Francis Levy (fédération des Geiq) : "Les publics éloignés de l’emploi sont le plus souvent réfractaires à la formation"

Au moment où les Geiq (groupements d’entreprises pour l’insertion et la qualification) renouvellent leur appellation, le directeur général de la fédération qui les réunit, Francis Levy, rappelle le rôle clé qu’elles sont amenées à jouer en matière d’insertion des publics les plus éloignés de l’emploi.

Localtis - Pouvez-vous nous rappeler ce que sont les Geiq et quel est leur objet ?

Francis Levy - Les Geiq sont des groupements d’entreprises, en général d’un même secteur d’activité, évoluant sur un même territoire et qui se regroupent pour répondre à des difficultés de recrutement avec la volonté d’aller chercher des personnes qui rencontrent des difficultés dans l’accès à l’emploi. Pour les entreprises, il s’agit avant tout d’un outil de politique RH, d’insertion et de formation ainsi que de développement territorial.

Comment ces groupements fonctionnent-ils et sont-ils présents partout en France ?

Concrètement, en fonction des besoins des adhérents, le Geiq identifie des publics en lien avec Pôle emploi, les missions locales et l’ensemble des acteurs concernés sur le territoire, puis procède à des recrutements en contrat de professionnalisation avec un objectif : organiser le parcours de formation au plus près des besoins des entreprises et des personnes recrutées. Des parcours à la carte, en somme. Nous sommes présents partout en France mais le secteur dans lequel nous sommes le plus représentés est celui du BTP. De nombreux Geiq sont également présents dans l’industrie, le secteur de la propreté, les transports, l’agriculture ou encore l’aide à domicile.

Vous évoquez les difficultés de recrutement comme élément fondateur de ces Geiq. Les tensions sur le marché de l’emploi sont-elles de nature à renforcer l’utilité même des Geiq ?

Les difficultés de recrutement sont effectivement de plus en plus grandes pour beaucoup de nos adhérents, quels que soient les secteurs concernés. Le marché de l’emploi est globalement tendu ce qui pose un double enjeu : trouver les personnels pour faire tourner nos entreprises, et le faire dans un marché du travail dynamique qui nous impose d’aller chercher des candidats de plus en plus éloignés de l’emploi. C’est aussi pour cela que de plus en plus d’entreprises frappent à notre porte.

Comment définiriez-vous la valeur-ajoutée d’un Geiq pour une entreprise qui souhaite y adhérer ?

En matière de recrutement, notre modèle est plus efficace que si une entreprise se lance seule, que ce soit en matière d’identification des publics ou même sur le recrutement lui-même, surtout lorsqu’il s’agit d’une PME. Le Geiq devient ainsi le premier interlocuteur de ses membres face aux acteurs de l’emploi sur le territoire, même si nous utilisons aussi des moyens directs pour toucher les publics à travers des annonces ou bien encore une présence sur les réseaux sociaux. Nous travaillons également avec des organismes de formation qui mènent des actions de requalification, voire avec les départements eux-mêmes ou les associations de quartiers, les clubs sportifs.

Comment fonctionne l’intégration des candidats ?

De plus en plus souvent, avant le recrutement en contrat d’alternance, nous procédons par la voie d’actions préparatoires avec des mise en situation professionnelle, des préparations opérationnelles à l’emploi, individuelles ou collectives, ou encore à travers des dispositifs régionaux. C’est un sas utile pour faire découvrir les métiers à des personnes éloignées de l’emploi et leur permettre d’acquérir les premières bases, les "soft skills", qui leurs seront utiles par la suite. D’une manière générale, cela permet de faire tomber les idées reçus, des deux côtés.

En recrutant des personnes éloignées de l’emploi, les membres des Geiq ne sont-ils pas confrontés à des problématiques de formation ?

Cela pourrait être le cas mais ce dont il faut avoir conscience, c’est que ces publics sont par définition le plus souvent réfractaire à la formation et évoluer au sein d’une entreprise permet de débloquer les situations. Le gouvernement souhaite lancer une expérimentation sur la "VAE inversée" afin de valoriser les compétences acquises en situation de travail. C’est de notre point de vue une bonne manière de montrer aux publics visés qu’ils ont des compétences qui peuvent dans un second temps leur permettre de s’inscrire dans un parcours de formation. Mais dire que parce que l’on a eu moins de formation initiale, il faudrait davantage de formation par la suite est un peu fausse.

Vous êtes, dites-vous, de plus en plus concernés par les questions de reconversion professionnelle...

Aujourd’hui, la question des reconversions professionnelles est centrale et doit être discutée avec l’État. Clairement, nous sommes de plus en plus sollicités par des publics en situation de reconversion professionnelle choisie. Cela va devenir, je pense, un sujet de politique publique et, plus que cela, un sujet de société. Les Geiq auront un rôle à jouer autour de cette question et il faudra que nous en parlions avec l’État.

 

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