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Métropole - Grand Paris : "Nous avons pris énormément de retard"

La métropole du Grand Paris, instance de gouvernance entre Paris et son agglomération, n'est pas encore née qu'elle est déjà vivement critiquée : une coquille vide pour certains, un périmètre non adéquat pour d'autres... Les griefs, nombreux, ont pu être exprimés à l'occasion de la troisième conférence sur le Grand Paris, organisée le 6 octobre 2015, pourtant initialement consacrée au projet vu sous l'angle du "défi pour la compétitivité économique"...

Coquille vide, périmètre à revoir, retards… à l'occasion de la troisième conférence sur le Grand Paris organisée le 6 octobre 2015 à Paris sur le "Grand Paris, le défi de la compétitivité économique", les échanges ont été vifs autour de la gouvernance et de la mise en oeuvre du Grand Paris. La création de la métropole du Grand Paris, dont une mission de préfiguration est en cours depuis un an et demi, est prévue pour le 1er janvier 2016 dans le cadre de l'article 17 septdecies de la loi du 7 août 2015 portant réforme territoriale de la République (Notr). L'article est une réécriture de l'article 12 de la loi de modernisation de l'action publique territoriale et d'affirmation des métropoles (Maptam) du 27 janvier 2014.
La métropole sera un établissement public de coopération intercommunale (EPCI) à fiscalité propre. Le décret du 30 septembre 2015, publié le 2 octobre, donne sa composition : elle sera constituée de 131 communes, dont Paris, soit toutes les communes de la petite couronne, avec en plus Argenteuil et les six communes de la communauté d'agglomération des Portes de l'Essonne (1). La métropole sera dotée d'un conseil métropolitain d'environ 210 élus, contre près de 350 membres prévus initialement, et installée à Paris. Elle disposera de quatre grandes compétences : l'aménagement de l'espace métropolitain, la politique locale de l'habitat, le développement économique et la protection de l'air et de l'environnement.
Les deux premières compétences ne seront en revanche transférées qu'à partir du 1er janvier 2017. Un point qui déçoit. "La métropole n'aura aucun pouvoir pendant un an, les compétences étant différées à 2017. Pendant un an, elle ne pourra que 'préparer'", a regretté Christophe Caresche, député de Paris, lors de la conférence.
La métropole ne pourra en effet se charger ni de l'élaboration du schéma de cohérence territoriale (Scot), ni du plan métropolitain de l'habitat et de l'hébergement (PMHH) avant cette date… Elle pourra en revanche travailler à l'élaboration du plan climat air-énergie territorial dès sa création en 2016. Certaines compétences opérationnelles, comme les opérations d'aménagement ou la constitution de réserves foncières ne seront quant à elles exercées par la métropole que si elles sont reconnues d'intérêt métropolitain. Un intérêt métropolitain qui doit être défini avant le 31 décembre 2017. D'ici là, les compétences sont exercées par les établissements publics territoriaux (EPT) qui constituent la métropole.
Celle-ci est en effet organisée en douze EPT, comprenant chacun au moins 300.000 habitants. Ces nouvelles entités ont été créées par la loi Notr. Il s'agit d'EPCI sans fiscalité propre (sauf de 2016 à 2020 où ils percevront la cotisation foncière des entreprises), soumis aux dispositions applicables aux syndicats de communes.
Le préfet de région, Jean-François Carenco, a dévoilé en juillet 2015 la carte de ces douze futurs territoires envisagés (2). Un décret à paraître en décembre 2015 va fixer le périmètre de ces territoires. Il est actuellement soumis aux communes membres.

"Une coquille vide"

Ces EPT seront dotés dès le 1er janvier 2016 de l'ensemble des compétences des EPCI préexistants et de celles fixées par la loi, à savoir : politique de la ville, assainissement et eau, gestion des déchets et assimilés. Ils devront élaborer un plan climat air-énergie, compatible avec celui de la métropole, et un plan local d'urbanisme intercommunal (PLUi) qui devra être soumis pour avis simple à la métropole. Ces PLUi devront être compatibles avec le Scot métropolitain et avec le PMHH.
Une répartition des compétences vivement critiquée par Christophe Caresche. "On a une coquille vide notamment en matière d'aménagement du territoire, a ainsi dénoncé le député de Paris. Il est prévu que la métropole ait une compétence infime en matière de PLU : le texte prévoit qu'elle donnera un avis sur les PLU élaborés par les intercommunalités et si une commune n'est pas d'accord, il y aura un droit de veto des intercommunalités… Comment faire de l'aménagement du territoire avec ce système, cela ne marche évidemment pas !"
Pour Roland Castro, architecte et membre du conseil scientifique de l'Atelier international du Grand Paris (AIGP), la répartition des compétences est pourtant simple. Aux communes le social et les permis de construire, aux intercommunalités le rôle de fixer les quotas de logements à construire, et au "maire" du Grand Paris, qui à ses yeux devrait être élu au suffrage universel, les grandes questions régaliennes, les grands équipements et les opérations type Jeux olympiques.
Le périmètre géographique du Grand Paris est également critiqué. "On est sur quelque chose qui n'est pas abouti, a déploré Alex Bachelay, député des Hauts-de-Seine, membre du comité de pilotage de la mission de préfiguration de la métropole du Grand Paris. A force de ne vouloir faire de peine à personne, on perd le fil de l'ambition qui doit être la nôtre." Les contours du Grand Paris font débat depuis le départ. Initialement, le projet devait se concentrer sur la petite couronne avec Paris et trois départements (Hauts-de-Seine, Seine-Saint-Denis et Val-de-Marne). Mais avec la perspective des élections régionales 2014, les avis changent. Claude Bartolone, président de l'Assemblée nationale et candidat PS à la présidence de la région Ile-de-France, a rejoint la position adoptée depuis longtemps par son adversaire des Républicains, Valérie Pécresse, sur l'idée de penser le Grand Paris à l'échelle régionale. "Il faudra revoir le périmètre de cette métropole, c'est un vrai sujet, tout le monde doit s'y mettre", a insisté Alex Bachelay.

L'Ile-de-France : un aspirateur ou un diffuseur ?

Enfin, la question du retard du Grand Paris a également été mise en avant. "J'ai le sentiment que nous avons pris énormément de retard, a affirmé Christophe Caresche, Roland Castro a parlé de ça il y a plus de trente ans ! Des villes comparables en Europe se sont dotées d'une gouvernance de métropole adaptée, certaines métropoles françaises aussi, mais pour Paris cela ne fonctionne pas." Un retard par rapport aux évolutions de la société a également été noté. "Nous évoluons avec une échelle qui a vingt ans de retard avec des projets qui mettent vingt ans à être construits ! C'est une course permanente pour rattraper la réalité", a appuyé Pierre Messulam, directeur général adjoint de SNCF Transilien, chiffres à l'appui. La structure de la population de Paris, et des petite et grande couronnes dans les années 1970 n'a plus rien à voir avec la structure d'aujourd'hui : la progression se fait surtout dans les petite et grande couronnes. Même topo pour les emplois, qui croissent surtout en petite et grande couronnes, et pour l'évolution du nombre d'étudiants ou même du nombre de lits d'hôpital… Des évolutions qui ont une incidence directe sur les transports, avec les trajets qu'elles impliquent. Cette absence d'anticipation entre les politiques de logement, d'emploi, de transports et de services a été soulignée par Michel Piron, député du Maine-et-Loire. "L'Ile-de-France représente 30% du PIB métropolitain, avec 19% seulement de la population. Il faut savoir quel est son rôle : plutôt un aspirateur ou un diffuseur ?, a-t-il questionné. Nous n'avons plus de vision transversale, de projets pour regarder à vingt ans."
Malgré ce sombre tableau, l'optimisme reste de mise. "Depuis deux à trois ans, le décollage est fait, il faut l'accélérer et mettre les moyens. Les choses avancent", a ainsi tempéré Alex Bachelay, tandis que Jacques J.P. Martin, maire de Nogent-sur-Marne, vice-président de Paris métropole, co-président de la mission de préfiguration de la métropole du Grand Paris, a invité à voir "le verre à moitié plein". "On a un outil, on arrivera bien à créer un sens à cette métropole !"

Emilie Zapalski

(1) Paray-Vieille-Poste, Athis-Mons, Morangis, Savigny-sur-Orge, Juvisy-sur-Orge, Viry-Châtillon.
(2) Paris, Sud Hauts de Seine, GPSO (Grand Paris Seine Ouest), La Défense, Boucle Nord 92, Plaine Commune, Territoire des aéroports, Est Ensemble, Grand-Paris Est, Actep (Association des collectivités territoriales de l'Est parisien), Plaine Centrale-Haut Val Marne- Plateau Briard, Val de Bièvre-Seine Amont-Grand Orly

 

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