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Aménagement numérique - Haut débit satellitaire : de nouvelles avancées pour réduire la fracture numérique

Le satellite offre-t-il une alternative sérieuse aux usagers vivant dans les zones où le débit est médiocre ? L'Association des départements de France (ADF), l'Association nationale des élus de montagne (Anem) et Eutelsat organisaient un séminaire le 1er février sur le sujet. Le moment était bien choisi. Cette rencontre coïncidait en effet avec la présentation du bilan du programme national de démonstration lancé fin septembre 2011 dans douze départements par par les trois partenaires. Il s'agissait de donner aux familles, aux petites entreprises, ainsi qu'aux établissements publics (mairies, EPCI) des zones de montagne et rurales la possibilité de tester l'offre Tooway proposée par Eutelsat depuis la mise en service, en mai 2011, de son satellite de dernière génération Ka-Sat.
En ouverture, le sénateur de Haute-Saône Yves Krattinger, président de la commission "aménagement du territoire, transports, infrastructures et NTIC" de l'ADF, donnait la tonalité des préoccupations des élus : "L'élaboration des schémas directeurs confirme l'existence d'une fracture numérique plus étendue que prévue. 500.000 foyers ne sont toujours pas éligibles au haut débit et 2 millions ont un débit inférieur à 512 Kbps. Or beaucoup de Français disent ne pas vouloir attendre. Notre souci est de trouver rapidement le meilleur service pour ceux qui se considèrent comme les oubliés du haut débit." Dans la panoplie des solutions de transition et alternatives, le satellite offrait jusque-là des performances médiocres au point de susciter encore aujourd'hui une certaine méfiance. Il convenait d'apporter des éclaircissements sur la qualité de l'offre et ses performances.

Des antennes multihabitations pour partager la connexion

Sur le papier, Tooway dépasse en performances les technologies satellitaires existantes, avec une moyenne de 10 Mbps pour 250.000 foyers et un maximum à 20 Mbps pour les professionnels. La prestation inclut un service voix sur IP et une option télévision équivalents au "triple play" des zones dégroupées. Le canal remontant offre des débits allant de 1 à 4 Mbps, contre 300 Kbps dans les technologies antérieures. Le signal peut être récupéré afin d'être distribué en wifi. Eutelsat travaille également sur des antennes multihabitations afin de rendre le partage d'une connexion possible, sur un hameau par exemple. Les tarifs sont supérieurs à ceux de l'ADSL, mais dans des proportions raisonnables. Certaines offres proposées par les distributeurs agréés se situent entre 35 et 40 euros pour 10 Mbps. Le seul obstacle reste le coût d'installation de l'antenne et du modem qui peut atteindre 600 euros, mais que certaines collectivités prévoient en partie de financer.

95% des testeurs prêts à s'abonner

Les performances annoncées semblent se confirmer sur le terrain. Dans une enquête récente, 95% des participants à l'expérimentation (une cinquantaine de personnes et entités) indiquent leur souhait de s'abonner au service après quelques mois d'utilisation. Et 60% lui donnent la note de 8 sur 10 sur les critères de rapidité et de continuité du service. Des résultats encourageants pour la suite. Eutelsat prévoit en effet d'accélérer son déploiement. Un millier d'antennistes supplémentaires seront bientôt formés afin d'augmenter le nombre d'installateurs agréés. Et deux nouveaux accords de commercialisation avec Nordnet, filiale d'Orange, et Nomotech, filiale de SFR, ont été récemment conclus, ce qui densifiera le réseau de distribution.

Une offre qui restera limitée

"L'option satellitaire va devenir très séduisante pour les territoires qui se préparent à une longue attente sur l'arrivée du très haut débit", estime Vincent Descoeur, député du Cantal et président de l'Anem. Quelques méfiances restent encore à lever, notamment les risques de dégradation de performance lorsque le service aura atteint un seuil élevé d'abonnés. Eutelsat affirme "qu'il n'y aura pas de baisse", tout en reconnaissant la nécessité de "gérer la qualité de service" afin d'éviter par exemple qu'une minortié d'utilisateurs ne consomment l'essentiel de la bande passante avec des téléchargements. Mais une fois les interrogations levées sur les performances, la seule ombre au tableau reste la faible amplitude de l'offre. Même l'hypothèse du lancement d'un second satellite par Eutelsat qui ouvrirait globalement l'offre à 500.000 foyers ne rassure pas complètement. "D'après nos études sur le modèle économique du plan national Très Haut Débit, explique Yves Krattinger, les objectifs de déploiement de la fibre ne seront pas concrétisables dans les délais annoncés. Nous ne voyons pas comment financer les 40% de foyers restants sans mutualiser les zones denses et moins denses. Cet obstacle risque de laisser beaucoup de monde hors du jeu. Et c'est bien tout le débat qui anime les élus locaux aujourd'hui", conclut-il.
Le satellite, dans sa nouvelle configuration technologique, semble bien représenter une solution alternative durable dans les zones les plus reculées, là où la fibre ne sera pas acheminée avant longtemps, et une solution temporaire pour les territoires qui devront attendre une montée en débit ou le raccordement à la fibre. L'option satellitaire est entièrement autofinancée par des capitaux privés et ne coûte donc rien aux collectivités territoriales tout en représentant une promesse de réduction de la fracture numérique dans les zones les plus isolées. Mais son incidence restera limitée et d'autres solutions économiques ou cofinancées avec le secteur privé devront être recherchées.

 

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