Énergie, apprentissage, verdissement des voitures : la Cour des comptes propose des coupes dans les aides post-Covid

Dans une revue de dépenses publiée le 9 janvier 2025, la Cour des comptes propose une économie de plus d'1,5 milliard d'euros en 2025 et de plus de 3 milliards en 2027 en coupant notamment dans les aides à l'apprentissage, à l'énergie et au verdissement des véhicules neufs. Emblématiques du "quoi qu'il en coûte", ces aides censées être temporaires sont toujours en place.

1,54 milliard d'euros en 2025 et 3,35 milliards en 2027, ce sont les économies que la Cour des comptes estime envisageables grâce à une série de douze recommandations portant sur les aides post-Covid, présentées le 9 janvier 2025. "Ces dispositifs exceptionnels ont pris des formes très diverses et ont atteint des montants colossaux, a insisté Pierre Moscovici, premier président de la Cour des comptes lors de la présentation de cette revue de dépenses. Ils étaient présentés comme des mesures limitées dans le temps, pourtant ils continuent de peser sur le compte de l'État. Cette perduration du 'quoi qu'il en coûte' met en évidence des dépenses de faible qualité." 

Ces mesures ont été portées par le plan d'urgence de mars 2020 (79 milliards d'euros) et le plan de relance de septembre 2020 (70 milliards d'euros consommés à fin 2024), ainsi que par des dispositifs mis en place pour faire face aux hausses des prix de l'énergie dans le cadre du plan de résilience de mars 2022 (86 milliards d'euros). En 2024, leurs effets sur le solde budgétaire est estimé à 4,3 milliards d'euros pour la relance et 5,2 milliards pour les aides liées à l'énergie. "À ces estimations s'ajoute le coût des mesures initialement financées par la mission Plan de relance mais pérennisées par d'autres missions budgétaires, telles que l'élargissement des aides à l'embauche d'apprentis ou la majoration du bonus écologique sur les véhicules neufs", détaille le rapport.

Recentrer les aides à l'apprentissage sur les niveaux 3 et 4

Pour accélérer la sortie de ce "quoi qu'il en coûte", les magistrats avancent donc douze propositions, axées sur cinq domaines principaux. Premier d'entre eux : l'apprentissage. "La politique de l'apprentissage est indispensable à l'insertion de nombreux jeunes, a assuré Pierre Moscovici. En revanche les aides de l'État devraient être ciblées sur la formation des niveaux 3 et 4, soit le secondaire. Elles ne devraient pas inclure les formations de l'enseignement supérieur pour lesquelles l'apprentissage est peu, voire pas utile pour l'insertion professionnelle." L'idée est donc de mieux cibler les aides qui sont accordées, en recentrant le dispositif sur les niveaux 3 et 4 et en le limitant pour les profils issus de l'enseignement supérieur. Il s'agirait aussi de diminuer le montant de l'aide à l'embauche et les niveaux de prise en charge des formations, et de réduire les avantages fiscaux. De son côté le gouvernement a annoncé un décret courant janvier visant à abaisser l'aide à 5.000 euros pour les PME et 2.000 euros pour les entreprises plus grandes (voir notre article du 7 janvier).

Le second domaine concerne l'énergie et les aides visant soutenir le pouvoir d'achat. Deux mesures fiscales, le barème kilométrique et le crédit d'impôt pour les gardes d'enfants, pourraient selon la rue Cambon, revenir à leurs périmètres d'avant-crise, voire même être abaissées, en fonction de l'évolution des coûts réels qu'elles compensent. "Parfois les aides excèdent la hausse des prix du carburant, a dénoncé le premier président de la Cour des comptes, en 2022, elles étaient à 47% au-dessus du coût réel !"

Appliquer une méthode pour réduire les dépenses publiques

Pour la Cour, la budgétisation des actions de transition écologique des secteurs agricole et forestier est à revoir sur la période 2023-2027. Ces secteurs ont vu leurs crédits largement augmenter par rapport au niveau d'avant-crise, mais il y a maintenant un travail de cohérence à réaliser avec la loi de programmation des finances publiques 2023-2027, la capacité des filières bénéficiaires et les dispositifs préexistants de la politique agricole commune (PAC) qui prévoient déjà des objectifs et priorités communs avec ceux de la mission Agriculture.

Concernant la transition écologique, les magistrats proposent d'ajuster les aides au verdissement des véhicules, en évitant notamment de distribuer des bonus écologiques aux voitures trop lourdes, et d'accélérer la convergence du régime fiscal du gazole non routier vers le droit commun.

Enfin, la Cour s'intéresse au secteur de la culture et des industries créatives. Pour les magistrats, le fonds ICC / Tech & Touch, destiné à investir dans des structures et dont les moyens d'engagement ne sont pas encore utilisés, et l'appel à manifestation d'intérêt "Culture, patrimoine numérique", dont le bilan est mitigé, mériteraient d'être interrompus.

"Au-delà des propositions, c'est une méthode à appliquer, avec une salve de réduction des dépenses publiques", a détaillé Pierre Moscovici, précisant que d'autres notes allaient être rédigées par la Cour et publiées dans ce sens, notamment sur l'assurance maladie. "Si on continue ainsi, nous trouverons beaucoup d'économies sans handicaper la croissance et sans fragiliser le modèle social." D'autant que l'effort à réaliser s'étendra sur plusieurs années. "Tout le monde [se] focalise sur 2025 mais ça va durer jusqu'en 2031, a mis en garde Pierre Moscovici. Nous avons des années d'effort devant nous !"