Financement des Sdis : les pompiers en attente de réponses

Pour la première fois, le ministre de l'Intérieur sera accompagné du ministre de la Santé pour la clôture du congrès annuel des pompiers qui se tient jusqu'à samedi à Toulouse. Les pompiers comme les départements attendent des arbitrages sur le financement des services d'incendie et de secours dont le modèle est jugé "à bout de souffle" par une série de rapports, en raison d'une d'augmentation continue du nombre d'interventions, sur fond de désertification médicale et de multiplication des risques climatiques.

Le ministre de l'Intérieur, Gérald Darmanin, se rend ce samedi à Toulouse, en clôture du congrès annuel des sapeurs-pompiers qui attendent des décisions sur le financement des services départementaux d'incendie et de secours (Sdis). Un système jugé "à bout de souffle" dans un récent rapport de l'inspection générale de l'administration (IGA) constatant une augmentation incessante du nombre d'interventions, en particulier dans le secours à personne, dans un contexte de désertification médicale (voir notre article du 1er février 2023). "Je vais confirmer les engagements du président de la République lors de la campagne", a déclaré le locataire de la place Beauvau, mercredi 4 octobre 2023, dans un entretien à La Dépêche du Midi. Des engagements qui se sont traduits par une série d'annonces le 28 octobre 2022, lorsqu'Emmanuel Macron avait présenté sa "stratégie nationale de lutte contre les incendies de forêts" (voir notre article), après un été dramatique : 72.000 hectares avaient alors brûlé (contre un peu plus de 14.500 à l'été 2023). Il avait tout d'abord promis une enveloppe de 150 millions d'euros pour équiper les Sdis dans le cadre des "pactes capacitaires" prévus par la loi Matras de 2021. Et une enveloppe de 250 millions d'euros pour le "réarmement aérien d'urgence", c'est-à-dire le renforcement de la flotte de canadairs.

Prendre en compte le "coût du sauvé"

Dans un entretien paru dans La Gazette des communes, le 3 octobre, Jean-Paul Bosland, président de la FNSPF (Fédération nationale des sapeurs-pompiers de France), demande que cette aide 150 millions d'euros "soit pérennisée car, au-delà des feux de forêt, ces équipements nous sont utiles dans la gestion des inondations ou des tornades, qui se multiplient en raison du réchauffement climatique". La fédération attend les suites à donner au rapport de l'IGA et à celui de l’ancien maire de Toulon Hubert Falco missionné par le chef de l’État, remis le 2 juin (voir notre article du 21 juin 2023). Tous deux invitent notamment à faire contribuer les compagnies d'assurance en vertu du principe du "coût du sauvé", c'est-à-dire l'argent économisé par les compagnies d'assurance grâce à l'intervention des pompiers. Ce qui passerait par une réforme du versement de la TSCA (taxe spéciale sur les conventions d’assurance), dont une part est reversée aux départements pour le financement des Sdis, comme le préconisait aussi le rapport de la mission flash constituée par l'association Départements de France à l'été 2022. Un sujet délicat qui avait valu quelques échanges d'amabilités entre le ministre et les départements, principaux financeurs des Sdis, l'an dernier (voir notre article du 6 septembre 2022). D'ailleurs, François Sauvadet, le président de l'association, intervient ce vendredi 6 octobre à Toulouse. L'occasion pour lui de redemander une augmentation de la fraction de la TSCA versée aux départements. Il plaidera par ailleurs "pour revoir le modèle à bout de souffle de l’État stratège et de la collectivité territoriale qui finance. Les départements doivent être impliqués dans la stratégie et l’État dans le financement. Ce qui suppose un travail étroit de coconstruction avec l’État qui doit intégrer les départements dans le processus de définition de la politique publique de sécurité civile", indique l'association, dans un communiqué. Autre piste défendue aussi bien par les départements que par l'IGA : le dégel de la contribution des communes.

Desserrer l'étau des missions sanitaires

Les départements appelleront aussi à "desserrer l'étau des missions sanitaires dues à l'essoufflement du système de santé et d'accès aux soins". À noter que, pour la première fois, le ministre de l'Intérieur sera accompagné de son homologue à la Santé, à savoir Aurélien Rousseau (la ministre déléguée chargée des collectivités territoriales et de la ruralité, Dominique Faure, investie dans la sécurité civile, était aussi présente lors de ce congrès). "Nous sommes souvent oubliés, alors que le secours à personne représente plus de 80% de notre activité. Les principaux enjeux sont la fluidification du partage d’informations avec les Samu, mais aussi l’avenir des Smur. Lorsqu’elles ferment, ce sont bien les sapeurs-pompiers qui pallient le manque d’infirmiers et de médecins", souligne Jean-Paul Bosland, dans la Gazette des communes.

Dans ce climat d'incertitude, deux dispositions du projet de loi de finances pour 2024, présenté le 27 septembre, sont venues jeter le trouble. Le texte supprime l’exonération de l’ancienne taxe intérieure de consommation sur les produits énergétiques (TICPE) pour les véhicules des Sdis, ainsi que l’exonération de malus écologique pour les véhicules d’intervention des acteurs de la défense des forêts contre les incendies (DFCI). "Deux mois et demi. C’est le temps qu’il aura fallu au gouvernement pour revenir sur deux dispositions majeures et consensuelles, pourtant adoptées avec le soutien des groupes de la majorité présidentielle, de la loi du 10 juillet 2023 visant à renforcer la prévention et la lutte contre l’intensification et l’extension du risque incendie", s'offusque, dans un communiqué, la commission spéciale "Risque incendie" du Sénat. Depuis, le gouvernement s'évertue à éteindre l'incendie. "Nous corrigerons cette coquille", a assuré le ministre de la Transition écologique, mardi, lors des questions au gouvernement. "Il n’y aura pas, dans le projet de loi de finances pour 2024, de remise en cause des avantages dont bénéficient les pompiers, qu’il s’agisse du tarif du gazole non routier (GNR) ou de la suppression du malus pour les véhicules de sécurité civile, ce qui serait absurde, compte tenu de la spécificité de leurs interventions."