Geotrek : du logiciel libre à la création d’un écosystème numérique de la randonnée

Né en 2011 de l’initiative du Parc national des Ecrins et de son homologue du Mercantour Geotrek est un logiciel libre utilisé par une centaine de structures pour gérer et promouvoir les sentiers de randonnée. Signe de son succès, Geotrek est désormais un outil de référence pour l’IGN comme pour de nombreuses startups positionnées sur les sports de nature.

« En 2011 le Parc national des Ecrins était utilisateur de nombreux logiciels libres mais nous souhaitions devenir contributeurs à cette communauté » raconte Camille Monchicourt responsable du pôle Système d’informations au Parc national des Ecrins. C’est alors qu’à l’occasion d’un projet d’application de gestion des sentiers de randonnées, le parc national a eu l’idée de s’associer à son homologue du Mercantour pour rédiger un cahier des charges commun exigeant la publication du code source du logiciel. 10 ans après le succès est au rendez-vous : plus de 100 entités utilisent ce qui est devenu Geotrek : parcs nationaux et régionaux, départements, communautés de communes… Le logiciel a même séduit des acteurs italiens, canadiens ou colombiens. Au total, la valeur créée a été évaluée à plus de 1,5 million d’euros.

Outil de gestion et de promotion

Ce logiciel répond à deux besoins principaux. Il facilite la gestion des sentiers de randonnée (balisage,aménagements, entretien…) en permettant aux nombreux intervenants (collectivités, associations, parcs nationaux et régionaux…) de partager des données, de mieux se coordonner. C’est ensuite un outil de promotion des sentiers proposé aux randonneurs pour préparer leur trek. Tous les itinéraires sont agrémentés de descriptifs, de photos et les tracés peuvent être téléchargés aux formats compatibles avec les GPS du marché. Geotrek est bien entendu aussi accessible sur mobile. Il n’y a cependant pas de plateforme nationale Geotrek : chaque structure peut l’adapter à son propre dispositif de communication, choisir ses fonds de cartes (OSM, Topo IGN). Au Parc national des Ecrins, en pleine saison, le site est consulté 1500 fois par jour.

Démarrer petit pour mieux grandir

La première version du logiciel, développée par la société Makina corpus, a été financée par les deux parcs nationaux pour un coût de 70 000 euros (45 K€ Parc national des Ecrins et 25 K€ Parc national du Mercantour). « Notre grande chance a été de démarrer le projet à deux parcs nationaux car cela nous a permis de concilier efficacité, généricité et conception d’un outil centré sur les besoins communs » explique Camille Monchicourt. Depuis, chaque utilisateur peut ajouter de nouvelles fonctionnalités qui, selon le principe du logiciel libre, sont reversées à la communauté. Et la société Makina Corpus n’a pas d’exclusivité, chacun étant libre de recourir aux entreprises de son choix. Certaines structures ont les ressources informatiques pour le faire, d’autres font appel au réseau de prestataires qui s’est bâti autour de Geotrek.

Institutions et startups impliquées

Signe du succès du projet, des acteurs institutionnels comme l’IGN se sont rapprochés de Geotrek : désormais des sentiers créés dans Geotrek peuvent être publiés dans IGN Rando. Geotrek est également raccordé à Suricate, une application développée par le Pôle ressources national des sports de nature du ministère chargé des sports, pour signaler les problèmes rencontrés sur les sentiers. Plusieurs startups ont aussi rejoint l’écosystème comme l’application touristique Mhikes ou encore Kalkin qui propose un outil de visualisation 3D de l’offre de randonnées. Une intégration facilitée par les API créées par Geotrek pour faciliter les échanges de données vers des applications métier (SIG) ou des applications grand public.

Une gouvernance légère, une communauté avant tout

« Le succès venant nous nous sommes interrogés sur la gouvernance de Geotrek. Nous avons mis en place un comité de pilotage mais en fait il n’a pas de rôle décisionnel sur les fonctionnalités et les développements de l’outil. Tout se fait dans des groupes de travail centrés sur des sujets métier » précise le géomaticien. Quant à la communauté, son animation repose sur un site internet, une liste de diffusion et, surtout, une rencontre annuelle particulièrement suivie. La création d’une structure n’est à ce stade pas indispensable même si les passionnés à l’origine du projet avouent consacrer beaucoup de temps à animer pour « garder la dynamique et la cohérence ». En revanche, l’écosystème sait s’unir quand c’est nécessaire. Ainsi un groupement de commande de 350 000 euros a permis de faire une mise à jour importante de Geotrek entre 2019 et 2021. Et un groupe de travail a été créé pour définir un format de données commun pour les sentiers de randonnées. Publié sur schema.data.gouv.fr il deviendra la référence pour tous ceux qui veulent publier leurs sentiers en open data.

Parc national des Ecrins

Camille Monchicourt

Responsable du pôle SI / Géomaticien

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