Énergie : sobriété à tous les étages

Le gouvernement a présenté ce 6 octobre le "plan de sobriété énergétique" qui vise à réduire la consommation d’énergie de 10% en deux ans et à limiter les risques de rupture d'approvisionnement en gaz et en électricité pour les prochains mois. Des services publics aux entreprises, en passant par le sport, le logement et les transports, le gouvernement sonne la "mobilisation générale" à tous les étages. Les collectivités sont notamment encouragées à poursuivre les bonnes pratiques et à redoubler d'efforts sur l'éclairage public, source de substantielles économies.

"Il y a urgence à agir, le combat ne s'arrêtera pas à l'hiver 2022-2023", a déclaré ce 6 octobre la ministre de la Transition énergétique Agnès Pannier-Runacher dans son discours de lancement du plan de sobriété énergétique, présenté tout l'après-midi à Paris par neuf ministres, aux côtés d'experts, de représentants des collectivités territoriales et des entreprises. "La mobilisation générale doit aujourd'hui nous permettre d'atteindre (en 2024) 10% de réduction de consommation énergétique", par rapport à 2019, "la première marche" pour atteindre la trajectoire de 40% préconisée pour 2050 par les experts du climat, a indiqué la ministre, en soulignant que pour l'hiver, "notre action collective nous permettrait d'éviter des mesures plus contraignantes". "La sobriété, c'est un concept simple : des économies choisies plutôt que des coupures subies", a déclaré Elisabeth Borne, dans son discours de clôture de la présentation du plan. C'est une réponse pour l'urgence et un rempart contre des mesures plus contraignantes. Mais, plus largement, la sobriété est une nouvelle manière de penser et d'agir, qui sera une des clés de notre transition écologique", a poursuivi la Première ministre, en estimant qu'elle était aussi la clé d'"un pouvoir d'achat durable".

Des dizaines d'initiatives dans tous les secteurs

Neuf groupes de travail thématiques - État exemplaire, entreprises et organisation du travail, établissements recevant du public et grandes surfaces commerciales, industrie, numérique, sport, logement, mobilité et collectivités territoriales - ont oeuvré depuis juin dernier à la rédaction de feuilles de route sectorielles pour réduire les consommations énergétiques. Rassemblées dans un document de 50 pages, les dispositions qui ont été arrêtées doivent permettre de limiter les risques de rupture d'approvisionnement en gaz et en électricité pour les prochains mois. Le plan se décline en dizaines d'initiatives, basées sur le volontariat des acteurs plutôt que sur la coercition.

Chauffage revu à la baisse

Dans les bureaux, la température maximale devra être de 19°C, abaissée à 16°C dans les lieux de stockage ou la nuit, et à 8°C lorsque le bâtiment est fermé plus de 48 heures (sauf dans les crèches ou établissements de santé). Dans les gymnases, elle sera abaissée de deux degrés, à 14 degrés. Dans les logements, la température maximale devra être limitée à 19°C ; les habitants sont incités à acheter des thermostats programmables, avec une aide allant jusqu'à 65 euros. Les ballons d'eau chaude devraient être réglés à 55 degrés. Les dates de chauffe des immeubles pourront être raccourcies de 15 jours, selon la météo.

Covoiturage encouragé

Dans les transports, le covoiturage est encouragé, notamment par un "bonus", au montant non annoncé, pour tout nouveau covoitureur inscrit sur une plateforme à partir du 1er janvier 2023. A cette même date, la prise en charge des frais liés aux services de location de vélos électriques par les employeurs sera élargie à des loueurs privés. Les agents de l'administration devront, dans leurs voitures de service, limiter leur vitesse à 110 km/h sur autoroute et à 100 km/h sur voie rapide et des formations à l'écoconduite seront développées.

Télétravail dans la fonction publique

Dans la fonction publique, l'indemnité forfaitaire de télétravail va être augmentée de 15% à 2,88 euros par jour. Objectif : réduire la consommation de carburant. Des services publics sont incités à regrouper les mètres carrés chauffés, quitte à les utiliser sur de plus grandes plages horaires.

La grande distribution s'engage à diminuer la lumière de 30% en présence du public, et de 50% avant l'arrivée du public. Elle veut suspendre le renouvellement d'air pendant la nuit. Publicités et enseignes lumineuses seront éteintes à la fermeture des centres commerciaux. Dans l'industrie, une massification des diagnostics énergétiques est prévue ainsi qu'une généralisation des éclairages LED. Les recharges de batteries (véhicules, chariots) doivent être décalées pour éviter les horaires les plus tendus (8h-13h et 18h-20h). Les hébergeurs de données vont limiter leurs recours à la climatisation.

Baisse de la température de l'eau des piscines publiques

La température de l'eau des 4.000 piscines publiques sera réduite de 1 degré, en tenant compte des publics concernés, ainsi que celle des centres de thalasso. Celle des saunas, hammams et jacuzzis sera réduite, ainsi que leurs heures d'ouverture. Le temps d'éclairage avant ou après les matchs sera réduit de 50% pour les compétitions en journée et de 30% en soirée. La température des gymnases sera mise en mode hors gel en cas de tension sur le réseau.

Équipements culturels et de loisirs

Des travaux seront effectués sur le chauffage au musée du Louvre, à Fontainebleau ou dans des écoles d'architecture pour réduire de 10% leurs dépenses énergétiques dès 2023. Les périodes de chauffe de bâtiments comme la Grande Halle de la Villette à Paris seront réduites de deux heures. Le Louvre éteindra la pyramide à 23 heures et le château de Versailles ses façades dès 22 heures. Dans les cinémas, les exploitants diminueront l'éclairage, l'utilisation des enseignes et le chauffage. Le courant électrique des attractions des parcs à thèmes devra être éteint lors de la fermeture au public (96% des parcs ferment d'octobre à avril). Dans les stations de ski, la vitesse des télésièges sera adaptée à la fréquentation, et les remontées redondantes mises à l'arrêt.

Logements et bâtiments publics

Pour les logements, les aides MaPrimeRénov atteindront 2,6 milliards d'euros en 2023, contre 2 milliards cette année. En fonction des revenus, pour aider à l'achat d'une chaudière n'utilisant pas d'énergie fossile dans un logement principal, l'aide pourra aller jusqu'à 9.000 euros pour une pompe à chaleur et jusqu'à 15.500 euros pour une chaudière biomasse performante. S'ajoutent une enveloppe de 150 millions d'euros pour rénover des bâtiments publics à partir d'octobre 2022, et une autre de 200 millions d'euros pour rénover des logements sociaux.

Pour les administrations et bureaux, une concertation va être lancée pour étendre l'obligation d'installer un système d'automatisation et contrôle des bâtiments (BACS) permettant un pilotage intelligent et une réduction du gaspillage. Une aide dans le cadre des certificats d'économie d'énergie (CEE) est prévue pour lancer l'isolation des canalisations d'eau et de chauffage afin d'éviter les déperditions de chaleur. Le désembouage des dépôts qui s'accumulent dans les circuits de chauffage est aussi encouragé.

 

Collectivités territoriales : la preuve par l'exemple

Selon le ministre de la Transition écologique, Christophe Béchu, le groupe de travail sur les collectivités territoriales s'est concentré sur "l'échange de bonnes pratiques". C'est dans le domaine de l'éclairage public deuxième poste de consommation d’énergie des communes après les bâtiments (12% des consommations, 18% des coûts d’énergie, 31% des dépenses d’électricité) que les gisements d'économies apparaissent particulièrement substantiels. Sur les 10 millions de points lumineux du parc de l’éclairage public, 45% ont plus de 25 ans. "Une simple mise à niveau en passant à des éclairages LED avec pilotage automatisé permettrait une économie d’énergie, dès les premiers mois de 40 à 80% avec un retour sur investissement complet entre 4 et 6 ans", a préconisé le groupe de travail. Le fait d'ajuster l'éclairage en fonction des circonstances (baisse de l'intensité, allumage quand un passage est détecté, pilotage à distance en fonction de l'intensité lumineuse extérieure, extinction totale à partir d'une certaine heure est aussi préconisé.

Autre mesure mise en avant : l'application de façon stricte de l’interdiction d’éclairage nocturne des publicités. Annoncé en juillet dernier, le décret paru ce 6 octobre oblige à éteindre enseignes et publicités lumineuses la nuit, entre 1h et 6h du matin, partout en France, que la commune soit couverte ou non par un règlement local de publicité et quelle que soit la taille de l’unité urbaine à laquelle elle appartient.

L'État s'engage de son côté à accompagner les collectivités, d'abord à travers le programme Actee+ pour accélérer la transition écologique et énergétique. L’actuel programme CEE Actee 2, doté de 110 millions d'euros, vise à inciter les collectivités à la rénovation énergétique de leurs bâtiment publics en finançant une aide à la réalisation d’audits énergétiques (18.000 réalisés à mi-2022), d’assistance à maîtrise d’ouvrage (AMO) et à la dotation en ressources humaines de collectivités incitées à mutualiser leurs actions pour une meilleure efficacité et en fournissant un support technique adapté pour inscrire les économies d’énergie des collectivités dans la durée, rappelle le dossier de présentation du plan. Le programme va être prolongé et doté de 220 millions d'euros pour aider les collectivités à financer notamment des projets sur l’éclairage public (Lum’actee) et la rénovation des piscines (Act’eau), a indiqué Christophe Béchu. Le ministre a aussi rappelé que le fonds vert qui sera créé en 2023 permettra de soutenir à hauteur de 1,5 milliard d'euros les projets portés par les collectivités. Il pourra financer par exemple les investissements des collectivités dans leur passage à l’éclairage LED ou leurs actions en matière de mobilité (parking-relais, covoiturage…). Le document de présentation du plan mentionne aussi la nécessité de "promouvoir la sobriété auprès des citoyens et en particulier des plus jeunes". Les collectivités seront incitées à initier des démarches collectives en organisant des concours, par exemple, sur le modèle du concours des économies d’énergie Cube .

Au-delà des grandes villes et agglomérations qui ont communiqué sur leur plan sobriété qui sont bien connues, la mobilisation concerne aussi des villes moyennes, des départements, des zones rurales, insiste aussi le dossier de présentation du plan. Lors de la présentation des conclusions du groupe de travail collectivités territoriales ce 6 octobre, au côté de Christophe Béchu, Olivier Richefou, président du conseil départemental de la Mayenne a cité le plan en 53 mesures dont s'est doté son département pour réduire de 10% la consommation énergétique : 19°C dans tous les bâtiments publics, 18°C lors des jours de forte tension, mise en place d’une Journée pull-over tous les vendredis, suppression de l’eau chaude des sanitaires, etc. La métropole de Dijon s’engage aussi cet hiver avec un panel de mesures : baisse de la température, isolation des bâtiments, utilisation de systèmes d’énergie moins consommateurs, éclairage public abaissé de 70%... La ville de Nice s’est fixé un objectif de -10% dès cet automne, grâce à l’extinction des façades des musées et des éclairages décoratifs de la ville et de la métropole de 23h à 5h, le choix du télétravail, le délestage des équipements routiers adaptés et sécurisés entre 23h et 5h du matin, sans risque pour les piétons, ou encore une aide de 4.000 euros pour financer les audits énergétiques, qui sera désormais déplafonnée et sans condition de revenus. La ville de Lorient prend des mesures pour réduire de 17% sa consommation de gaz et de 10% sa consommation électrique : extinction des lumières entre minuit et 6h, remplacement des ampoules par des LED, température à 14C° dans les gymnases et 19C° dans les écoles, eau chaude coupée dans les sanitaires des bâtiments publics. Autre exemple : celui de la ville d’Arras, qui gère 8.000 points lumineux. Jusqu’à présent, seuls 26% des éclairages étaient en LED. La ville a prévu 5 millions d'euros d’investissements pour passer à 80% d’ici 2024 et économiser, en 2028, les trois quarts de la consommation actuelle.

 

 

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