Insécurité en outre-mer : deux sénateurs appellent à un "choc régalien"

Un rapport sénatorial tire le signal d'alarme sur l'aggravation de l'insécurité en outre-mer et appelle l'État à un "choc régalien". 

La situation sécuritaire en outre-mer s'aggrave de manière "alarmante" et "multiforme", s'alarment les sénateurs Philippe Bas (LR-Manche) et Victorin Lurel (SER-Guadeloupe), auteurs d'un rapport d'information adopté à l'unanimité par la délégation sénatoriale aux outre-mer, jeudi 23 janvier, appelant à un "choc régalien".

Après un an de travaux et de nombreux déplacements, les deux sénateurs parviennent à un constat accablant. Représentant 4% de la population française, les régions et collectivités ultramarines concentrent 30% des homicides, 50% des vols à main armée, 25% des atteintes aux personnes et 50% des agressions de gendarmes, a énuméré Philippe Bas lors d'une conférence de presse. 50% des saisies de cocaïne ont lieu en Guyane et dans les Antilles… "Ces chiffres malheureusement ne cessent de s'aggraver", a alerté le sénateur. Ainsi, dans les régions d'outre-mer, les homicides ont augmenté de 14% en 2023, les violences sexuelles de 14,6% et la consommation de drogue de 37% !

Les deux sénateurs attirent l'attention sur la situation des frontières "difficilement contrôlables", dont se jouent les narcotrafiquants et les filières d'immigration illégale, avec 100.000 étrangers en situations irrégulière à Mayotte. Les demandes d'asile ont été multipliées par 3 en deux ans en Guyane, soulignent-ils. Ils s'inquiètent aussi des ingérences étrangères de plus en plus décomplexées, faisant référence à la conférence qui s'était tenue à Bakou en juillet 2024, sans parler des visées de la Chine sur le nickel de Nouvelle-Calédonie. "Cette situation d’ensemble, où l’État se trouve affaibli sur ses missions fondamentales, génère une perte de confiance des citoyens ultramarins et le développement d’un discours 'anti-État outre-mer', d’où une véritable urgence indissociable du rétablissement de l’état de droit", plaident les deux sénateurs.

"Arroser le sable"

Se cantonner à des réponses administratives judiciaires "ne changerait pas la donne", "l'État continuerait à arroser le sable", a prévenu Victorin Lurel pour qui il faut rétablir "un rapport de dissuasion", repousser les menaces aux frontières et les traiter le plus en amont possible.

Les rapporteurs conviennent que l'État "n'est pas resté inerte" et que des moyens ont été apportés ces dernières années, notamment en termes d'effectifs de policiers et gendarmes. Encore faut-il aller, selon eux, "au bout des efforts promis". 

Le rapport formule 38 recommandations dont la première des priorités vise à "s'attaquer à la délinquance du quotidien", en densifiant l'implantation territoriale des forces de sécurité avec, par exemple, la création de brigades conjointes de proximité police nationale-police municipale ou encore la création d'au moins une brigade de gendarmerie spécialisée dans la lutte contre les violences intrafamiliales dans chaque territoire. Pour ce qui est du narcotrafic, il s'agit de détourner le "tsunami" de la criminalité organisée de ces territoires afin qu'ils ne servent plus de zones de "rebond" : doter chaque bassin océanique de capacités de police scientifique et technique, consolider et optimiser les contrôles aéroportuaires à 100%...

Mettre en oeuvre le "rideau de fer" à Mayotte

À Mayotte, ils appellent l'État à mettre en oeuvre le "rideau de fer" visant à endiguer l'immigration clandestine venue des Comores. "Ça veut dire des drones, des radars en état de marche, ce qui, malheureusement, n'est pas toujours le cas, des bâtiments d'interception, une présence navale entre les Comores et Mayotte, des bases nautiques avancées dans les points de l'île des Comores où accostent les Kwasa Kwasa", a évoqué Philippe Bas. Concernant les actions militarisées des orpailleurs en Guyane, ils souhaitent un durcissement du recours aux forces armées en activant le dispositif de défense opérationnelle du territoire (DOT). Pour ce qui est de la pêche illégale en Guyane ils recommandent la destruction dès la première infraction des navires étrangers saisis.

Interrogé sur le coût de ces préconisations, Philippe Bas a indiqué qu'elles n'étaient pas chiffrées mais qu'il y avait "un investissement considérable" à faire. "La déstabilisation pour cause d'insécurité d'un certain nombre de collectivités ultramarines provoque des troubles qui, s'ils ne sont pas suffisamment traités, vont entraîner des dépenses beaucoup plus grandes."

 

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