Alain Chrétien : en matière de foncier industriel, "il faut anticiper les besoins"

Avec les nouvelles contraintes environnementales, difficile pour les collectivités territoriales de disposer de foncier pour accueillir des entreprises, et particulièrement celles du domaine industriel qui ont besoin de beaucoup de surface. La communauté d’agglomération de Vesoul a anticipé la question, investissant dans une zone d'activité de 40 hectares il y a plus de dix ans. Mais même cette zone ne suffira pas à répondre aux besoins des entreprises dans le cadre du mouvement de réindustrialisation enclenché ces dernières années au niveau national et local. A l'approche du Congrès des maires, Alain Chrétien, maire de Vesoul et président de la communauté d'agglomération de Vesoul, nous détaille ses projets en la matière.

Localtis - Que pensez-vous de la loi relative à l'industrie verte du 23 octobre 2023 et notamment de la réintroduction de l'avis conforme des élus pour les projets d'intérêt national majeurs ?

Alain Chrétien - Nous sommes très heureux d'avoir été entendus. Au départ, la réponse était négative, mais après négociation, l'avis conforme des maires au démarrage a été réintroduit au Sénat à travers un amendement repris en commission mixte paritaire. C'est un point essentiel pour nous : c'est le maire qui donne le top départ de la procédure. C'est extrêmement important. Rien ne peut se faire en termes de réindustrialisation sans les maires. Nous sommes à 100% favorable à la réindustrialisation du pays et à la sobriété foncière et nous sommes habitués à gérer les injonctions contradictoires au bénéfice de l'intérêt général et de l'environnement.
 
Quelles sont vos attentes en matière de législation et de réglementation pour la réindustrialisation ?

Cette loi intervient après beaucoup d'autres textes (Reconquête de la biodiversité, Climat et Résilience, Accélération de la production d'énergies renouvelables / ENR, ZAN…) qui permettent de régir les relations entre les pouvoirs publics et la nature et d'atteindre un équilibre entre préservation de l'environnement et réindustrialisation. Nous espérons que cet environnement juridique est maintenant stabilisé. Il y a des mesures à long terme sur le financement, la réorientation de l'épargne des Français, à moyen terme avec de nouvelles obligations pour les entreprises, et à très court terme concernant les modifications des documents d'urbanisme. Nous espérons que l'État simplifie et réduise encore les procédures. Nous avons aussi une inquiétude concernant les critères environnementaux utilisés dans le cadre de la commande publique. Il faut faire attention à ne pas faire peser sur les PME des critères trop exigeants. Elles n'ont pas forcément les moyens d'audit des grandes entreprises. Attention à ne pas restreindre les marchés publics aux seules grandes entreprises.
 
Concernant Vesoul, quelle est la situation en matière de réindustrialisation ?

Notre territoire dispose d'une locomotive à travers le groupe Stellantis qui fournit en pièces détachées l'ensemble des sites de France, d'Europe et du monde. L'unité logistique s'étend sur 130 hectares. Avec la loi Climat et Résilience et le ZAN, nous avons réalisé un recensement des zones vacantes disponibles. L'agence économique régionale Bourgogne-Franche-Comté a réalisé ce diagnostic qui révèle que nous avons 1,5% de vacance économique, soit sur 100 m2, 1,5 m2 disponible. Vesoul n'a plus de foncier disponible depuis longtemps. Heureusement, nous avons anticipé les choses. Nous avons cherché très tôt, dès 2013, à réhabiliter du foncier ancien mais aussi à créer de nouveaux espaces économiques, en l'occurrence une zone d'activité de 40 hectares sur le secteur Echenoz-Sud, près du rond-point de Vallerois-Lorioz sur la RN57. Mais il a fallu dix ans pour acquérir les terrains, obtenir les autorisations, contracter les prêts… C'est une procédure qui est très longue : dix ans entre la première décision et le début des travaux ! Les entreprises, elles, n'attendent pas, elles partent ailleurs. Et avec les nouvelles règles, aujourd'hui, cette zone ne pourrait pas voir le jour.
 
À quel type d'entreprises cette zone est-elle destinée ?

Étant proche des axes routiers, cette zone attire le secteur de la logistique. Nous essayons toutefois de limiter les emprises foncières, et nous allons même rétablir de la biodiversité sur cette zone, avec des plantations de haies, d'arbres et des zones humides. En attendant qu'elle soit disponible, nous tentons de nous débrouiller, avec des friches réhabilitées, comme les anciens abattoirs devenus zones de services avec une dizaine d'entreprises dont des organisations publiques sur 1,5 hectare. Il y a aussi l'ancienne scierie devenue manufacture de maroquinerie, avec l'installation de MDL, la Manufacture du Lac, qui compte 150 salariés. Cette friche industrielle était en déshérence depuis quinze ans. Ces transformations existent mais cela nous a coûté très cher. Pour les abattoirs, il a fallu dépolluer, enfouir les terres polluées, sur des sites classés. On est à un coût de 70 à 80 euros le mètre carré tout compris, contre 20 euros le mètre carré s'il s'agit d'une zone non polluée ou non réhabilitée. Cela n'a rien à voir en termes de coût. Il y a aussi des acteurs multiples à mettre d'accord. Ce n'est pas simple. Puis parfois, nous avons dû refuser des entreprises de taille significative par manque de foncier.
 
Quelles sont vos perspectives dans le domaine du foncier industriel ?

Il faut que nous anticipions les besoins. Nous ne pouvons pas nous satisfaire de cette zone de 40 hectares. Il faut que nous continuions à réfléchir à une extension, que l'on fasse de la veille active sur les terrains industriels qui se libéreraient. Il doit y avoir une relation particulière entre la collectivité et les entreprises, car il faut anticiper les départs, les reconversions, avec les entreprises qui vivent et qui meurent. Il faut suivre cette évolution du foncier déjà occupé. 
Il me semble aussi qu'il y a un sujet sous-évalué, celui des sites naturels de compensation et de restauration. À travers cette démarche volontaire de réhabilitation de sites naturels dégradés, on peut avoir des droits à construire supplémentaires. En gros, il s'agit de prendre de l'avance via la renaturation sur les terrains que l'on va construire par la suite. C'est une démarche très embryonnaire qui mériterait d'être développée.

 

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