Rennes et ses associations de quartiers mettent au point de nouveaux outils d'évaluation

Rennes est championne de la vie associative avec plus de 5.000 associations et des équipements culturels et sportifs dans chaque quartier de la ville. Si les subventions municipales aux associations sont incontournables, la mairie n'entend pas leur faire un chèque en blanc.

En 2004, la ville de Rennes décide de ne pas reconduire la convention qui la lie avec l'Office social et culturel de Rennes (OSCR), une structure parapublique, qui sert pourtant d'intermédiaire entre elle et les associations. Nous sommes alors à une période charnière : les élus définissent avec les responsables associatifs de nouvelles conventions pour une durée de six ans. Dans ce contexte, la fermeture inéluctable de l'OSCR joue comme un révélateur des limites atteintes par le système rennais. "L'office n'était plus en mesure d'accompagner les mutations du monde associatif", explique aujourd'hui Rozenn Rougerie, directrice de la vie associative à la mairie de Rennes.
La ville et les associations s'entendent sur un nouveau pacte, qui trouve sa concrétisation dans les conventions conclues avec les 26 équipements de quartiers - maisons de quartiers, maisons des jeunes et de la culture, centres culturels. Finis les objectifs trop généraux, impossibles à évaluer. Désormais, ces associations travailleront en fonction d'objectifs spécifiques définis avec la ville. C'est la grande nouveauté. "Par exemple, l'association qui avait pour objectif d'accueillir le tout public, devra porter une attention toute particulière à un public ciblé", précise Rozenn Rougerie. La démarche conduit du coup à repérer "les complémentarités des territoires et les savoir-faire particuliers des associations", souligne la directrice de la vie associative.

Indicateurs et critères

Fin 2005, l'heure du premier bilan approche. C'est pourquoi, les associations et la ville mettent au point des outils d'évaluation déclinés dans la charte "des engagements réciproques" en cours d'adoption définitive. Les grilles croisant indicateurs et critères permettront aux partenaires de se rendre compte si les objectifs ont été atteints ou non. "Pour une structure, il faut compter environ quatre indicateurs et quinze critères, résume Rozenn Rougerie. Ils sont adaptés à chaque structure. Si l'objectif fixé à l'association est d'offrir aux jeunes un lieu d'accueil permettant de définir avec eux un projet jeunesse, un des indicateurs sera par exemple la possibilité pour le jeune d'entrer en contact avec une personne référente."
Les gestionnaires des équipements de quartiers ont jusqu'au mois de mars pour élaborer leurs outils. A cette date, la ville de Rennes les analysera avant d'entamer au printemps des rencontres avec les directeurs d'associations. A l'issue de la période d'évaluation, les objectifs des équipements de quartiers seront maintenus, précisés ou réorientés. La ville tiendra compte de ces nouveaux éléments pour son projet de budget 2007. En fonction des résultats de l'association, elle décidera de l'évolution de la subvention complémentaire sur objectif, qui est l'une des composantes de la subvention totale affectée à l'association. Cette subvention serait d'un montant relativement minime, selon Rozenn Rougerie.

Subventions : de nouveaux critères d'attribution

La nouvelle politique d'évaluation de la ville de Rennes concerne essentiellement les équipements de quartiers, dont le poids dans le budget des subventions aux associations (9 à 10 millions d'euros par an) est élevé. Les autres associations aidées, de l'ordre d'un millier sur les 5.000 à 6.000 associations déclarées à Rennes, connaîtront une autre réforme. Celle de la répartition de leurs subventions. Tandis que les subventions d'un montant supérieur à 23.000 euros sont inscrites à une ligne spéciale du budget de la collectivité, les autres sont regroupées à l'intérieur de fonds globaux répartis entre les associations en fonction de critères dits "d'utilité sociale". Ces critères vont précisément être revus en 2006, en concertation avec les associations. "Ils sont objectifs, connus de tous et rendent le pouvoir politique moins discrétionnaire, mais ils ne font pas pour autant l'unanimité parmi les associations" nuance Nathalie Appéré, adjointe au maire déléguée à la vie associative. Il appartiendra à la nouvelle conférence locale ville-associations, qui sera installée en mars, de simplifier les modalités de répartition des aides aux associations.

Thomas Beurey / EVS Conseil pour Localtis

"Il est très difficile d'évaluer une convention dans son ensemble"

Adjointe au maire de Rennes déléguée à la vie associative, Nathalie Appéré pilote la nouvelle politique d'évaluation des subventions aux associations.

Pourquoi la ville de Rennes rénove-t-elle ses outils de contrôle ?

La notion d'évaluation me semble plus pertinente que celle de contrôle car elle renvoie à l'idée que la collectivité engage des fonds publics. La convention signée pour trois à six ans, formalise le croisement entre projets associatifs et objectifs politiques de la ville. L'évaluation permet, au moment du bilan, de voir si les objectifs définis sont remplis. Mais il est très difficile d'évaluer une convention dans son ensemble au bout de six ans. C'est pourquoi, nous mettons en place une grille d'évaluation et des indicateurs, en concertation avec les associations.

Ces outils vous permettent plus facilement de tirer des conclusions...

La municipalité ne peut pas dire aux associations : nous nous rencontrons tous les six ans par ce que nous vous aimons bien. En réalité, nous partageons une responsabilité commune dans les réponses à apporter aux habitants. C'est pourquoi, au vu du bilan de l'association, nous décidons effectivement avec elle, de poursuivre, d'arrêter ou de réorienter son action. Les grilles d'évaluation nous sont donc très utiles et grâce à elles, les associations peuvent aussi mieux connaître leur action. C'est un outil commun de pilotage.

Quels sont vos autres projets ?

Dans la charte que les associations ont validé à l'unanimité, le 16 décembre, la ville s'engage à favoriser le développement de la vie associative, tandis que les associations déclarent leur volonté de participer au développement de la cité. La charte sera soumise au vote du conseil municipal le 19 janvier. Nous mettrons aussi en place, au premier trimestre 2006 une conférence locale ville / associations, qui se réunira trois fois par an. Ce sera une instance de représentation des 5.000 à 6.000 associations rennaises, y compris les associations informelles et les collectifs d'habitants. Ce sera aussi un lieu d'observation. La ville y présentera les politiques qui ont un impact sur le monde associatif. Elle permettra également aux associations d'interpeller les élus.

Une procédure d'alerte pour prévenir les risques financiers

Les associations ont l'obligation d'informer la mairie dès qu'elles enregistrent un déficit de leur budget.

Les associations rennaises s'engagent à assurer une gestion saine de leur comptes. Responsable de l'analyse des risques des satellites de la ville, la direction du contrôle de gestion est le gendarme des comptes des associations, "à l'image de la chambre régionale des comptes" pour les collectivités locales, aime à comparer Nathalie Appéré, maire-adjointe déléguée à la vie associative. La direction du contrôle de gestion exerce en effet une surveillance des comptes d'une centaine d'associations conventionnées, sur la base de leurs documents comptables et financiers. Elle analyse et commente la situation financière de chaque association sur des fiches mises à la disposition des élus et des directeurs de l'administration municipale.
La direction est au courant des bons comme des mauvais bilans. Lorsqu'une association connaît des difficultés financières, elle en est même informée dans les deux mois qui suivent le constat. L'association s'engage en effet dans la convention qu'elle signe avec la ville à prévenir celle-ci par écrit et à l'informer des moyens qu'elle compte mettre en Suvre pour résorber un déficit. Si elle omet de le faire, la ville peut suspendre le versement de sa subvention. Si le déficit de l'association est compris entre 5% et 10% des charges de fonctionnement, la mairie réunit une instance de concertation financière, qui formulera des solutions.
Si le conseil d'administration de l'association les refuse, la ville pourra suspendre sa subvention. Si le déficit dépasse 10% des charges de fonctionnement, elle peut même résilier la convention la liant avec l'association. "Le déficit ne doit pas être un outil ordinaire de gestion, commente Nathalie Appéré. On ne fait pas un chèque en blanc à l'association."

L'évaluation, bien accueillie par les associations

Témoignages de deux directeurs d'équipements de quartiers qui se déclarent satisfaits de la méthode dévaluation qualitative mise en place par la mairie de Rennes.

Christophe Tigier, directeur de l'association Les Cadets de Bretagne
"L'évaluation mise en place n'est pas un "flicage de la ville". Au contraire, elle correspond à une demande de l'ensemble des directeurs d'équipements de quartiers en faveur d'une évaluation non plus seulement quantitative, mais également qualitative. Nous en avions assez du saupoudrage. Nous préférons que la ville finance deux ou trois actions spécifiques pour chaque association, comme maintenant. Aujourd'hui, l'association a des objectifs spécifiques avec des missions pointues. L'enfance, de préférence aux adolescents. C'est très différent de la situation d'avant, où l'association pouvait se positionner sur tous les publics. Maintenant, l'association peut cependant toujours se positionner sur d'autres publics, mais elle devra pour cela trouver des financements qui ne seront pas ceux de la ville."


Ruben Prunera, directeur de la maison de quartier de La Bellangerais
"La collectivité doit faire en sorte que sa politique puisse être évaluée. Et pour une structure associative, c'est important, aussi, de pouvoir réorienter, rectifier son action. Les élus ont à rendre des comptes, les associations elles aussi. L'évaluation n'est pas contraignante, puisque le cadre de la mission défini par la ville est large. En outre, quand on évalue l'action d'une association, ce serait une erreur de ne s'arrêter qu'à des éléments quantitatifs. Complémentaire, l'évaluation qualitative est également importante. Parce que le retour sur investissement, qui existe dans le social, est difficilement évaluable."

Aller plus loin sur le web :
 
Le portail des associations rennaises
http://www.assorennes.org
 
Le site internet de la ville de Rennes
http://www.rennes.fr
 
"L'accès au financement public", une fiche du site internet du gouvernement dédié aux associations
http://www.associations.gouv.fr/article.php3?id_article=26
 
Charte des engagements réciproques entre la ville de Rennes et les associations
http://www.assorennes.org/breve.php3?id_breve=2

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