Insertion : l’Igas émet des réserves sur l'expérimentation des EITI

L’Inspection générale des affaires sociales (Igas) publie son rapport sur l’évaluation du dispositif des EITI, les entreprises d’insertion par le travail indépendant, introduit par la loi de 2018 pour la liberté de choisir son avenir professionnel.

Dans le cadre de l’examen au Sénat du PLF 2025, samedi 18 janvier, la sénatrice écologiste de Paris Antoinette Guhl avait interpellé la ministre Astrid Panosyan-Bouvet au sujet des EITI, les entreprises d’insertion par le travail indépendant (voir notre article du 21 janvier). Elle dénonçait alors ce qu’elle qualifiait "d’ubérisation de l’insertion", rappelant que l’évaluation de ce dispositif expérimental introduit par la loi du 5 septembre 2018 et depuis prorogé, n’avait toujours pas eu lieu. La ministre lui avait confirmé la publication "imminente" d’un rapport de l’Inspection générale des affaires sociales (Igas) sur le sujet. Ce qui est désormais chose faite.

L’expérimentation initiée en 2018 avait pour objet d’élargir au travail indépendant l’insertion par l’activité économique (IAE). Elle s’adressait donc à des personnes rencontrant des difficultés sociales et professionnelles à qui il était proposé d’exercer une activité professionnelle indépendante tout en bénéficiant d’un accompagnement dans la mise en relation avec les clients ainsi que d’un accompagnement socio-professionnel par une EITI. Sur le plan statistique, relève l’Igas, au premier trimestre 2023, la DGEFP (délégation générale à l’emploi et à la formation professionnelle) recensait 56 EITI et la plateforme de l’inclusion 1.468 ETP pour 2.643 effectifs conventionnés. Des chiffres auxquels s’ajoutent 2.057 personnes en activité, soit 1,35% des 151.600 bénéficiaires de l’ensemble de l’IAE recensés fin juin 2022.

Une évaluation difficile faute du recul suffisant

A travers ce rapport d’évaluation, l’Igas s’est fixé pour objectif de consolider certains indicateurs tels que le profil des travailleurs indépendants en insertion accompagnés dans le cadre de cette expérimentation, la nature et la durée du suivi, les résultats en termes d’insertion sociale et de retour à l’emploi et, d’une manière générale, de comparer la performance du dispositif au regard de ceux existants dans le champ de l’insertion professionnelle. A ce stade, préviennent les auteurs du rapport, "le caractère trop récent de la création des EITI et l’insuffisance des indicateurs de suivi ne permettent pas de produire des conclusions robustes sur l’opportunité ou non de pérenniser en l’état ce type de structures". S’agissant de la qualité de l’accompagnement, le rapport souligne qu’aucun référentiel n’a été mis à disposition des services déconcentrés chargés d’agréer les EITI et donc de leur ouvrir droit aux aides publiques ! Par ailleurs, poursuivent les auteurs, "aucun protocole d’évaluation n’a été prévu au départ de l’expérimentation".

Dans ce contexte flou, l’Igas souligne malgré tout que "les statistiques disponibles laissent présager un niveau de sortie dynamique comparable à celui des autres structures de l’IAE", même s’il reste difficile de les qualifier. L’Igas regrette de ne pas avoir disposé de davantage de temps pour mener à bien sa mission "pour approcher l’efficience globale du dispositif qui aurait supposé une comparaison entre les prestations sociales perçues par les intéressés à l’entrée du dispositif et les gains fiscaux et sociaux de l’activité d’entrepreneur". Au final, tranche l’Inspection générale des affaires sociales, "c’est l’objectif même de l’expérimentation qui n’a pas été clairement précisé par les pouvoirs publics". S’agissait-il en effet de permettre l’accompagnement d’une entreprise ayant vocation à devenir l’activité principale du travailleur indépendant ou bien plutôt d’en retirer un revenu accessoire ?

Cahier des charges

Mais au fait, qu’en pensent les principaux intéressés ? Une cinquantaine d’entre eux ont été sondés pour faire ressortir que le parcours EITI "n’est pas, le plus souvent, associé directement à une réflexion construite sur un projet économique et que l’accompagnement ne donne pas vraiment de satisfaction". La mission propose ainsi de soumettre les conventions avec les EITI à un cahier des charges incluant des garanties de partenariat en amont avec des spécialistes de la création d’entreprise, ainsi que l’insertion de l’EITI "dans un écosystème suffisamment étayé pour assurer la continuité de l’accompagnement en cas d’échec du projet". L'Igas s'interroge enfin sur le financement de l'EITI et propose de "forfaitiser l'aide au poste". Celle-ci est aujourd'hui calée sur le nombre d'heures travaillées, ce qui est pénalisant vu la part importante laissée à l'accompagnement. Ces critiques ont été prises en compte dans deux textes relatifs aux EITI :  un décret du 30 décembre est venu modifier les modalités de l'aide financière dédiée aux EITI sur la base d'une forfaitisation. Et un arrêté du 2 janvier 2025 fixe justement le cahier des charges de l'expérimentation prévu par le décret du 20 décembre 2018. Il donne la définition de l'EITI, précise la nature de l'accompagnement qu'elle délivre. "Une attention particulière est portée aux partenariats avec l'opérateur France Travail et les opérateurs du réseau pour l'emploi, ainsi qu'avec les acteurs de la création d'entreprise", est-il mentionné

 

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