Financements européens : le Comité des régions plaide pour un "fonds chef de file"
Le Comité des régions a adopté l’avis du Français Thibaut Guignard visant notamment à généraliser l’approche du développement local conduit par les acteurs locaux à tous les fonds européens et à instituer un fonds "chef de file" afin d'unifier les règles de gestion.

© European Union- John Thys CC BY-NC-SA 2.0/ Thibaut Guignard le 20 février
C’est à l’unanimité que les membres du Comité européen des régions ont adopté, ce 20 février, en plénière, l’avis d’initiative du Français Thibaut Guignard visant à "donner plus de moyens financiers aux territoires ruraux pour financer leur stratégie de développement grâce à un multifonds obligatoire" et à une extension à tous les fonds de la démarche du "développement local mené par les acteurs locaux" (DLAL), appellation désormais consacrée de "l’approche Leader".
Un fonds "chef de file" à la place d’un "pot commun"
L’avis, adopté en commission NAT en décembre dernier (à l’unanimité moins une voix), a comme prévu été retravaillé à la marge (voir notre article du 11 décembre 2024). En lieu et place du "pot commun" initialement prévu, géré par les groupes d’action locale et qui aurait été alimenté par les différents fonds européens (Feader, Feder, FSE+, FTJ), le texte propose désormais un fonds "chef de file", qui homogénéiserait le règlement de l’ensemble des fonds utilisés, prévoirait une réglementation simplifiée pour les petits projets ainsi qu’une part dédiée au développement local par les acteurs locaux dans chacun des fonds. Concrètement, les seules règles du fonds chef de file s’appliqueraient à tous les autres fonds. "Je pense que le Feder devrait faire l’unanimité, plutôt que le Feader ou le FSE+", pronostique Thibaut Guignard.
Cette modification de l’avis initial fut motivée par le fait que le "pot commun" était parfois perçu comme un nouveau fonds, alors que l’heure est plutôt à leur concentration. La notion se faisant en outre d’autant moins porteuse depuis que la Commission européenne a proposé par ailleurs un fonds national unique dans le prochain CFP (voir notre article du 17 février), ce qui aurait pu entretenir une confusion d’autant plus préjudiciable que cette solution "recentralisatrice" de la Commission est vertement rejetée (voir notre article du 21 février). In fine, pour Thibaut Guignard, qu’importe l’étiquette du flacon, pourvu qu’on ait l’ivresse du "DLAL" ! Après réflexion, il juge même cette nouvelle architecture du fonds "chef de file" préférable, estimant son adoption plus réaliste : "Le mieux est l’ennemi du bien", nous confie-t-il.
"Période de plaidoyer"
Reste désormais à l’élu à prendre son bâton de pèlerin pour convaincre Commission, Parlement et Conseil du bien-fondé de la démarche et de la consacrer dans les textes. "L’adoption à l’unanimité est importante, car elle donne du poids dans cette période de plaidoyer", souligne Thibaut Guignard. Il a, à dire vrai, déjà commencé son travail de lobbying, ayant notamment relevé que figurait au menu du Conseil agriculture de ce 24 février la mise en œuvre du "test rural", procédure qui vise à mieux intégrer le développement rural dans les stratégies et les fonds de l’UE et à s’assurer que les politiques de l’UE soient bien adaptées aux spécificités des territoires ruraux. À l’issue de ce Conseil, auquel aucun ministre français n’assistait, les 27 ont d’ailleurs appelé à ce que "le développement rural reste une composante d’une politique agricole commune forte et indépendante". Le représentant français, Philippe Duclaud, directeur général de la performance économique et environnementale des entreprises au ministère de l’agriculture, y a insisté pour sa part sur le fait que la France était "très attachée [aux] outils du deuxième pilier" et que le concept de test rural lui semblait être "un principe de bonne administration et de bonne politique".
Big bang…
Reste également à savoir ce qu’il pourrait advenir de ce "fonds chef de file" si le projet de réforme du CFP proposée par la Commission devait être adoptée. "Sa proposition reste encore floue. Parle-t-on d’un plan nécessairement national, ou d’un plan national pouvant être décliné dans des plans régionaux ?", interroge Thibaut Guignard. "Et si la Commission devait d’aventure ouvrir la porte à une régionalisation du dispositif, le gouvernement français qui sera alors aux manettes n’aura-t-il pas la tentation de la refermer ?", demande-t-il encore. Un risque selon lui d’autant plus grand que "la technostructure a plutôt tendance à profiter de ces temps de disette budgétaire et d’instabilité politique pour recentraliser". D’où l’importance, insiste-t-il, "d’introduire une part de DLAL obligatoire dans les textes européens, afin que les États membres centralisateurs n’y coupent pas".
… ou pas ?
En l’absence d’un tel big bang, le président de Leader France souligne que sa proposition répondrait pleinement à l’objectif de simplification de la gestion des fonds que la Commission appelle de ses vœux dans sa dernière communication. "Les bénéficiaires rencontrent des difficultés pour se retrouver dans la multiplicité de règles et de critères" existante, relève Bruxelles, en observant que "la fragmentation des fonds, couplée à leur complexité et leurs rigidités, pèsent sur l’efficacité du financement de l’UE". "Entre le fonds unique que défendent certains et auquel le Comité européen des régions est opposé et la situation – complexe – actuelle, je vous propose un multifonds simplifié et qui fonctionne !", vantait-il ainsi auprès des membres du Comité des régions. Un message reçu fort et clair.