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Emploi : entre une fin d'année tendue et un espoir de rebond en 2021

Si l'arsenal des mesures de soutien de l'État a contenu les défaillances d'entreprises en 2020 et limité à moins de 30.000 le nombre de licenciements, le début de 2021 reste incertain sur le front de l'emploi. Le rebond économique espéré si la pandémie est maîtrisée suffira-t-il à compenser la fin d'une partie des aides de l'État même si le ministère du Travail annonce une montée en charge de certains dispositifs ?

Depuis le 15 mars 2020, 88.000 suppressions d'emplois ont été comptabilisés par Trendeo, soit le double de 2019. Cependant, le nombre de suppressions nettes reste limité à 24.907. 
Parmi les plus gros plans sociaux annoncés, figurent Air France (7.700), Airbus group (5.797), Renault (4.600), Sodexo (2.083), Daher (2.000), Valéo (2.000), Total (1.925) et Elior (1.900) ou encore Mullliez (1.785)… 
Les secteurs les plus touchés sont la construction aéronautique (11.917 suppressions nettes), le commerce (6.733), l'industrie automobile (6.102), le transport aérien (7.597) et la restauration, "surtout collective" souligne David Cousquer. "Si les plans sociaux ont été importants dans l'automobile pendant la première phase, le secteur a ensuite recréé de l'emploi notamment en embauchant des intérimaires", ajoute le gérant fondateur de Trendeo. Quant aux territoires, l'Île-de-France paie le plus lourd tribut avec 37.672 suppressions d'emploi, mais 25.197 en net, compensées au niveau national par les 63.163 créations. Suivent Midi-Pyrénées (7.234) et le Centre (4.227). 

+ 20% d'entreprises créées entre septembre et novembre 2020 

Si la casse sociale est contenue, le Conseil national des greffiers des tribunaux de commerce (GNGTC) a alerté dès la fin novembre sur la situation paradoxale des défaillances d'entreprises puisqu'avec "seulement" 7.465 ouvertures de procédures collectives, dont 5.662 de liquidation judiciaire, entre le 1er septembre et le 30 novembre, leur nombre a chuté de 37% à un an d'intervalle. "À l'inverse, 129.499 entreprises ont été créées entre septembre et novembre 2020, soit une augmentation de plus de 20% par rapport à la même période en 2019", indique le dernier baromètre du GNGTC publié le 10 décembre.
Un paradoxe consécutif aux dispositifs de protection des entreprises et de l'emploi mis en place par le gouvernement. "La chute des défaillances en 2020 s'est d'abord expliquée par des mesures administratives, mais sa persistance cet automne est surtout due aux mesures massives de soutien aux entreprises qui ont, en partie, gelé le processus normal de sortie des entreprises", a confirmé le Conseil d'analyse économique (CAE) le 14 décembre ("Les défaillances d'entreprises dans la crise Covid-19 : zombification ou mise en hibernation ?").

Pas de "zombification" de l'économie, plutôt une "mise en hibernation"

Ainsi, "les interventions publiques pour aider les entreprises ont permis de sauver, au moins temporairement, un très grand nombre d'entreprises dont certaines n'auraient pas survécu même en année normale", ajoute le CAE, considérant toutefois qu'il n'y avait pas à ce stade de "zombification" de l'économie, plutôt une "mise en hibernation". Cela s'est cependant fait, dans les secteurs les plus touchés, au prix de l'augmentation de la dette des entreprises les plus affectées par une baisse durable d'activité. "Dans ces secteurs, l'accumulation de dette et la baisse d'activité 2020-2021 pourraient aboutir à une forte augmentation (+ 26% environ) du risque de défaillance à partir de 2021", anticipe le CAE. À cela s'ajouterait le rattrapage "normal" des défaillances qui n'ont pas eu lieu en 2020.
Avant la fin du mois de décembre, la mission sur la justice économique, lancée le 5 octobre dernier par Bruno Le Maire, ministre de l'Économie, et Éric Dupond-Moretti, garde des Sceaux, ministre de la Justice, devra remettre ses recommandations "pour améliorer la prise en charge des entreprises exposées à un risque de défaillance". 

Réduire la sauvegarde d'entreprises non viables

Toutefois, il reste assez hasardeux de faire des projections pour 2021 tant les incertitudes sont nombreuses à la fois sur l'évolution de la pandémie, l'éventuel rebond économique, le prolongement des dispositifs d'activité partielle pour endiguer le chômage et les effets des mesures gouvernementales notamment dans le cadre du plan de relance. L'enjeu pour 2021 consistera selon le Conseil d'analyse économique à "réduire au maximum les défaillances d'entreprises performantes et viables dans une situation hors Covid et la sauvegarde d'entreprises non viables, car dans les deux cas c'est la productivité agrégée qui serait réduite". Le CAE considère que "le risque d'affaiblissement du tissu économique apparaît comme le plus grave". 
Le gouvernement a pris la mesure de ces divers enjeux en ajustant son arsenal de mesures au cas par cas. La réunion du 17 décembre 2020 du groupe de travail paritaire constitué par le ministère du Travail pour co-construire avec les partenaires sociaux les divers dispositifs a permis de dresser le bilan de ces derniers et les chantiers prévus pour le début de 2021. 

"Territorialiser le plan jeunes"

Ainsi, cinq mois après son lancement, le plan "1 jeune, 1 solution" "répond aux différents besoins des jeunes", a souligné le cabinet d'Élisabeth Borne. Selon les outils, le taux d'exécution oscille entre 80 à 105%, le cas d'AIJI (aide à l'accompagnement intensif des jeunes mené par Pôle emploi). La plateforme dédiée lancée le 19 novembre a enregistré plus de 400.000 connexions. 
"La montée en puissance des dispositifs va se poursuivre en 2021", annonce le ministère du Travail et certains vont être lancés, à l'instar du volontariat territorial en entreprise (VTE Vert) qui cible les jeunes embauchés par des PME s'engageant dans un projet de transition écologique. Reste cependant à "trouver le bon équilibre et les outils adaptés", atteindre par exemple 100.000 garanties jeunes supplémentaires est une "grosse marche à franchir". Mais l'enjeu est aussi "de territorialiser le plan jeunes". "Des marges de manœuvre sont données aux préfets dans ce sens avec des possibilités de fongibilité entre les dispositifs et d'adaptation en fonctions de spécificités locales", indique l'entourage de la ministre du Travail. "En 2021, la fongibilité ira au-delà car elle inclura l'ensemble du dispositif d'accompagnement." 

Métiers en tension : quatre branches priorisées mi-janvier 

Concernant les métiers en tension, suite aux travaux de l'automne et aux propositions des partenaires sociaux, le ministère du Travail leur a proposé de se concentrer, dans un premier temps, sur quatre branches d'activité afin de "conduire un travail ambitieux". Une sélection parmi les secteurs qui nécessitent des compétences stratégiques (bâtiment, industrie, numérique, santé, services à la personne, transports, métiers de bouche, métiers émergents…) sera effectuée d'ici à la mi-janvier. Une personnalité qualifiée sera désignée par branche retenue pour organiser tout le travail devant permettre de répondre à cette problématique des métiers en tension. Une deuxième sélection sera faite plus tard. 
Enfin, la réunion du 17 décembre a aussi permis de faire un point d'étape sur la mise en œuvre du nouveau dispositif "transitions collectives" devant faciliter les mobilités fonctionnelles interbranches sur un même bassin d'emploi pour les salariés dont l'emploi est menacé. Comme annoncé fin novembre, les territoires pilotes seront sélectionnés d'ici à la fin de l'année, l'appel à manifestation d'intérêt se clôturant le 21 décembre 2020. 
"Les derniers jours de l'année seront consacrés à l'analyse des projets 'bien calibrés' pour expérimenter les premières plateformes d'appui à la transition professionnelle avant leur généralisation quelques semaines plus tard", prévient le cabinet d'Élisabeth Borne, précisant que le dispositif "transitions collectives" n'est soumis "à aucun plafond ni dégressivité pour que cela soit incitatif pour tout le monde".
Outre la mise en œuvre fonctionnelle avec notamment les Direccte pour qu'elles puissent conventionner avec les AT Pro (association de transition professionnelle), il a été retenu avec les partenaires sociaux que les entreprises de moins de 300 salariés se suffiront d'un accord de type GPEC (gestion prévisionnelle des emplois et des compétences). Ce dernier sera en revanche obligatoire pour les entreprises de plus de 300 salariés. 

 

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