. D’ici fin janvier et au fil de six sessions de trois jours, ils devront délibérer et formuler des propositions, à la fois efficaces et justes socialement, pour réduire les émissions de gaz à effet de serre.
"Définir les mesures structurantes pour parvenir, dans un esprit de justice sociale, à réduire les émissions de gaz à effet de serre d’au moins 40% d’ici 2030 par rapport à 1990" : c’est le mandat que le Premier ministre a confié à 150 citoyens tirés au sort, via le Conseil économique, social et environnemental (Cese). Demandée depuis plusieurs années par différentes voix, la création d'une telle instance avait été finalement annoncée par le président de la République à l'issue de la séquence Gilets jaunes - Grand Débat national (voir notre article du 26 avril 2019). La Convention citoyenne pour le climat a été réunie au Cese à Paris du 4 au 6 octobre, pour la première de six sessions de trois jours qui se tiendront jusqu’à la fin du mois de janvier 2020.
Sélectionnés à l’issue d’un tirage au sort (255.000 numéros de téléphone générés automatiquement) pour refléter la diversité de la France, les membres de la Convention citoyenne comptent notamment parmi eux "deux femmes en situation de grande pauvreté" ou encore un ou deux agriculteurs ayant réussi à se rendre disponibles. Ils viennent de toutes les régions françaises, y compris d’outre-mer, majoritairement de grands pôles urbains (62% issus de communes de ces pôles, 23% en couronne de ces grands pôles). En plus des membres titulaires, 40 suppléants ont été désignés en cas de défection.
Pour mener à bien leurs travaux, les citoyens seront encadrés et accompagnés par un comité de gouvernance, une équipe d’animation, des "fact checkers", des juristes – pour les aider à "traduire leurs propositions en règles juridiques" – et des experts du climat – pour leur permettre notamment de mieux mesurer l’impact des mesures en termes de réduction des GES. En dépit de l’organisation assez sophistiquée qui leur a été présentée le 4 octobre, "vous êtes complètement autonomes dans le cadre du mandat qui vous a été donné", leur a garanti Julien Blanchet, vice-président du Cese et rapporteur général du Comité de gouvernance de la Convention citoyenne.
"Inventer une écologie populaire"
Pour mettre fin à l’apartheid en Afrique du Sud, il a fallu que "des hommes et des femmes ordinaires" s'en saisissent, a illustré le Premier ministre venu rencontrer les membres de la Convention citoyenne, se référant à l’autobiographie de Nelson Mandela. Edouard Philippe a souhaité le succès de cette Convention, rappelant que l’"étincelle qui a déclenché plusieurs mois de crise sociale dans notre pays" a été la taxe carbone. "Nous avons sous-estimé le besoin de nos concitoyens à être associés à l’élaboration des politiques publiques et, donc, notre objectif est de corriger la méthode", a-t-il poursuivi. Avec quelles attentes sur le fond ? "Votre Convention a vocation à inventer une écologie populaire dans tout ce que ce thème a de glorieux", a affirmé le chef du gouvernement, tout en rappelant les efforts du gouvernement en la matière et les résultats - certes insuffisants, certes pas assez rapides - obtenus.
Edouard Philippe a confirmé l’engagement du président de la République concernant l’issue de ces délibérations citoyennes : les propositions seront soumises à l’examen du Parlement, certaines feront éventuellement l’objet d’un référendum ou seront adoptées par voie réglementaire.
"Rien n'est interdit, il est toujours possible d'adapter notre droit et notre cadre institutionnel", a ouvert le Premier ministre, tout en mentionnant l’existence de certaines "lourdeurs" liées notamment au cadre européen. Il a par ailleurs invité les membres de la Convention citoyenne à indiquer des modes de financement – "par de la dette, par de nouvelles taxes, par des économies" - "d'éventuelles nouvelles priorités". "J'ai intérêt à ce que vos propositions soient pertinentes, concrètes", a répondu Edouard Philippe, interpelé par un citoyen soucieux d’avoir des garanties sur ces suites. L’enjeu notamment pour le gouvernement : "montrer que cette méthode marche" et en faire, dans le cadre de la réforme constitutionnelle, "l’une des modalités permanentes de la vie politique".
Construire un consensus démocratique sur les solutions
Trois garants nommés par les présidents des trois chambres – Assemblée, Sénat et Cese – devront s’assurer de la qualité du processus et, notamment, de son indépendance. "Chaque Français émet aujourd’hui 11 tonnes de carbone, il faudrait être à deux ou trois", a rappelé Cyril Dion, l’un des garants, militant écologiste et ancien "gilet citoyen" ayant plaidé pour la tenue de cette Convention. Le changement implique pour lui "des mesures tellement radicales" que les politiques "n’ont pas le courage" ; il s’agirait donc de s’en remettre à l’intelligence de citoyens différents et dépourvus d’intérêt spécifique en la matière pour "aller le plus loin possible" dans la recherche de solutions "acceptables".
"Il y a moins de deux semaines, le président de la République française soutenait à l’ONU un objectif de réduction des gaz à effet de serre de 55% d’ici 2030", a pointé l'ONG Greenpeace dans un communiqué, appelant les membres de la Convention citoyenne à "s’affranchir des limites imposées par le gouvernement" pour être "à la hauteur de l’urgence climatique". "Aujourd’hui il n’y a pas de consensus démocratique sur les solutions et il s’agit de le construire", a mis en avant Julien Blanchet, interrogé par Localtis ce 7 octobre.
S’exprimant dans un communiqué à l’issue de ces trois premiers jours de travaux, les garants ont salué la "diversité effective" des participants et leur "très forte motivation". Afin d’en assurer la transparence, les débats sont par ailleurs retransmis sur le site Internet de la Convention. "Il faut que tous les Français se sentent impliqués dans cette démarche", a souligné Julien Blanchet, notamment dans la perspective d’un référendum.
Au terme de plusieurs auditions de personnalités diverses – dont Elisabeth Borne, ministre de la Transition écologique et solidaire, ou encore Anne Bringault du Réseau action climat -, les membres de la Convention citoyenne se sont vu répartir par tirage au sort l’un des cinq thèmes de travail sur lequel ils se spécialiseront davantage : "travailler et produire ; se nourrir ; se loger ; se déplacer ; consommer". "A la fin, les citoyens voteront sur toutes les propositions, qui seront à la fois concrètes et à la fois systémiques et impactantes", a précisé le rapporteur général. "Le seul échec, ce serait que le gouvernement passe à la broyeuse à papier les propositions des citoyens", a-t-il ajouté. Mais il n’y croit pas. Prochain rendez-vous pour les membres de la Convention citoyenne : le 25 octobre.