Environnement - Etat de la biodiversité en France : la nature toujours soumise à de multiples pressions
Evolution inquiétante des espèces, état mitigé des milieux naturels, poursuite de la destruction des habitats, pollutions persistantes, progression des espèces exotiques envahissantes : le bilan 2016 de l'état de la biodiversité en France publié par l'Observatoire national de la biodiversité (ONB) à l'occasion de la Fête de la nature, qui s'est déroulée du 18 au 22 mai, montre que le patrimoine naturel reste soumis à de fortes pressions.
Concernant les espèces, 23% des populations d'oiseaux communs les plus sensibles aux dégradations des écosystèmes ont disparu entre 1989 et 2015. Pire encore : entre 2006 et 2014, le rythme de disparition des populations de chauves-souris a été de 46%. En outre, près d'un tiers (32%) des espèces évaluées dans les listes rouges de l'Union internationale pour la conservation de la nature (UICN) et du Musée national d'histoire naturelle sont menacées, dans des proportions allant de 8% à 50% selon les groupes d'espèces.
La situation n'est guère plus encourageante côté habitats et milieux naturels. La moitié des milieux humides (52%) et moins de la moitié des eaux de surface (43%) sont en bon état, et 22% seulement de l'ensemble des milieux naturels d'intérêt européen sont évalués en bon état de conservation. En revanche, les récifs coralliens sur les stations de suivi sont en état stable ou en amélioration pour les deux tiers (64%).
Dans les zones agricoles (la moitié du territoire métropolitain), les grands espaces en herbe ont connu une sensible régression entre 2000 et 2010 (-7,9%). Les haies, bois et landes insérés dans ces territoires représentaient 12% des surfaces agricoles en 2012, dernière année pour laquelle on dispose de données précises.
Poursuite de l'artificialisation des milieux naturels
"La destruction, la dégradation ou la banalisation des milieux naturels se poursuit", note l'ONB. Ainsi, en métropole, près de 67.000 hectares par an en moyenne ont été détruits par artificialisation entre 2006 et 2014. Les prairies, pelouses et pâturages naturels paient le plus lourd tribut avec un peu plus de 52.000 hectares artificialisés entre 1990 et 2012. La fragmentation des cours d'eau par des ouvrages s'est aussi poursuivie : en 2014, on relevait 16 obstacles à l'écoulement pour 100 km de cours d'eau. En outre-mer – et ce malgré l'espace contraint – 314 hectares ont été artificialisés annuellement entre 2000 et 2012. C'est la forêt qui est la plus touchée avec 783 hectares de forêts de feuillus perdus au cours de cette période.
Evaluée pour la première fois en 2016 par l'ONB sur un panel de 84 espèces problématiques, la progression des espèces exotiques envahissantes en métropole s'effectue à un rythme d'au moins six espèces supplémentaires par département par période de 10 ans sur les trente dernières années. L'enquête conduite auprès de l'ensemble des territoires d'outre-mer révèle que 60 des 100 espèces considérées par l'UICN comme les plus envahissantes au niveau mondial sont déjà présentes dans ces territoires malgré leur taille réduite.
Les pollutions continuent aussi de peser sur la biodiversité avec des évolutions contrastées. Entre 1998 et 2014, la situation s'est améliorée pour les cours d'eau : la présence d'orthophosphates a diminué de 49%, celle d'ammonium de 69% et celle de matières organiques de 49%. Mais les nitrates font de la résistance avec une baisse de 7% seulement au cours de la même période. Quant à la consommation de produits phytosanitaires, elle a poursuivi sa progression au rythme de 12% depuis la période de référence 2009-2011.
Plus d'initiatives en faveur de la biodiversité
Malgré cet état des lieux plutôt sombre, l'ONB note que les initiatives pour la préservation de la biodiversité s'intensifient aussi bien du côté de la société civile que des pouvoirs publics. Tout d'abord, la prise de conscience et la mobilisation s'accroissent : en 2015, un tiers des personnes sondées plaçaient l'enjeu de la préservation des espèces menacées parmi leurs deux principales préoccupations environnementales. En outre, les moyens affectés à la préservation de la biodiversité ont également augmenté. L'effort financier national pour la biodiversité s'élève en 2013 à plus de 2 milliards d'euros, en hausse constante depuis 10 ans, souligne l'ONB, qui fait aussi valoir une amélioration de la connaissance et des mesures prises sur le terrain. La part du territoire national concernée par un schéma d'aménagement intégrant les enjeux de biodiversité est ainsi passée de 0,7% en 2011 à 14% en 2015. Les aires protégées terrestres représentent toujours moins de 1,5% du territoire. Par contre, la progression des surfaces en aires marines protégées a été spectaculaire : de moins de 1% des eaux françaises en 1998, ces aires marines protégées couvrent 16,52% des surfaces aujourd'hui et sont dotées pour 86% d'entre elles d'un plan de gestion durable moins de trois ans après leur création.