Inclusion numérique : les coupes budgétaires annoncées suscitent l'incompréhension

La réduction de plus de 50% du budget alloué aux conseillers numériques France services (CNFS) dans le projet de loi de finances 2025 suscite l'incompréhension de l'Avicca et de la Mednum. Les élus craignent une mise en péril de la politique d'inclusion numérique et rappellent que "l'État a signé des engagements avec les collectivités".

Le projet de loi de finances pour 2025, actuellement en discussion à l'Assemblée nationale, prévoit une réduction du budget consacré aux conseillers numériques France services (CNFS), budget qui passerait de 62 millions à 27 millions d'euros, soit -56,45%. Une baisse drastique qui, jugent les acteurs concernés, risquerait d'ébranler l'écosystème de l'inclusion numérique.

La politique d'inclusion fragilisée

La Mednum a été la première à réagir dans un communiqué daté du 23 octobre. La coopérative qui fédère les structures d'inclusion numérique juge ce coup de rabot "incompréhensible" alors même que la politique mise en place depuis 2020 commence à porter ses fruits. Elle rappelle que "ce dispositif de proximité, dédié à l’inclusion numérique" est "connu et identifié par plus de 2,7 millions de bénéficiaires" et représente déjà "plus de 4 millions d’accompagnements". Elle ajoute, chiffres à l'appui, qu'il a aujourd'hui fait ses preuves avec 97% des personnes accompagnées ayant le sentiment de progresser et 93% qui affirment gagner en autonomie numérique. Aussi la Mednum estime-t-elle que le retrait de l’État, dès 2025, "trop soudain pour permettre la transition", va "fragiliser les efforts en matière d’inclusion numérique". La coopérative ajoute qu'il s'agit d'une "grave erreur stratégique", alors que le besoin de proximité est "criant" à l'heure où la France rurale et des quartiers prioritaires souffrent du "retrait des services publics". A court terme, la Mednum s'inquiète pour le devenir des CNFS dont le contrat pourrait s'arrêter brutalement et espère que les députés rétabliront le budget à hauteur de 60 millions d'euros.

Engagements de l'Etat non respectés

Du côté des associations d'élus, on s'étrangle également. On nous explique ainsi à l'Avicca que concrètement, cela signifie que 2.500 CNFS ne pourront pas être financés sur les 4.000 contrats prévus. Sauf si les collectivités acceptent de compléter l'addition, cas de figure fort peu probable à l'heure où on leur demande un effort de 5 milliards d'euros (voir notre article). L'Avicca s'étonne même que "cela soit juridiquement possible, puisque l'État a signé des engagements avec les collectivités". La décision apparait d'autant plus paradoxale que les préfets – au moins jusqu'à l'été dernier – étaient chargés de décliner localement la stratégie nationale France numérique ensemble (FNE). Celle-ci, élaborée en 2023 en concertation avec les associations d'élus, définit un cadre de coopération entre l'État et les collectivités. 

Remise en cause de France numérique ensemble

Elle prévoit des engagements respectifs, dont le financement dégressif des CNFS par l'Etat en attendant de mobiliser d'autres ressources à partir de 2027. La mise en œuvre de la stratégie FNE, qui couvre les CNFS mais aussi l'ingénierie, la formation, l'outillage, avait par ailleurs été chiffrée à 200 millions d'euros par la Belle Alliance, le collectif numérique de 13 associations d'élus (voir notre article) . Des amendements au PLF 2024 avaient été déposés pour tenter d'amorcer la pompe. La soixantaine de millions d'euros inscrits pour 2024 avait alors fait figure de lot de consolation. 
Avec moins de 30 millions d'euros, la stratégie FNE pourrait donc tourner court. Un communiqué de la Belle Alliance et des courriers aux ministres concernés sont en préparation pour mobiliser les parlementaires et rappeler à l'État ses engagements.