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Huit lagunes de Méditerranée contaminées par des pesticides, selon une étude inédite

Huit lagunes de Méditerranée sur les dix suivies dans le cadre d'une étude pilote publiée ce 3 novembre par l'Agence de l'eau Rhône-Méditerranée-Corse et l'Ifremer sont fortement contaminées par les pesticides. Le risque est jugé "préoccupant pour la santé de ces écosystèmes et leur biodiversité", selon l'étude qui a analysé l'impact du cumul de ces substances.

S’appuyant sur un nouvel indicateur de risque écologique, le rapport "Observatoire des lagunes (Obslag) Pesticides"  publié ce 3 novembre par l'agence de l'eau Rhône-Méditerranée-Corse et l'Ifremer, en partenariat avec l'université de Bordeaux, alerte sur les menaces que font peser les pesticides sur les lagunes méditerranéennes.

72 pesticides traqués

Entre 2017 et 2019, l’équipe du laboratoire Environnement Ressources Languedoc Roussillon de l’Ifremer à Sète a traqué 72 pesticides grâce à des échantillonneurs passifs, capables de détecter les composés présents dans l’eau, même à très faible dose. Ces échantillonneurs ont été immergés durant trois semaines à trois périodes de l’année dans dix lagunes : les étangs de Canet, de Bages-Sigean, de l’Ayrolle, de la Palme, de Thau, de Vic, du Méjean, de l’Or, de Berre, et de Biguglia.
Dans huit de ces dix lagunes, un risque jugé "fort" pour la santé des écosystèmes a été relevé. L'étang de l'Or, près de Montpellier, est la lagune où le risque lié à la présence de pesticides est le plus prégnant, selon l'étude. Seuls les étangs de la Palme (Aude) et de Biguglia (Corse) présentent un risque faible.
Entre 15 et 39 pesticides ont été retrouvés dans chaque lagune étudiée alors que ces milieux naturels sont parmi les écosystèmes les plus riches en termes d'habitats et de biodiversité marines. Si aucune substance "prioritaire" n'a dépassé sa valeur-seuil au cours de l'étude, 10 substances considérées comme "non prioritaires" l'ont franchi, représentant chacune un risque pour les écosystèmes lagunaires.

Étude du risque lié au cumul des pesticides

Deux herbicides inquiètent particulièrement les scientifiques : le s-métolachlor et le glyphosate, souligne l'étude qui insiste sur la problématique à part entière qu'engendre le cumul des pesticides. Ainsi, selon les chercheurs, même si l'on parvenait à supprimer l'effet individuel des substances en réduisant leur concentration en deçà de leur valeur-seuil, l'effet du cumul des pesticides entraînerait encore un risque chronique pour 84 % des prélèvements réalisés dans le cadre de cette étude.
"D'ordinaire, dans le cadre des suivis de la qualité des eaux, seul le 'risque individuel' d'une vingtaine de substances jugées prioritaires est évalué", explique Dominique Munaron, chercheur en chimie de l'environnement à la station Ifremer de Sète. "Le risque pour l'écosystème intervient lorsque la concentration de l'une de ces substances dépasse sa valeur-seuil, au-delà de laquelle nous savons qu'elle est toxique pour au moins une espèce vivante. Ici, nous avons évalué pour la première fois le risque lié au cumul de pesticides : même présents en-deçà de leurs valeurs-seuils individuelles, les pesticides peuvent voir leurs effets s’additionner et nuire au fonctionnement de ces écosystèmes lagunaires et aux organismes qui y vivent : à leur reproduction, leur développement ou encore leur immunité."
Pour définir ce nouvel indicateur de risques cumulés, les chercheurs ont transposé aux écosystèmes marins les connaissances acquises sur les effets toxiques de ces mélanges sur l'homme. "Bien que perfectible, cet indicateur appliqué de la même manière sur l'ensemble des sites permet de préciser et comparer le risque 'pesticides' en fonction des lagunes, des groupes d'espèces, des périodes ou années de suivi ", souligne Dominique Munaron.

"Informations pour agir en amont sur les usages des pesticides"

"Avant cette étude, l'état chimique de ces lagunes était considéré comme 'bon' puisqu'aucun des 22 pesticides 'prioritaires' suivis d'ordinaire tous les trois ans dans le cadre de la directive-cadre sur l’eau ne dépassait sa valeur-seuil", précise aussi Karine Bonacina, directrice régionale de l'agence de l'eau Rhône-Méditerranée-Corse. "Cette étude modifie notre regard ; elle met en lumière l'urgence de prendre en compte les cocktails de pesticides et leurs effets sur ces milieux naturels."  "Grâce à ces nouvelles données, nous disposons d'informations concrètes pour agir en amont sur les usages des pesticides qu'ils soient d'origine agricole, urbaine ou industrielle", conclut-elle.
Ce nouveau protocole de suivi sera reconduit sur l’ensemble des dix lagunes de Méditerranée ces prochaines années et pourrait être appliqué à l'avenir aux lagunes et estuaires des autres façades maritimes françaises.

 

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